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Claude Posternak : ”Il est urgent que les Français de droite, de gauche, de la société civile se remettent, comme à la Libération, autour d’une table pour définir le nouveau compromis qui mettra les hors système au cœur même des priorités.”
©REUTERS/Eduardo Munoz

Entretien

A l'occasion de la sortie de son nouveau livre, "Le nouveau partage", Claude Posternak revient sur la nécessité qu'il y a aujourd'hui pour les Français à se rassembler en vue de définir un nouveau compromis social.

Claude Posternak

Claude Posternak

Claude Posternak, spécialiste reconnu de l'opinion, fondateur du Baromètre Posternak-Ifop, Président de la Matrice, fondateur de limportant.fr. Auteur de "Le nouveau partage" Editions Fauves"La schizophrénie de l'opinion française" Editions Fauves, "Les expériences de la gauche au pouvoir freinent-elles les luttes populaires?" Université Paris VII.

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Atlantico : En quoi le "pacte" signé à la Libération entre le général de Gaulle et le Parti communiste, base d’un capitalisme d’État à la française, est-il désormais caduc ?

Claude PosternakNombre de facteurs viennent l’expliquer : mondialisation, explosion de la productivité… Mais le plus important tient à sa dimension sociale. Le compromis signé entre de Gaulle et Thorez, à l’origine d’extraordinaires avancées sociales, fonctionnait quand tous les Français étaient à l’intérieur du système. Il ne fait plus sens quand près de 10 millions de Français sont hors du système. Un pays qui compte plus de 6,5 millions d’inscrits à Pôle emploi, 8,8 millions de personnes qui vivent sous le seuil de pauvreté ne peut plus dire "On ne touche à rien, circulez y’a rien à voir".

L’expression la plus douloureuse de cet échec est la faillite de l’école républicaine. Nous consacrons chaque année 20 milliards de plus que les Allemands à l’Education nationale. Pour quels résultats ? Nous sommes devenus (classement Pisa 2017) le pays le plus inégalitaire de l’Union Européenne. La noblesse de l’action publique est d’être au service des plus défavorisés. Ce n’est plus le cas en France.

Dans votre dernier livre, Le nouveau partage (voir ici), vous vous en prenez à la "bourgeoisie d'Etat" qui regroupe les professionnels de la politique, et à la "bureaucratie syndicale", qui entretiennent toutes les deux "un pacte dégénéré." Comment rééquilibrer alors le jeu démocratique ?

Claude PosternakLes grands commis de l’Etat de la Libération, ceux qui gagnaient peu et servaient la France avec le plus grand dévouement, sont devenus sous l’effet du néolibéralisme, une oligarchie sans contrôle qui a la main sur tous les rouages du pays : haute administration, grandes entreprises, partis politiques. Ce processus de dégénérescence arrive à un point de rupture. Les Français acceptent de déléguer l’ensemble des pouvoirs à des élites. A une seule condition : ils ont le devoir de réussir. Les élites sans résultats - l’explosion continue du chômage de masse est le principal marqueur - apparaissent alors comme une classe qui ne pense plus qu’à défendre ses propres intérêts.

En face, la plupart des leaders syndicaux ne font pas mieux. Eux-aussi ne défendent que ceux qui sont à l’intérieur du système. En retour, ils voient leurs troupes fondre. La part des salariés syndiqués est passée de 30% à la Libération à moins de 7% aujourd’hui. Nous sommes le pays européen qui compte le moins de salariés syndiqués mais aussi celui qui compte le plus grand nombre de permanents syndicaux rapportés au nombre d’adhérents. Bureaucratie syndicale, comme bourgeoisie d’Etat ont trahi l’esprit du Conseil National de la Résistance à l’origine de notre République sociale. Cette situation est extrêmement préoccupante alors que l’extrême-droite ne cesse de progresser à chaque élection. Il est urgent que les Français de droite, de gauche, de la société civile se remettent, comme à la Libération, autour d’une table pour définir le nouveau compromis qui mettra les hors système au cœur même des priorités. C’est en cela que la candidature d’Emmanuel Macron rentre en résonnance avec la société civile. Il est le seul aujourd’hui à vouloir dépasser les clivages. Il est également le seul à s’être engagé à renouveler la classe politique.  

Ce blocage est-il spécifiquement français ? Notre société peut-elle changer au sein d'une Union européenne en péril et décrédibilisée ?

L’ensemble des démocraties est en crise. Il existe pourtant une spécificité française. Il suffit de comparer niveau de chômage, balance commerciale, niveau d’industrialisation, poids de la dette, part de la dépense publique dans le PIB, entre la France et l’Allemagne pour prendre la mesure du blocage. En 2001, les Allemands se sont adressés aux responsables politiques français pour construire, en plus d’une monnaie unique, une Europe politique, sociale et fiscale commune. Nous n’avons pas daigné leur répondre. Nous n’avons pourtant pas d’autre solution. Ensemble, les pays européens sont la première puissance économique au monde. La solution du repli n’en n’est pas une. Elle ne ferait que satisfaire la volonté conjointe de la nouvelle administration Trump et de la Russie d’affaiblir l’Europe.

La priorité absolue, pour de nouveau pouvoir croire en l’Europe, est de mettre fin au suicide fiscal. Quand une entreprise paye 1% d’impôt à Dublin au lieu d’en payer 33% à Paris, ce n’est plus de l’optimisation, c’est de la fraude. Une fraude qui se révèle être en fait une double peine. Un, elle creuse les déficits des Etats. Additionnée à la fraude des particuliers, c’est 1 000 milliards d’euros qui s’évaporent chaque année de l’Union européenne. C’est 20% de son PIB, c’est le double du déficit annuel cumulé de tous ses Etats. Deux, elle permet aux Google, Apple, Facebook, Amazon et consorts d’investir en recherches et développement dans des secteurs qui viendront concurrencer nos industries nationales. La Google Car ou l’Apple Car puisent dans l’opulente trésorerie de leurs réserves offshores ; il s’agit de plusieurs centaines de milliards pour financer des voitures qui viendront concurrencer PSA ou Renault qui, eux, n’ont pas ces largesses fiscales. Il faut prioritairement y mettre fin. Sans cela, rien ne sera possible.

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