Convictions
Ces seniors qui se radicalisent et qui pourraient bien changer la donne politique
Au Royaume-Uni, une radicalité croissante chez les électeurs les plus âgés a été constatée, selon des informations de The Economist. Cette radicalité pourrait-elle changer les intentions de vote, notamment en France ?
Serge Guérin
Serge Guérin est professeur au Groupe INSEEC, où il dirige le MSc Directeur des établissements de santé. Il est l’auteur d'une vingtaine d'ouvrages dont La nouvelle société des seniors (Michalon 2011), La solidarité ça existe... et en plus ça rapporte ! (Michalon, 2013) et Silver Génération. 10 idées fausses à combattre sur les seniors (Michalon, 2015). Il vient de publier La guerre des générations aura-t-elle lieu? (Calmann-Levy, 2017).
Atlantcio : Au Royaume-Uni, un article de The Economist constate une radicalité croissante des électeurs les plus âgés. Est-ce le cas en France ?
Serge Guérin : Tout dépend de ce que l’on met derrière ce mot. Toutefois, ce qu’on a pu voir dans les mouvements récents est que l’âge n’est pas un facteur de modération. L’âge s’inscrit dans un ensemble social : là où les gens vivent, ce qu’ils subissent, etc. Ces éléments jouent beaucoup.
On a aussi remarqué, notamment au moment du mouvement des Gilets jaunes, une certaine proportion de gens âgés. On parlait alors de « Gilets gris ». Des personnes plus âgées qui vivaient ce même sentiment de relégation et les mêmes problématiques : éloignement des villes, manque de transports, pouvoir d’achat faible, manque de reconnaissance, etc. L’âge peut être un facteur cumulatif dans certains cas comme si le passage à la retraite a été un peu violent ou parce que la pension est très modeste. Durant cette contestation, on a vu des gens plutôt âgés se mobiliser.
On peut aussi considérer que quelque chose se passe autour de l’écologie. On voit beaucoup de jeunes qui se mobilisent, c’est vrai, même si cela reste une minorité, mais aussi de gens âgés. Certains estiment qu’ils auraient dû être plus combatifs durant leurs jeunes années, mais à l’époque, personne n’en parlait. Le phénomène était moins visible et les lanceurs d’alertes étaient moins audibles. Ils se mobilisent, à la fois pour eux et pour leurs enfants et petits-enfants, face à l’urgence. A contre-courant des « OK boomer », il y a une prise de conscience des personnes âgées en même temps que celle de la société. La perspective de manifestations ayant une dimension conviviale a donné envie de se mobiliser. Ils vont aussi beaucoup plus se rejoindre pour des actions de proximité et plutôt circonstanciées comme la pollution d’une rivière.
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Lors du début du quinquennat Macron, on a aussi vu une mobilisation des retraités contre la hausse des CSG. Ces derniers étaient fâchés d’être considérés comme des privilégiés. C’est aussi une forme de radicalité.
Enfin, au moment du Covid, de nombreuses personnes ont refusé d’être infantilisées par les restrictions.
Quels facteurs pourraient expliquer cette montée de la radicalité des plus âgés ?
Il y a d’abord, pour certains, une culture de la manifestation qui ne disparaît pas avec l’âge pour les plus engagés. Il y a aussi une explication à chercher du côté du lien social. La manifestation est aussi un moment où les gens se retrouvent, discutent, comme au moment des Gilets jaunes. Cela a été pour certains une manière de rompre la solitude. De plus, notamment sur la question de l’écologie, il y a un sentiment de partage et l’idée que l’on ne manifeste pas tant pour soi qu’en solidarité avec la jeunesse.
Cette radicalité pourrait-elle changer les intentions de vote de cette partie de la population ?
C’est une bonne question. La science politique a longtemps dit que les jeunes votaient à gauche, les plus vieux à droite. Cela fait quelques temps que nous en sommes revenus. On le voit notamment par le vote important des jeunes de catégories populaires pour le Rassemblement national, ce qu’on n’observe pas chez les plus âgés. Toutefois, je pense que la problématique du vote, notamment en faveur de l’écologie, est plus celle de l’offre que celle de la demande. L’offre politique ne répond pas nécessairement aux demandes, notamment car elle s’accompagne de questions sociales sur lesquelles les plus âgés ne sont pas forcément mobilisés ou motivés. Il est en tout cas intéressant de voir que le vote senior peut être plus complexe que ce qu’on dit souvent. La question du pouvoir d’achat préoccupe beaucoup les gens âgés, tout comme les questions sur la manière de préparer l’avenir ainsi que l’insécurité également.
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