Ces anxieux du Covid que la peur rend aussi virulents que ceux qui ne croyaient pas à la pandémie<!-- --> | Atlantico.fr
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Un centre de prélèvement à Nantes.
Un centre de prélèvement à Nantes.
©LOIC VENANCE AFP

Covidanxieux

Pour avoir tweeté que "la pandémie de Covid-19 aura duré trois ans", le Dr Antoine Flahault a été au coeur d'une polémique sur Twitter. Ceux qui veulent pas entendre ce discours viennent de plusieurs cercles.

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Vous avez récemment été au cœur d’une polémique après avoir tweeté cela : « La pandémie de #COVID19 aura duré trois ans. Le #SARSCoV2 est loin d’être éliminé, il circule encore beaucoup en Asie. Personne ne sait à ce jour ce qu’il en adviendra de l’automne et l’hiver prochains: - Résurgence saisonnière? - Fin de partie? - Rappel vaccinal ou non? ». Chose surprenante, ce ne sont pas des coronasceptiques mais des personnes qui vous ont reproché de minimiser la situation. Comment comprenez-vous cette polémique ?

Antoine Flahault : Les réseaux sociaux en général et X (ex-Twitter) en particulier sont des hauts lieux de polémiques. Si on n’aime pas la polémique, mieux vaut s’abstenir d’y aller. Donc cette polémique ne m’a pas davantage surpris que les précédentes. En réalité, je vais tenter de vous montrer que les réactions aux tweets que l’on peut recevoir sont le plus souvent très intéressantes à analyser. Elles sortent les experts et les chercheurs de leur tour d’ivoire, elles les libèrent d’un entre-soi confortable, les éloignent des réactions convenues et feutrées de leur monde académique d’où ils viennent. Je mets à part les insultes, les grossièretés, les menaces qui n’ont jamais lieu d’être, nulle part et que pour ma part je bloque dès que j’en lis. Mais ce n’était pas le cas de la majorité des réactions à ce tweet que vous mentionnez. Les réactions dominantes étaient plutôt l’expression de désaccords avec mon analyse. Je prétendais que la pandémie était terminée et avait duré trois ans. Mon tweet se voulait cependant prudent, puisque dans les 280 caractères qui m’étaient autorisés, j’écrivais que le coronavirus n’était pas éliminé, qu’il circulait encore beaucoup, et que l’on ne savait pas de quoi l’hiver serait fait. Mais le fait que je fasse l’hypothèse d’un scénario de fin de partie a mis hors de leurs gonds plusieurs twittos.

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De quoi ces reproches qui vous sont faits sont-ils révélateurs, selon vous ?

Dans un autre fil, j’ai tenté de comprendre les raisons de ces reproches. Car aujourd’hui si vous énoncez sur la plateforme X les bonnes nouvelles du Covid, à savoir que les hôpitaux ne sont plus saturés, que la vie a repris comme avant, qu’il en est terminé des pass sanitaires, des contrôles aux frontières, des masques dans les lieux publics, je peux vous dire que vous prenez systématiquement une volée de bois vert. L’immense majorité de la population, les journalistes, les politiques sont tous passés à autre chose, nous avons tous tourné la page, mais une minorité, certes bruyante sur les réseaux sociaux, ne veut pas l’entendre. Pour eux, les autorités ont baissé la garde (ce qui est exact), donc les statistiques sont fausses. En effet, je le dis aussi volontiers, mais je soutiens que malgré tout, on ne voit plus de saturations des hôpitaux ou de morgues, ni dans l’hémisphère sud où c’est l’hiver, ni en Europe ou en France, et que l’on peut s’en réjouir quand même !

Pourquoi ce que vous expliquez est si difficile à entendre pour certains ?

Ces réactions nous forcent à nous demander pour quelles raisons certaines personnes ne veulent pas accepter qu’une certaine période, qu’on a appelé la pandémie, était désormais passée.

Tout d’abord, il faut savoir qu’on ne peut pas départager les opinions par les seuls faits scientifiques. Si le terme d’épidémie répond à des critères de définition précis, en revanche ce n’est pas le cas du terme « pandémie ». Je vais peut-être vous surprendre, mais la pandémie est un terme plus littéraire que scientifique. Il ne figure pas dans le Règlement Sanitaire International, ce traité de l’OMS qui régit les crises sanitaires. Il était employé jusqu’au Covid-19 uniquement pour la grippe. Et c’est sans base légale réelle que le directeur de l’OMS en mars 2020 a déclaré « l’état de pandémie » à propos du Covid-19. Sur le plan étymologique, la pandémie vient du grec « pan » = « tout » et « demos » = « le peuple ». Cela a bien caractérisé le Covid-19 où tout le monde a bien été concerné. L’usage du terme de pandémie est réservé aux phénomènes sévères. Le Covid-19 a tué plus de vingt millions de personnes dans le monde en moins de trois ans et le vaccin en a sauvé vingt autres millions. Les mesures qui ont été prises pendant la pandémie ont été exceptionnelles dans leur intensité et leur ampleur. Aujourd’hui nous sommes sortis de tout cela. Certes le virus n’a pas été éliminé de la planète, il rôde toujours. Il continue à jeter des personnes à l’hôpital, à tuer même. Mais nous ne vivons plus le même scénario qu’en 2020, 2021 et 2022. Notre immunité protège désormais une grande majorité de la population contre les formes graves et mortelles. 

