Ces pistes de recherche qui pourraient aider à lutter contre l’obésité qui accompagne de plus en plus souvent le vieillissement<!-- --> | Atlantico.fr
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La NASH touche plutôt les hommes entre 40 et 60 ans, obèses, en surpoids. Un excès de poids est observé dans 75 % des cas.
La NASH touche plutôt les hommes entre 40 et 60 ans, obèses, en surpoids. Un excès de poids est observé dans 75 % des cas.
©AFP / GEOFFROY VAN DER HASSELT

Prometteur, vraiment ?

Les scientifiques ont peut-être trouvé un moyen de prévenir le développement de la stéatose hépatique, une maladie qui survient souvent avec l'âge et l'obésité. Mais qu'en est-il réellement ?

Jean-Yves Le Goff

Jean-Yves Le Goff

Le docteur Jean-Yves Le Goff est chirurgien digestif laparoscopique, pionnier mondial de la chirurgie laparoscopique et bariatrique, ancien chef de clinique-assistant et ancien interne des hôpitaux de Paris. Fondateur et Ancien Responsable de l’unité de chirurgie cœlioscopique à l’hôpital Bichat (1988-1997) Spécialiste de la chirurgie de l’obésité (legofftechnique), il exerce depuis 1997 à la Clinique du Trocadéro (Paris 16ème) et à l’Hôpital Privé de Seine Saint-Denis (Le Blanc Mesnil) depuis 2009. 

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Christophe de Jaeger

Christophe de Jaeger

Le docteur Christophe de Jaeger est chargé d’enseignement à la faculté de médecine de Paris, directeur de l’Institut de médecine et physiologie de la longévité (Paris), directeur de la Chaire de la longévité (John Naisbitt University – Belgrade), et président de la Société Française de Médecine et Physiologie de la Longévité.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, notamment de "Bien vieillir sans médicaments" aux éditions du Cherche Midi, "Nous ne sommes plus faits pour vieillir"  chez Grasset, et "Longue vie", aux éditions Telemaque

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Atlantico : Les scientifiques ont peut-être trouvé un moyen de prévenir le développement de la stéatose hépatique, une maladie qui survient souvent avec l'âge et l'obésité. De quoi s’agit-il exactement ?

Christophe de Jaeger : La stéatose hépatique est une maladie qui peut conduire à la cirrhose. Elle est donc grave et a comme origines l’accumulation de graisses dans le foie. Cette accumulation est d’autant plus marquée que l’on avance en âge et que l’on est en surcharge pondérale.

Cette accumulation de graisse dans le foie (foie gras) conduit à la cirrhose et donc à l’insuffisance hépatique qui peut être mortelle. Lorsque l’on évoque la notion de stéatose ou de cirrhose, on pense principalement à une origine alcoolique. La réalité est bien différente. On peut avoir une stéatose sans prise d’alcool, mais simplement à travers une surcharge générale de notre organisme en graisse (surcharge pondérale, voire obésité) aggravée par le vieillissement.

Jean-Yves Le Goff : Aujourd’hui, la stéatose hépatique non alcoolique touche entre 25 et 35% de la population française, soit plus de 20 millions de personnes. Parmi cette population touchée, dans 20 % des cas, cette hausse entraîne une inflammation du foie qui peut être à l'origine de fibrose pré-cirrhotique (5%), de cirrhose (1%) et de cancer du foie. Cela toucherait environ 220 000 personnes en France en 2020. Mais le problème réside du fait qu’en raison de l'obésité, du diabète, de syndrome métabolique associé (Hypertension artérielle, dyslipidémie), ce nombre va doubler d’ici 2030. Les complications de la cirrhose, ainsi que les cancers du foie liés à la stéatose hépatique non alcoolique vont tripler à l'horizon 2030.

La recherche proposée dans l’article est-elle prometteuse ?

Jean-Yves Le Goff :C'est un travail de recherche comme il y en a des milliers. Il y a quand même un pas entre l'expérimentation sur la souris ou encore le poisson-zèbre et l'homme pour trouver des molécules, des médicaments qui arrêteraient la protéine ZAK-Alpha, laquelle, quand elle est activée, transforme la "bonne" graisse en mauvaise graisse au niveau du foie entrainant une  stéatose hépatique non-alcoolique ou NASH (Non Alcoolic Steato Hepatitis).

Avant d’obtenir des résultats probants, il faut trouver puis expérimenter des médicaments en phase un, en phase deux, trois, quatre etc., et cela peut prendre dix ou quinze ans voire plus ou être négatif.

Christophe de Jaeger : D’après les chercheurs, l’accumulation de graisses dans le foie est secondaire à un mécanisme de stress cellulaire. Le vieillissement et l’accumulation de graisses vont produire des radicaux libres ou espèces radicalaires de l’oxygène. Cette production excessive de radicaux libres va favoriser la transformation de la graisse brune utile à la thermorégulation du corps en graisse blanche favorisant infiltration graisseuse du foie. L’initiateur de ce processus est une protéine qui vient d’être découverte : la protéine ZAK-alpha. Son inhibition va stopper le processus d’envahissement du foie par les graisses.

