Ces vielles fractures européennes non résorbées que la mort de Gorbatchev remet en lumière<!-- --> | Atlantico.fr
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L'ancien président de l'Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev près de la porte de Brandebourg lors d'une visite en Allemagne à l'occasion d'un sommet sur la sécurité en Europe 25 ans après la chute du Mur à Berlin, en novembre 2014.
L'ancien président de l'Union soviétique Mikhaïl Gorbatchev près de la porte de Brandebourg lors d'une visite en Allemagne à l'occasion d'un sommet sur la sécurité en Europe 25 ans après la chute du Mur à Berlin, en novembre 2014.
©JENS KALAENE / DPA / AFP

Hommages unanimes

Après l'annonce de sa mort, la majorité des dirigeants européens ont rendu hommage à Mikhaïl Gorbatchev en saluant son action politique et sa gestion de la crise lors de l'effondrement de l'URSS. La vision occidentale à l'égard de Gorbatchev indique-t-elle une tendance à des erreurs plus importantes dans la perception de la Russie ?

Sergej Sumlenny

Sergej Sumlenny

Sergej Sumlenny est un journaliste, politologue et écrivain d'origine russe.

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Atlantico : Gorbatchev reçoit beaucoup d'éloges de l'Occident. Les mérite-t-il ?

Sergej Sumlenny : Mon point de vue est assez simple. Gorbatchev exerce une fascination illimitée en Occident parce qu'il est associé à la fin de la guerre froide et à la fin de la peur d'une guerre nucléaire. Gorbatchev était plus jeune, plus normal et il a signé les documents. C'est un signe de bonne volonté pour l'Ouest, surtout en Allemagne où il a accéléré la vitesse de la réunification. Certains des pays de l'Est ont cru, grâce à Gorbatchev, qu'ils avaient un soutien pour revendiquer leur liberté et leur démocratie. Gorbatchev apparaît donc comme une personne qui a réussi pour le mieux : annuler la guerre froide, donner l'espoir d'une coopération pacifique. 

Le problème est que cette vision est orientée vers l'Occident et très égoïste. Elle manque totalement d'empathie et n'est pas du tout informée. L'information est disponible, mais les gens ne veulent pas savoir. Ils ne veulent pas savoir qu'il n'était pas un démocrate. Il croyait au parti, à l'Union soviétique et ses réformes avaient pour but de permettre à l'URSS de continuer à exister. Il croyait qu'il pouvait rendre l'URSS plus forte. Évidemment, certains étaient très heureux de la liberté accordée par Gorbatchev, comme les journalistes. Mais en ce qui concerne les républiques, Gorbatchev était un oppresseur sans pitié. Les premières répressions violentes de manifestations pacifiques ont eu lieu à Alma-Ata en décembre 1986, puis à Tbilissi, Bakou en 1990, Riga et Vilnius en janvier 1991. Dans chacune des capitales de ces républiques, l'ordre soviétique a été imposé à coups de kalachnikov, causant morts et souffrances. Même à la fin, lorsque le jeu était terminé. Tout était perdu mais Gorbatchev a envoyé des troupes et a tué des gens. Le célébrer comme l'homme qui évite la violence n'est tout simplement pas vrai. 

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L'Allemagne a-t-elle particulièrement cédé à cette Gorbatchev-mania ?

En Allemagne, le visage amical de Gorbatchev était l'image que les gens avaient en tête, ignorant ce qu'il demandait à Riga ou à Vilnius. C'est soit un manque d'éducation, soit un choix. Cela aurait pu être un choix compréhensible il y a 30 ans, mais plus maintenant.Annalena Baerbock, la ministre allemande des affaires étrangères, ou Olaf Scholz ont publié sur leur Twitter leur admiration pour Gorbatchev "pas de violence et pas de chars" sans une seule mention de ses victimes. Cette focalisation sur ses propres intérêts et sentiments, avec une approche colonialiste des pays d'Europe de l'Est, leur fait effacer une partie de l'histoire. Et c'est effrayant. Les autorités lituaniennes et lettones ont essayé de poursuivre Gorbatchev pour le crime qu'il a commis. Si la ministre allemande des affaires étrangères ne le sait pas, elle est soit inculte, soit chauvine, soit tout simplement indifférente. 

Gorbatchev est également celui qui a caché Tchernobyl. C'est crucial à comprendre car l'antinucléarisme en Allemagne est né à cette époque. C'est lui qui a décidé d'envoyer de la nourriture radioactive, en petites quantités, pour lutter contre la faim, en espérant que personne ne le verrait. Il a exposé des gens à des radiations, juste pour une belle photo. Il a participé aux pires crimes contre sa population. Et nous avons ces informations. Il semble que seules les vies allemandes comptent et que les autres vies ne comptent pas.

La vision occidentale de Gorbatchev indique-t-elle une tendance à des erreurs plus importantes dans la perception de la Russie ?

Tout est évidemment lié. C'est la même chose maintenant avec l'Ukraine. C'est la même chose quand ils disent "nous devons parler à la Russie" et pas nécessairement à l'Ukraine. La nation semble faire ce qu'elle veut sans tenir compte des nations plus petites.

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