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Cigarette électronique : une solution pour arrêter de fumer ou un piège ?
©Reuters

Bonnes feuilles

En prenant conscience des mécanismes biologiques et psychologiques qui vous font fumer malgré vous, vous allez reprogrammer votre cerveau de fumeur en un cerveau d'ex-fumeur, enfin libéré des réflexes et des rites que vous impose la cigarette. L'objectif ? Redevenir libre, indépendant et en bonne santé ! Extrait de "Arrêter définitivement de fumer : 50 conseils pour atteindre son objectif", de Monique Osman, publié chez Solar Éditions (2/2).

Monique  Osman

Monique Osman

Monique Osman est tabacologue et psycologue. Elle est spécialitse des sujets liés au tabac et à la dépendance auprès de l'OFT (Office français de prévention du tabagisme) et du site tabac-info-service.fr.

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Fumer ou vapoter

La cigarette électronique est un dispositif inventé et breveté en Chine il y a quelques années, qui connaît un grand succès aujourd’hui dans le monde entier, avec ses partisans, y compris parmi les professionnels de santé, mais aussi ses détracteurs. Elle permettrait à son utilisateur de « vapoter » – c’est le terme substitué au mot « fumer » – a priori à moindre risque puisqu’il n’y a pas combustion, donc pas de goudron ni de monoxyde de carbone dans la vapeur qui se dégage de cette cigarette particulière. Mais il ne s’agit pas de vapeur d’eau comme on l’entend dire trop souvent. Cette vapeur, qui est en fait un aérosol, résulte d’un mélange de différents produits chauffés : glycérol et propylène glycol qui permettent de réaliser la fumée, colorants, arômes divers, et le plus souvent nicotine.

Aujourd’hui, il y a en France beaucoup plus de boutiques qui vendent des cigarettes électroniques que de consultations de tabacologie ! La rentabilité de ces boutiques est telle qu’elle inspire un nombre de plus en plus important de nouveaux commerçants sans la moindre qualification et dont le seul objectif reste le profit rapide. Les buralistes, qui ont « raté le coche » au début de la commercialisation de la cigarette électronique, se sont rattrapés par la suite lorsqu’ils ont compris que l’absence de taxes sur ce produit risquait de peser lourdement sur la vente de leurs propres produits et qu’en assurant la vente de l’e-cigarette, ils étaient à même de développer leur chiffre d’affaires.

Entre innocuité et danger

Que savons-nous vraiment de la cigarette électronique aujourd’hui et que pouvons-nous affirmer ?

– Les études entreprises sont soient trop anciennes car basées sur des dispositifs anciens, soit trop récentes et le manque de recul empêche toute interprétation certaine, soit biaisées ou partisanes car réalisées par les vapoteurs eux-mêmes dans des conditions non conformes aux règles qui doivent présider aux études scientifiques sérieuses. Il n’est pas non plus inutile de se demander qui finance ces études !

– La cigarette électronique est forcément moins dangereuse que la cigarette traditionnelle, en tous cas à court terme, car il n’y a pas de combustion (donc ni monoxyde de carbone ni goudron).

– Elle mérite d’être conseillée si le fumeur présente une pathologie grave amplifiée par son tabagisme, s’il ne veut pas s’arrêter ou prétend ne pas pouvoir, ainsi qu’à certaines personnes en situation de précarité, à la fois pour des raisons de santé et des raisons financières. – Elle ne doit pas être conseillée en première intention aux fumeurs qui désirent clairement arrêter.

– Elle ne convient pas aux femmes enceintes, aux jeunes, aux non-fumeurs ou aux ex-fumeurs.