La description de ce processus a été faite principalement chez les souris. Celles qui ont pu bénéficier d’un inhibiteur de la protéine ZAK – alpha ont eut un vieillissement de meilleure qualité et un foie protégé ouvrant ainsi de grands espoirs pour nos contemporains atteints de cette pathologie.

L’intérêt d’une telle découverte est évidemment le traitement des stéatoses afin d’éviter qu’elles n’évoluent vers une cirrhose souvent mortelle. Mais agir sur la protéine ZAK – Alpha peut également permettre de ralentir les maladies métaboliques et leurs conséquences cardiovasculaires néfastes.  En revanche, rien à ce stade ne peut assurer que ce qui marche chez la souris, ne marchera chez l’être humain. Si tel était le cas, cela serait une arme supplémentaire dans notre arsenal thérapeutique pour lutter contre les effets délétères de la surcharge pondérale qui comme chacun le sait, est une pandémie. Cela est d’autant plus intéressant que le nombre de personnes concernées dans le monde est considérable et que beaucoup ne peuvent pas ou ne veulent pas faire les efforts nécessaires pour diminuer leur surcharge adipeuse. La perspective de mettre sur le marché un médicament permettant de bloquer les phénomènes négatifs provoqués par un excès de graisse, sans avoir à faire d’efforts nutritionnels ou d’activités physiques, ne peut qu’enthousiasmer un grand nombre de malades.

Et en quoi consisterait un travail de prévention pour contrôler cette stéatose hépatique non alcoolique ?

Christophe de Jaeger : Cela pose effectivement le problème de la prévention. Nous avons la même difficulté pour le diabète de type 2 ou même l’hypertension artérielle. Dans un nombre non négligeable de cas le seul fait de réduire significativement son poids et sa masse grasse permet de réguler efficacement son taux de sucres et/ou sa tension artérielle. Mais cela requiert des efforts que les personnes ne peuvent faire ou ne veulent pas faire. Dans ses conditions, le recours aux médicaments permet d’éviter à la maladie de s’aggraver et d’aboutir à leurs complications ce qui en soi est déjà une bonne chose.

Il est intéressant de noter que l’hypothèse développée par l’équipe de recherche est la majoration du stress oxydant. On sait que la production de radicaux libres augmente avec le vieillissement et cela en est un des mécanismes. La mesure du stress oxydant et s’il est élevé, sa prise en charge précoce permet de lutter contre ce phénomène de stéatose hépatique pouvant ainsi contribuer à éviter la prise de médicaments.

Mais il me paraît de toute façon impossible de passer outre les recommandations classiques en termes de nutrition et d’activité physique adaptées à chacun, afin de ne pas se retrouver dans la situation (surcharge pondérale) favorisant la stéatose hépatique. La lutte contre la surcharge pondérale et ses conséquences devrait être une réelle priorité. Cette prévention passe évidemment par de l’information sur la réelle toxicité pour le corps de cette surcharge. Enfin, n’oublions pas un élément fondamental : la stéatose hépatique est réversible, alors que la cirrhose ne l’est pas. 

Gardons cela à l’esprit et faisons les efforts à tout âge pour concerner ou retrouver le meilleur Capital santé possible.

Jean-Yves Le Goff : Il faut planter le décor avant de parler de prévention. La NASH touche plutôt les hommes entre 40 et 60 ans, obèses, en surpoids. Un excès de poids est observé dans 75 % des cas.

 Mais ce qui est très intéressant, c'est qu'on trouve depuis quelques temps des adultes jeunes, des adolescents avec un poids normal mais qui souffrent de NASH et ce nombre est en augmentation importante. Ce sont des jeunes qui consomment beaucoup de sucre (maladie du soda ou maladie de la malbouffe). D’où la nécessité de concentrer les efforts sur la prévention, pour pouvoir les dépister à un stade précoce.

Cela commence par une prise de sang simple, voir le taux des Transaminases, des Gamma GT, faire une échographie, qui montre une stéatose hépatique, une hépatite, avec ou sans fibrose. Si c'est positif, on peut aller beaucoup plus loin alors avec des examens beaucoup plus spécifiques. Il faut d'abord perdre un peu de poids (perdre 10% du poids, qui fait disparaitre la stéatose hépatique dans 90% des cas), changer son alimentation (éviter le sucre, alcool : un verre max par jour) et lutter contre la sédentarité, faire du sport, par exemple trente minutes de marche rapide, 4 à 5 jours par semaine.

Par ailleurs, il faut aussi traiter le syndrome métabolique, l’hypertension, qui augmentent considérablement le risque de NASH et de fibrose, mais aussi traiter le diabète, par des médicaments, éventuellement l'insuline, et l'hypercholestérolémie.

Pour des prises de poids très importantes, avec un IMC (poids/taille au carré) supérieur à 35 (35 à 40 kg  minimum au-dessus du poids idéal), des interventions de chirurgie de l'obésité conservatrices au maximum sont indispensables pour améliorer voire faire disparaître le diabète, la stéatose hépatique, les autres complications liées à l'obésité.

En conclusion, rappelons l'importance du dépistage et de la prévention de la stéatose hépatique pour éviter totalement les complications très graves au niveau du foie.

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