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Cette information open source qui dérange la presse traditionnelle
©Pexels

Journalisme 2.0

Il faut le dire simplement : la presse traditionnelle ne fait plus de journalisme, ni d’information. Elle est à peine capable de rapporter les potins.

Hash H16

Hash H16

H16 tient le blog Hashtable.

Il tient à son anonymat. Tout juste sait-on, qu'à 37 ans, cet informaticien à l'humour acerbe habite en Belgique et travaille pour "une grosse boutique qui produit, gère et manipule beaucoup, beaucoup de documents".

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Et non, ceci n’est pas une exagération.

Chaque jour qui passe apporte une démonstration supplémentaire de l’inutilité de la presse traditionnelle face aux réseaux sociaux et à l’information organique, collectée par les citoyens disposant d’une connexion internet. Et chaque jour apporte aussi la preuve de l’inadéquation croissante du modèle d’affaire de la presse traditionnelle à l’ère de l’information numérique.

La presse d’hier est maintenant en concurrence directe avec l’information “open source”, qui, comme les logiciels libres, bénéficie des mêmes avantages qui lui permettent de complètement écrabouiller la presse d’hier.

Sans surprise, les médias traditionnels – exactement comme les éditeurs de logiciels traditionnels – considèrent la collecte d’informations sous l’angle de la source propriétaire et, de ce point de vue, ne peuvent s’empêcher de rabaisser l’information “open source”. Après tout, eux ont accès à des personnes, des informations et des données qui ne sont pas disponibles pour les non-initiés, la piétaille, ceux qui ne sont rien…

Et puis, tout le monde sait que le vrai journalisme, c’est aller frapper aux portes, téléphoner à droite et à gauche, et surtout, avoir des relations avec des sources établies et des experts en la matière. De façon symétrique, ces sources et ces experts s’appuient sur ces relations avec les médias pour diffuser des informations et des points de vue à la petite cuillère, dans le but de faire passer des messages (un “narratif”, comme on dit en franglais de nos jours).

Ce dernier siècle, ce petit jeu n’a fait que s’institutionnaliser : tout comme les éditeurs de logiciels propriétaires imposaient leurs protocoles, leurs formats, les “sources établies” et les “experts reconnus” ont, par leur truchement avec les médias traditionnels, façonné des récits, les opinions et les politiques. Avant l’avènement des informations “open source”, les histoires se succédaient, les informations étaient fournies par des “sources proches” de ce qui se passait dans le monde, informations qui devenaient le récit établi, officiel.

Pour continuer la comparaison avec les logiciels propriétaires, on notera que la plupart des acteurs du secteur savent désormais que les failles de sécurité sont découvertes et comprises beaucoup plus rapidement en dehors des éditeurs qu’en interne : les capacités nécessaires à collationner les informations permettant d’identifier, de prévenir et de corriger ces problèmes – qu’il s’agisse de logiciels propriétaires ou non – dépassent celles des éditeurs eux-mêmes. De ce point de vue, les logiciels libres ont clairement rivalisé avec les propriétaires et la vieille école qui imposait la discrétion n’a pas pu perdurer.

De la même façon dans le domaine de l’information grand public, un profond changement a pris place ces vingt dernières années.

Non seulement tout le monde, où qu’il se trouve, peut publier pensées, opinions, expériences ou vidéos et photos personnelles et donc tout ce qui contribue à fournir de l’information, mais tout le monde se retrouve aussi dans la position de pouvoir tester la véracité de ces informations. Et les résultats de ces tests seront eux-mêmes sujets à évaluation, et ainsi de suite (les “Notes de Communauté” sur x.com en sont l’exemple vibrant).

Mieux encore : l’information, c’est aussi celle que fournissent les millions de capteurs divers qu’on retrouve partout à présent, de l’imagerie satellitaire aux cartes, en passant par les enregistrements de témoins, les informations et dossiers historiques et une incroyable collection de sources de données, dont beaucoup sont fournies par le gouvernement lui-même. Ces sources fournissent toujours plus d’informations à une vaste communauté qui s’en sert pour recouper sans arrêt témoignages et assertions.

Et au-delà de ces informations, on trouve à présent de véritables experts sur des événements qui ne sont plus liés aux organisations impliquées et qui sont prêts à donner leur avis, qui peuvent le faire directement sans plus passer par les plateaux télés ou radios officiels. Le décalage avec les habitués réguliers de certaines chaînes est alors frappant. En fait, par l’existence même d’un nombre croissant de canaux informationnels, ce n’est plus seulement l’information et l’expertise qui s’en trouvent améliorés, mais aussi les équilibres et la richesse des débats (aussi vigoureux soit-il).

Enfin, L’information “open source” est caractérisée par une rapidité sans pareille : ses acteurs sont disponibles 24 heures sur 24, dans toutes les langues et dans tous les fuseaux horaires. Et contre ça, aucune salle de rédaction ne peut rivaliser.

Dans ce contexte, l’idée qu’une histoire soit définie exclusivement par une conversation privée, une “source bien placée”, un “expert” et un journaliste est en train de disparaître complètement.

Les événements récents (crise covid, vaccins, guerre en Ukraine, conflit israélo-palestinien) montrent clairement que ce modèle d’information “open sources” bouscule le modèle à sources propriétaires du passé et explique aussi cette impression, lorsqu’on consulte la presse de grand chemin, de ne lire que des opinions : du point de vue de la production, ces opinions sont moins coûteuses à réaliser que les informations fournies par des communautés entières consacrées à des collectes de données précises.

Il y a quelques années, on pouvait encore croire, en faisant preuve d’optimisme un peu naïf, que le journal télévisé de 20 heures présentait une sorte de synthèse minutieuse d’informations vérifiées. En réalité, il ne s’agissait au mieux que d’opinions et d’interprétations d’un petit nombre de personnes disposant d’une expertise très limitée (et parfois carrément usurpée) sur des informations encore plus limitées. Ce n’est qu’à la faveur de la découverte de gros bobards (les “armes de destructions massives” de Powell, pour ne citer que cet exemple) qu’on a commencé à comprendre, très progressivement, la supercherie.

Dans ce contexte, la notion même de “désinformation” prend une coloration très particulière : on comprend que les opinions de personnes lambda n’en sont pas, n’en déplaise à tous les censeurs rabiques qu’on retrouve, tous et de façon coïncidente, dans les médias de source propriétaire. Eh oui : prétendre que les informations de sources ouvertes sont fausses constitue un des rares mécanismes à disposition de la presse traditionnelle pour tenter de conserver son audience.

Malheureusement pour eux, le combat est inégal : trop de communautés vérifient trop d’informations trop vite et de façon trop pertinente pour que la presse traditionnelle puisse espérer faire le poids un jour. Si les médias de grand chemin parviennent à se concentrer sur les potins, peut-être arriveront-ils à tirer leur épingle du jeu, mais ça n’en prend pas le chemin.

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