Champions du pouvoir d’achat : les courbes par président. Et celles qui prennent en compte le contexte macroéconomique global…<!-- --> | Atlantico.fr
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Un rapport de l'OFCE analyse les gains de pouvoir d'achat lors des quinquennats présidentiels.
Un rapport de l'OFCE analyse les gains de pouvoir d'achat lors des quinquennats présidentiels.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Match des mandats présidentiels

Selon le nouveau rapport prévisionnel de l’OFCE, le pouvoir d’achat français a augmenté d’environ 1% par an et par unité de consommation lors du quinquennat d'Emmanuel Macron, plus que sous François Hollande ou Nicolas Sarkozy. Mais les performances de chaque président se comprennent mieux lorsqu’on les inscrit dans l’évolution du PIB français ou de celui de nos voisins.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Selon le nouveau rapport prévisionnel de l’OFCE, le pouvoir d’achat français a augmenté d’environ 1% par an et par unité de consommation lors du quinquennat d'Emmanuel Macron. Ces résultats placent le président actuel devant François Hollande (+0.2%/an/uc) et Nicolas Sarkozy (0%/an/uc) sur ce sujet et la majorité ne manque pas de le souligner. Pour autant, faire une comparaison des quinquennats sur ce seul facteur est-il pertinent ? Quelles autres données doivent être prises en compte ?

Michel Ruimy : Il conviendrait de relativiser ce résultat, qui, comparé à celui observé lors des deux mandats de Jacques Chirac où la hausse annuelle moyenne du pouvoir d’achat a été de 2% entre 1995 et 2002 et de 1,3% entre 2002 et 2007, est bien moindre. Des années notamment marquées par de fortes croissances.

Ceci vise à montrer que les comparaisons intertemporelles sont difficiles. Car, outre la fiscalité, plusieurs paramètres sont à prendre en compte dans l’analyse de l’évolution du pouvoir d’achat des Français : à la baisse, par exemple, la mauvaise conjoncture et, à la hausse, des mesures sociales comme la revalorisation de la prime d’activité. A cet égard, le système socio-fiscal apparaît de plus en plus redistributif, accroissant la part des prestations sociales dans le revenu. C’est ainsi l’ensemble des mesures économiques et sociales décidées, combinées au dynamisme ou au recul de l’activité qui pèsent, in fine, sur le pouvoir d’achat des Français.

Par ailleurs, il conviendrait aussi d’affiner l’analyse par catégories de ménages, plus particulièrement selon l’échelle des niveaux de vie. Les 20% des ménages les plus modestes perçoivent des revenus davantage dépendants des transferts sociaux tandis que les revenus des 20% les plus aisés dépendent surtout des revenus d’activité et de la propriété.

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Enfin, le pouvoir d’achat mesuré par l’INSEE ne dit rien des dépenses « pré-engagées » (loyer, électricité, gaz, assurances, téléphonie, internet, frais de cantine…), celles sur lesquelles nous n’avons justement pas de pouvoir. Leur part est passée d’un peu plus de 10% du revenu disponible brut (RDB) dans les années 1960 à près de 30% aujourd’hui. Une exaspération à la mesure du décalage entre le ressenti et les « vérités statistiques ». Rarement, l’abîme entre les chiffres et les maux a été aussi profond.

Regarder la croissance du PIB en parallèle de l’évolution du pouvoir d’achat peut-il être un indicateur pertinent pour relativiser les données ? Que nous dit l’étude de ces données ?

La conjoncture récente a ravivé en France le sentiment de divergence entre croissance économique globale et évolution du pouvoir d’achat. Plutôt que le PIB, l’indicateur le plus approprié pour rendre compte de l’évolution des conditions de vie des ménages est leur revenu disponible brut (RDB) par unité de consommation.

Concernant les dernières trois années, le pouvoir d’achat du revenu disponible brut des ménages - revenu dont ils disposent pour consommer ou investir après opérations de redistribution (prestations sociales et transferts sociaux) - a progressé, par unité de consommation, en 2018 et 2019 (respectivement + 0,8% et + 2%) et stagné en 2020. Cette évolution a donc été contrastée sur ces trois années pleines du quinquennat Macron, fortement marqué par la crise sanitaire.

