Cette impitoyable guerre des mots qui se joue derrière la colère des agriculteurs <!-- --> | Atlantico.fr
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Des agriculteurs mobilisés lors du mouvement de contestation.
Des agriculteurs mobilisés lors du mouvement de contestation.
©BERTRAND GUAY / AFP

Monde agricole

L'utilisation par les médias et les hommes politiques de certains termes sur la question des pesticides, de l'agriculture, de l'alimentation et de la protection de l'environnement a de lourdes conséquences.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Pesticides, agriculture renouvelable, bien-être animal. Ces mots et bien d’autres sont au centre de la colère des agriculteurs qui secoue le pays depuis plusieurs semaines. Quels enjeux ont-ils dans le débat sur notre mode de production ?

Eddy Fougier : Ces mots font partie d'une guerre de l'image, une guerre de communication. Si vous arrivez à faire passer les mots que vous voulez pour qualifier telle ou telle production, telle ou telle activité, dans les médias, dans le grand public, vous avez gagné. L’autre jour, certains médias parlaient de pesticides tueurs d'abeilles. Le point de vue défendu par des militants a été repris par des journalistes. Il y a cette bataille de mots qui a un impact sur la façon dont on perçoit un sujet, en l'occurrence un mode de production, des activités, des produits. Ce traitement a un impact aussi sur le consommateur au final. Parce que le consommateur va acheter des produits sans résidu de pesticides parce qu'il va considérer que les pesticides sont dangereux pour sa santé. Il y a un enjeu à la fois en termes d'images mais aussi un enjeu sur le plan économique. Cela a aussi un impact sur le chiffre d'affaires de telle ou telle filière ou de telle ou telle production.

Pourquoi l’utilisation de termes plus que d’autres crée des tensions au sein du monde agricole ?

Il y a eu ce sentiment depuis quelques années, à tort ou à raison, que le mode de production conventionnel, l’élevage intensif, l’utilisation de pesticides faisaient l'objet de critiques assez récurrentes dans l'espace public, dans les médias, dans l'édition ou dans d'autres contextes et que les efforts que les agriculteurs faisaient, par exemple de réduction de l'usage de pesticides ou en matière de bien-être animal, non seulement n'étaient pas reconnus en tant que tels, mais on leur reprochait de façon assez systématique d'être des pollueurs, des destructeurs du vivant ou des tortionnaires d'animaux. C'est pour cela que ces expressions, ces mots suscitent très souvent non seulement une réprobation de la part d'une partie des agriculteurs, mais aussi les irritent au plus haut point.

Serait-il possible de se mettre d’accord sur des labels à la fois partagés par les agriculteurs et les écologistes ?

Cela est très compliqué car lorsque les agriculteurs ont commencé à parler d'agriculture raisonnée, cela a été associé à des appellations frauduleuses. Il y avait l'idée de répondre aux contraintes environnementales mises en avant par les organisations écologistes. Mais à chaque fois, cela s'est traduit plutôt par des guerres de tranchées et par soit des surenchères d'un côté, soit le fait que pour les agriculteurs, il y ait le sentiment que quoi qu'ils fassent, cela n'irait pas. Donc, nous ne sommes pas nécessairement dans l'idée de dialogue ou de compromis entre les uns et les autres. Il y a des espaces où il y a des échanges qui se font, mais cela ne se passe pas toujours très bien. Et il suffit de voir, là, dans l'actualité, lorsque le président de la République a parlé de grand débat, des tensions sont intervenues, sans doute à juste titre.

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