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Charte des langues régionales : François Hollande divisera-t-il la République pour être réélu ?
©Reuters

Diviser pour mieux régner

Les langues régionales constitueront un important coût caché derrière la candidature de François Hollande en 2017. Les amoureux de la langue française, les désespérés de l’Éducation Nationale et les héritiers d’une tradition désormais millénaire ne manqueront pas de s’en offusquer, puisque la France s’apprête à ratifier un texte qui constitue un péril imminent pour l’indivisibilité de la République.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La charte des langues régionales: de quoi s’agit-il?

Le fond du débat tient à la probable ratification par la France de la charte des langues régionales adoptée par le Conseil de l’Europe en 1992.

Peu de Français connaissent cette organisation internationale parfois évoquée comme la Cour de Justice de Strasbourg, aussi appelée Cour Européen de Sauvegarde des Droits de l’Homme, qui statue sur l’application de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Or, il se trouve que le Conseil de l’Europe (installé à Strasbourg) est producteur d’une multiplicité de textes internationaux.

La charte des langues régionales fait partie de cet ensemble et prévoit des dispositions qui constituent une rupture forte avec la tradition française. La charte précise qu’une langue régionale n’est pas un dialecte de la langue nationale, ni la langue des populations immigrées. Le texte prévoit un objectif chiffré (article 2):

  • chaque Partie s’engage à appliquer un minimum de trente-cinq paragraphes ou alinéas choisis parmi les dispositions de la partie III de la présente Charte, dont au moins trois choisis dans chacun des articles 8 et 12 et un dans chacun des articles 9, 10, 11 et 13

Quelles obligations pour respecter les langues régionales

Pour que chacun comprenne bien ce que cela signifie, voici, par exemple, des extraits des paragraphes des articles 8 à 12:

  • à prévoir une éducation préscolaire assurée dans les langues régionales ou minoritaires concernées; ou
  • à prévoir qu’une partie substantielle de l’éducation préscolaire soit assurée dans les langues régionales ou minoritaires concernées; ou
  • à appliquer l’une des mesures visées sous i et ii ci-dessus au moins aux élèves dont les familles le souhaitent et dont le nombre est jugé suffisant (…)

Dans les procédures civiles:

  • à prévoir que les juridictions, à la demande d’une des parties, mènent la procédure dans les langues régionales ou minoritaires; et/ou
  • à permettre, lorsqu’une partie à un litige doit comparaître en personne devant un tribunal, qu’elle s’exprime dans sa langue régionale ou minoritaire sans pour autant encourir des frais additionnels; et/ou
  • à permettre la production de documents et de preuves dans les langues régionales ou minoritaires,

Si nécessaire par un recours à des interprètes et à des traductions; (…)

En ce qui concerne les services publics assurés par les autorités administratives ou d’autres personnes agissant pour le compte de celles-ci, les Parties contractantes s’engagent, sur les territoires dans lesquels les langues régionales ou minoritaires sont pratiquées, en fonction de la situation de chaque langue et dans la mesure où cela est raisonnablement possible:

  • à veiller à ce que les langues régionales ou minoritaires soient employées à l’occasion de la prestation de service; ou
  • à permettre aux locuteurs de langues régionales ou minoritaires de formuler une demande et à recevoir une réponse dans ces langues; ou
  • à permettre aux locuteurs de langues régionales ou minoritaires de formuler une demande dans ces langues. (…)

Ces quelques exemples me paraissent illustrer clairement les atteintes graves à l’indivisibilité de la République préservée jusqu’ici par des régimes et des gouvernements successifs, d’idéologies diverses mais tous allergiques à la remise en cause du Français comme langue unique de l’Etat en France. Désormais, avec la charte des langues régionales, la justice sera potentiellement rendue en Breton, en Corse, en Provençal, en Alsacien. Ces langues seront obligatoirement enseignées à l’école et les fonctionnaires devront les pratiquer dans l’administration quotidienne.

Dans le même temps, il faudra trouver des moyens nouveaux pour recruter les enseignants qui vont bien (encore une façon de saupoudrer les budgets et de réduire l’effort réel en faveur de l’apprentissage de la lecture), sélectionner les fonctionnaires d’après leur origine géographique, et favoriser l’émergence d’un régionalisme malsain dans la justice.

Il est vrai que ce n’est pas comme si nos déficits publics étaient abyssaux, comme si notre justice fonctionnait mal et comme si l’éducation nationale était en situation de souffrance.

Les langues régionales, une obsession écologiste

Pourquoi le gouvernement a-t-il décidé de soumettre cette réforme constitutionnelle à un Congrès avant 2017?  La réponse est limpide: les langues régionales sont la marotte des écologistes, dont pas mal d’élus rêvent de faire fleurir leur idéal girondin d’affaiblissement du pouvoir central. Il est vrai qu’après trente ans de décentralisation, une caste d’élus locaux s’est accrochée comme une moule à son rocher dans nos provinces, pendant que les dépenses des collectivités explosaient… sans la moindre amélioration des services publics rendus aux citoyens contribuables. Cette caste locale a besoin d’élargir sans cesse son périmètre.

Pour les Verts, l’enjeu est de taille: ils sont convaincus qu’ils ne décrocheront jamais la magistrature suprême. Leurs ambitions sont donc forcément locales et ont besoin d’étouffer le pouvoir de l’Etat central pour prospérer et être assouvies le plus largement possible. Depuis mai 2012, les Verts s’intéressent donc à la question emblématique des langues régionales avec la conviction que cette affaire se terminera forcément par un bénéfice net.

Les langues régionales, un marchandage consternant en vue de 2017

Pour promouvoir leur attachement à l’implosion républicaine, les Verts ont trouvé une parade absolue: ils ont menacé François Hollande de présenter un candidat au premier tour. Pour Hollande, cette perspective est un cauchemar. Il a quand même fini par apercevoir une part de son impopularité, et le syndrome Jospin le menace cruellement: le président sortant a besoin du plus petit nombre possible de candidatures à gauche pour accéder au second tour.

Comme celle de Mélenchon est acquise ou presque, Hollande doit absolument éviter une candidature radicale ou une candidature écolo.

Concernant les radicaux, on notera qu’il maintient habilement Christiane Taubira à un maroquin ministériel (où il neutralise sa dissidence et la compromet devant de potentiels électeurs) en attendant de la nommer présidente du Conseil Constitutionnel. Concernant les Verts, il multiplie les cadeaux qui sont le prix à payer pour éviter une candidature Cosse ou Duflot. Dans ce prix, il y a la COP 21 de décembre, bien entendu… mais aussi la ratification de la charte des langues régionales.

Et voici comment mille ans de construction nationale se trouvent bradés pour permettre à un président mal élu, impopulaire et accessoirement sans vision pour la France, de se représenter devant les électeurs avec une chance raisonnable d’être élu.

Pauvre France! Alors que le 11 janvier a ressoudé l’esprit collectif, de basses manœuvres politiciennes déconstruisent sans état d’âme ce qui est nécessaire au pays.

Article également publié sur le blog d'Eric Verhaeghe

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