Toutefois, si, en 2020, le revenu disponible brut des ménages a beaucoup mieux résisté aux effets économiques de la pandémie que le Produit intérieur brut (-7,9%), ceci est davantage dû aux prestations sociales versées qu’aux baisses d’impôt. L’an passé, certaines composantes ont été fortement affectées et ont contribué négativement au RDB : revenus d’activité (- 2,4 points), revenus du patrimoine (- 0,6 point). A l’inverse, les prestations sociales (chômage, retraites, etc.) l’ont soutenu vigoureusement (+ 3,4 points), de même que la baisse des impôts directs, mais plus modérément (+ 0,6 point).

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Sur les trois quinquennats, comment la France se positionne-t-elle par rapport à ses voisins européens et membres de la zone euro ?

En 2020, les Européens ont bénéficié d’un pouvoir d’achat moyen par habitant de l’ordre de 14 000€ (- 5% due à la principalement à la propagation de la Covid-19 et à l’impact économique qui en a résulté). Toutefois, le revenu net disponible a varié de manière diverse. Le Liechtenstein, la Suisse et le Luxembourg ont le revenu net disponible le plus élevé tandis que le Kosovo, la Moldavie et l’Ukraine ont le plus faible (Les Liechtensteinois ont un pouvoir d’achat moyen plus de 37 fois supérieur à celui des Ukrainiens).

Depuis 2011, nous pouvons observer un premier groupe formé de l’Allemagne, du Danemark, de la Norvège et des pays d’Europe centrale et orientale (PECO) dont le pouvoir d’achat a progressé solidement. L’activité est vite repartie de l’autre côté du Rhin après la crise de 2008, les créations d’emplois ont suivi et le taux de chômage a décliné. Une configuration favorable aux syndicats pour revendiquer les dividendes de la croissance et négocier des hausses de salaires. Hormis les PECO, toujours en phase de convergence, seul le Danemark et Norvège ont soutenu la comparaison parmi les pays avancés. L’Allemagne est, dans une certaine mesure, une référence en matière de pouvoir d’achat.

Le second, composé des Grecs et des Italiens ont enregistré un décrochage de l’activité dès le début de la récession sans aucun rattrapage par la suite, à la différence de l’Espagne et du Portugal qui, après avoir beaucoup souffert, remontent la pente.

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Vient ensuite le troisième groupe dont les figures emblématiques sont la France et le Royaume-Uni. Très proches des Allemands, le pouvoir d’achat des Français et des Britanniques a relativement bien résisté en début de période mais a diminué, toutefois, en termes relatifs. Ainsi, le niveau de vie d’un Français est désormais inférieur d’une dizaine de points à celui d’un Allemand, malgré les nombreuses mesures de soutien prises par le gouvernement, notamment en réponse au mouvement des « gilets jaunes ».

Dans quelle mesure faut-il mettre en perspective ces chiffres du pouvoir d’achat au vu des éléments de contexte ?

La décomposition des revenus et des dépenses a le mérite de mettre en lumière les dynamiques à l’œuvre : elle rappelle notamment qu’une hausse du pouvoir d’achat peut être obtenue de différentes manières. Des gains de pouvoir d’achat résultant d’une progression des revenus sont préférables à ceux provenant d’une stagnation / baisse des prix alors que l’importance du rôle des prestations sociales explique la sensibilité de l’opinion lors des débats sur les finances publiques.

L’évolution du pouvoir d’achat est, dès lors, une question épineuse car elle est, avant tout, perçue au niveau individuel et comporte, de ce fait, une forte dimension subjective qu’il ne faut pas négliger. Le mouvement des « gilets jaunes », dont la hausse des prix du carburant a été le déclencheur, a cristallisé cette différence de ressenti.

Mais, au-delà de la reprise de l’activité, une hausse du pouvoir d’achat devra s’appuyer sur un desserrement des dépenses « pré-engagées », qui ne laissent aujourd’hui que 70% de dépenses à disposition des Français, auxquelles il faut ajouter les dépenses liées à l’alimentation et aux transports, notamment l’essence. Des dépenses qui fluctuent d’un mois à l’autre et qui pèsent beaucoup sur le porte-monnaie des Français.

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