Cette petite ville américaine dont vous n’avez jamais entendu parler mais qui pourrait bien avoir trouvé la recette pour échapper à la crise du logement <!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue de la ville d'Auburn dans le Maine.
Une vue de la ville d'Auburn dans le Maine.
©DR / Wikimedia Commons / Aissa Richards

Stratégie efficace

La ville d'Auburn dans le Maine aux Etats-Unis a augmenté considérablement le nombre de logements afin de résoudre ses difficultés en termes d'emploi.

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Jason Levesque, le maire de la ville d’Auburn, dans le Maine, aux Etats-Unis a lancé un vaste programme de logement, très ambitieux, pour subvenir aux besoins en termes d’emploi de la ville. Quelle est sa stratégie ? En quoi est-elle intéressante ?

Charles Reviens : Le Maine est le petit état de Nouvelle Angleterre côtier et à la frontière du Canada avec une population total de 1,3 millions d’habitants. La ville d’Auburn est une ville moyenne de 20 000 habitants qui a effectivement radicalement transformé sa politique de zonage et d’encadrement du droit à construire.

Le contexte local a de fortes spécificités : croissance économique, fortes créations d’emplois, forte immigration en provenance du reste des Etats-Unis, cadre vie qui apparait encore plus attractif après la pandémie covid-19 et la généralisation du télétravail. Tout cela créée un déséquilibre entre offre et demande de logement se traduisant par une hausse des prix (augmentation de 40 % du prix des maisons en 2 ans) parmi les plus importantes aux Etats-Unis. D’où une augmentation significative de la part du budget des ménages consacré au logement dans l’état du Maine :plus de 40 % des ménages avec 30% du revenu consacré au logement et 20 % plus de la moitié.

La ville d’Auburn avait mis en place en 1931 une politique de zonage très restrictive, marquée notamment par une séparation fonctionnelle des zones (20 au total) conduisant à freiner voire interdire ce qu’on appellerait en France la mixité sociale via des limitation de constructions d’habitat collectif dans des zones de maisons individuelles, tout en préservant une vaste zone agricole et forestière qui couvre 40 % du territoire de la ville d’importantes constructions nouvelles.

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Le maire Jason Levesque, élu de justesse en 2015 et systématiquement reconduit depuis, a fait de la réforme du zonage la clé de son message politique, en assumant une augmentation de 25 % de la population de sa ville et en libéralisation de faites les règles de zonage : passage de 20 à 8 zones et surtout libéralisation des restrictions de construction sur la zone agricole et forestière.

Dans quelle mesure la doctrine de logement de cette ville, que l’on pourrait résumer par « plus de logements et plus de gens » devrait-elle être une logique appliquée plus largement en matière de logement ? Est-ce la recette pour échapper à la crise du logement qui guette de nombreuses villes ?

Le rationnel du maire semble être le suivant : j’ai une ville attractive et je ne m’oppose pas à l’arrivée de nouveaux habitants et comme je veux à la fois avoir une offre de logement compatible avec cet afflux de population sans pénaliser l’accès au logement des résidents actuels, je libéralise l’acte de construire et je favorise la densification y compris sur des zones agricoles ou naturelles.

Il faut avoir conscience du caractère tout à fait spécifique de la situation de cette ville qui n’est bien entendu pas, loin de là, un cas général surtout avec un regard européen : croissance économique et de l’emploi, population encore modeste puisque le Maine a une densité de 16 habitants au km2 contre 107 pour la France, situation de ville moyenne inclue dans une zone urbaine ne dépassant pas 100 000 habitants.

Mais on peut en rappeler deux leçons générales : l’influence déterminante des règles d’attribution des droits à construire sur l’offre de logement et donc à terme sur les prix, mais peut-être plus encore un niveau fort d’acceptation locale d’une telle politique expansionniste, acceptation attestée par les réélections successives de Jason Levesque.

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Le logement s’appuie sur un territoire donné sur un écosystème complexe, le plus souvent fortement sédimenté avec une forte influence du cadre institutionnel. Le maire d’Auburn semble disposer d’une liberté d’action forte ce qui semble indiquer que son action fait consensus et que ses solutions sont acceptables, y compris pour ceux qui sont en désaccord avec ses choix.

L’adaptation d’un tel dispositif en France se heurterait probablement à de nombreuses contraintes. Je pense particulièrement au poids tout à fait considérable de l’Etat dans les politiques du logement en France, acteur totalement absent dans la dynamique d’Auburn (Maine ou état fédéral). Il en est de même de la capacité de nombreuses associations souvent peu représentatives à contester en France des décisions d’urbanisme et d’aménagement : je doute que la décision du maire d’Auburn à remettre en cause la préservation de la zone agricole et rurale serait facile en France.

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