– Il est prudent, avant d’avancer d’autres arguments, d’attendre les futures études sur les dispositifs eux-mêmes, les liquides utilisés et leurs composants, les comportements des vapoteurs, et les effets réels sur leur santé à terme. Certaines études très récentes nous apprennent que l’on peut parfois trouver, quand on analyse la vapeur, des traces de métaux lourds en quantité plus importante que dans la cigarette classique, et du formaldéhyde, substance considérée comme dangereuse et cancérigène. Pour autant, il semblerait que globalement (à condition que les liquides ne soient pas chauffés au-delà de 100 °C, température au-dessus de laquelle ils peuvent se dégrader dangereusement en produisant des substances réputées cancérigènes), la nocivité de la cigarette électronique soit moins importante que celle de la cigarette classique, en tous cas à court terme car on manque singulièrement de recul pour en affirmer davantage. II faut cependant savoir que les substances détectées à l’occasion des analyses de certains liquides vendus dans le commerce ne seraient pas conformes aujourd’hui à celles annoncées par les fabricants sur leurs notices. Si l’information est exacte, cela s’apparente à une forme de tromperie à laquelle les fabricants vont devoir remédier. Il est urgent, quoi qu’il en soit de rester prudent et d’encadrer au mieux la vente de ces dispositifs pour satisfaire aux exigences de santé publique. En résumé Nous manquons de recul aujourd’hui pour affirmer à coup sûr que la cigarette électronique est inoffensive. Par contre, nous pouvons avoir de fortes convictions pour la conseiller dans certains cas, mais aussi quelques bonnes raisons de la dénigrer ou de faire la part des choses en fonction de la situation tabagique du fumeur et des désirs qu’il exprime.

Une cacophonie qui alimente les controverses

Pour nous aider à y voir clair objectivement, nous devrions pouvoir compter sur les études mais aussi sur les conclusions des experts. Problème : les experts semblent à première vue ne pas être tous d’accord entre eux. À New York, la cigarette électronique est interdite dans les lieux publics et aux moins de 21 ans. À Rome, après avoir été interdite de façon comparable dans un premier temps, elle est désormais largement autorisée partout et pour tous, mais a été taxée entre-temps quasiment au même niveau que la cigarette traditionnelle ! Comment expliquer des différences d’appréciation aussi importantes d’un expert à l’autre, sinon par le manque de recul et par l’influence néfaste des lobbies ?

Certains pays ont décidé d’interdire la cigarette électronique le temps de mener à bien des études scientifiques poussées. Ce n’est pas forcément la bonne méthode non plus, car le fumeur atteint d’une pathologie grave ou à risque et qui ne veut pas arrêter de fumer peut avoir intérêt à utiliser ce dispositif sans délai.

Mais alors, dans ce cas, n’est-il pas préférable et prudent que la cigarette électronique, pour une période transitoire au moins, comme les substituts nicotiniques, soit vendue exclusivement en pharmacie ? Une dizaine de pays européens viennent d’ailleurs de décider que l’e-cigarette serait exclusivement vendue comme un médicament en pharmacie. La question mérite d’être discutée, même si la vente exclusive en pharmacie risque a contrario de décourager celui à qui le dispositif serait utile et bénéfique.

En France, peu de décisions définitives ont été prises à ce jour tant les enjeux économiques et financiers sont importants. L’HAS (Haute autorité de santé), qui n’a que voix consultative, recommande à ce stade de ne pas l’interdire à ceux qui souhaite l’expérimenter, sans pour autant la conseiller, mais préconise que les sujets fragiles (jeunes et femmes enceintes) ne l’utilisent pas. On est là entre cacophonie, hésitation et hypocrisie !

Certains médecins plutôt favorables à la cigarette électronique

On peut comprendre que les pneumologues, les cardiologues et d’autres spécialistes, en première ligne pour constater les pathologies graves développées par les fumeurs, soient tentés de favoriser de manière plus libérale la vente de la cigarette électronique, notamment si le fumeur présente un tabagisme important et ancien. Mais on peut aussi comprendre que les tabacologues confrontés aux pathologies liées aux dépendances comportementales y soient hostiles dans certains cas, lorsque le patient ne présente pas de pathologie physique grave.

Si vous allez voir spontanément un tabacologue, c’est que vous souhaitez arrêter de fumer. Votre thérapeute ne peut pas vous recommander la cigarette électronique en première intention, car elle va vous maintenir dans vos dépendances de fumeur.

Les risques du « fumeur électronique »

Ce qui est certain, c’est que l’utilisateur d’e-cigarette est souvent sensible à l’effet de mode, et il est favorablement impressionné par l’image « clinique » que véhiculent les boutiques à la devanture moderne, où les produits sont alignés comme dans une parfumerie !

Il faut comprendre que le fumeur qui espère diminuer sa consommation, tout en minimisant ses risques d’intoxication, risque de ne pas se libérer de ses besoins en nicotine aussi longtemps qu’il utilisera des liquides contenant cette substance. Il risque donc de rester dépendant physiquement au tabac. Le fumeur ne se départira pas non plus de sa dépendance comportementale et gestuelle. Il risque donc de ne jamais arrêter de fumer définitivement ! De même que les ex-fumeurs convaincus de l’innocuité de ce dispositif « miraculeux », la nostalgie aidant, risquent de recommencer à fumer des cigarettes industrielles un jour ou l’autre.

Bon à savoir : certains liquides sont moins dosés que d’autres en nicotine et certains n’en contiennent pas du tout. Tous contiennent du glycérol et du propylène glycol, substances qui permettent de générer de la fumée. Ils contiennent aussi des arômes divers au choix du vapoteur (fraise Tagada, pomme, goût tabac, rhum-coca…) et de la nicotine la plupart du temps. La nicotine contenue dans les liquides peut varier selon les besoins du fumeur entre 6 mg par ml et 20 mg par ml, sans pouvoir dépasser ce dosage maximum, au-delà duquel le liquide serait considéré comme un médicament. Le vapoteur peut diminuer progressivement son dosage et passer finalement aux liquides sans nicotine : il n’utilise alors sa cigarette électronique que pour gérer ses dépendances psychoaffectives.

Une aide à l’arrêt ou une bombe à retardement ?

Une étude récente indique que les chances d’arrêter de fumer avec la e-cigarette sont légèrement supérieures à celles d’arrêter avec un patch. Mais, à y regarder de plus près, les deux méthodes ne sont pas du tout comparables. En effet, la cigarette électronique satisfait aussi la dépendance comportementale et affective associée à la prise d’un objet au cours de certaines situations. Son utilisateur la met en collier autour du cou, disponible pour être portée à sa bouche comme une tétine, en cas de besoin. Il peut s’y « accrocher » s’il est stressé ou s’il s’ennuie… La cigarette électronique est le substitut de ce que peut représenter la « vraie » cigarette pour le fumeur, sur le plan psychanalytique, ce que ne fait évidemment pas le patch… En ce sens, quand on sait à quel point la dépendance psycho-comportementale à la cigarette est importante, on ne doit pas s’étonner que l’utilisation de la cigarette électronique pour arrêter de fumer soit préférable pour certains fumeurs à l’utilisation d’un patch. Il restera le vapotage ! Le vapoteur pourra-t-il un jour y renoncer ?

Les médias et certains spécialistes se bornent à comparer les avantages de la cigarette électronique aux dangers, sur le plan médical, de la cigarette traditionnelle. Ils sont sur le court terme, jusqu’à preuves du contraire ! Nous n’avons actuellement aucune donnée qui permette d’en juger sur le long terme ! On peut légitimement se poser la question de savoir si l’utilisation, à grande échelle, de la cigarette électronique ne représente pas une bombe à retardement qui pourrait inciter les jeunes à devenir fumeurs en « normalisant » le comportement tabagique, alors que la prévention du tabagisme s’appuie justement sur le fait de le « dénormaliser » ? Ne risque-t-elle pas de « recontaminer » certains ex-fumeurs qui avaient complètement renoncé au fait de fumer ? Ne risque-t-on pas de recruter de nouveaux fumeurs dans la population des non-fumeurs, qui seraient tentés de l’essayer pour le « fun », à cause de son aspect ludique et apparemment inoffensif ? L’avenir le dira…

Extrait de "Arrêter définitivement de fumer : 50 conseils pour atteindre son objectif", de Monique Osman, publié chez Solar Éditions, 2014. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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