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Ceux qui peuvent légitimement ne pas entendre ce discours viennent de plusieurs cercles : 

- Les personnes souffrant d’immunodépression restent à haut risque de formes graves de Covid-19. Pour elles en effet, rien n’a vraiment changé. Elles redoutent les transports publics et tous les lieux clos qu’elles évitent autant que possible. La pandémie n’est pas vraiment derrière elles. 

- Il y a aussi les personnes souffrant d’un Covid long, ces symptômes persistants et parfois très invalidants après un Covid souvent banal, pas nécessairement graves. Ces personnes n’acceptent pas que l’on tourne la page, car cela semblerait signer qu’on ne voudrait plus s’occuper d’elles, penser à elles. 

- Et puis il y a des personnes qui redoutent le retour d’un variant plus dangereux et plus transmissible que les précédents. Elles redoutent le retour de la pandémie en quelques sortes. Elles n’ont pas tort d’avoir cette crainte que je partage aussi. Mais pas au point, pour ma part, de considérer que nous en sommes restés au même point qu’en 2020. 

C’est donc bien une divergence d’appréciation de la situation et c’est audible. Il est normal que face à la situation nouvelle que nous vivons, différentes analyses soient produites et discutées.

Mettez-vous sur un même plan les alarmistes actuels, les rassuristes du début de pandémie et les complotistes anti-science ?

Je n’aime pas trop pour ma part les catégories qui mettent les personnes dans des boîtes. Justement, sur les réseaux sociaux, les participants montrent qu’ils ne sont pas dans ces boîtes dans lesquelles on voudrait parfois les enfermer. Pour ma part, je n’ai pas hésité à être alarmiste lorsqu’une nouvelle vague se profilait à l’horizon, mue par un nouveau variant dont on ne connaissait pas encore bien toutes les caractéristiques. Je n’ai pas hésité à être rassuriste à la sortie de la pandémie, lorsque l’OMS a déclaré la fin de l’urgence de santé publique de portée internationale en mai dernier. Vous ne me verrez pas j’espère anti-science ni complotiste, mais n’a-t-on pas vu des confrères que l’on rangeait auparavant du côté des scientifiques de renommée internationale basculer dans une forme de complotisme et de négation de la science qui nous ont tous surpris ?

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Quels sont le ou les messages que vous cherchiez à faire passer avec ce tweet, en particulier en disant que la pandémie aura duré trois ans, et plus généralement ?

Le message principal que je voulais faire passer à ceux que je percevais s’accrocher à la pandémie comme le naufragé à sa bouée, était de leur dire qu’en rien les solutions proposées au cœur de la crise sont celles qu’il faut déployer aujourd’hui. Ces personnes que je crois sincèrement de bonne foi, ont par ailleurs souvent beaucoup d’énergie et de générosité à offrir. Je les supplie de concentrer leur action et leurs combats à exiger des pouvoirs publics qu’ils déploient rapidement des solutions adaptées à cette phase post-pandémique dans laquelle nous sommes entrés. Il nous faut en particulier mieux surveiller les virus respiratoires, dont les coronavirus mais aussi les virus grippaux, et l’analyse des eaux usées serait une méthode performante et peu coûteuse. Il faut améliorer la qualité de l’air intérieur des lieux clos recevant du public, et là rien ou presque n’est fait nulle part ou presque dans le monde. Il faut mieux protéger les personnes à risque de formes graves en déployant efficacement chez elles les stratégies qui consistent à les tester et les traiter rapidement en cas d’infection. Il faut poursuivre les recherches sur le Covid long. Il faut enfin mieux comprendre l’immunité face aux coronavirus par la recherche et le développement de nouveaux vaccins et médicaments plus efficaces. On est loin des pass sanitaires, des certificats Covid, des Conseils de Défense, des confinements et des fermetures d’écoles. Mais on n’est pas encore assez proches non plus de la mise en œuvre de véritables stratégies de prévention contre ces virus respiratoires qui continuent à grever la santé, l’éducation et l’économie dans tous nos pays.

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Vous aviez expliqué dans nos colonnes l’importance de rester sur Twitter, même face à ce genre de polémiques, notamment pour continuer d’informer. Pensez-vous que la rationalité soit audible sur les réseaux sociaux, a fortiori face à la radicalité ? 

La rationalité n’est pas réservée à une seule caste de scientifiques. Nous avons tous notre part de rationalité, que l’on a la possibilité d’exprimer, plus ou moins adroitement, sur les réseaux sociaux et notamment sur la plateforme X. Il n’y a plus de docteurs ni de professeurs sur X, cela peut surprendre, parfois inquiéter, mais cela me semble très salutaire et même utile pour faire avancer le débat scientifique. À nouveau, j’exclus les injures, obscénités et menaces, trop fréquentes et pas assez réprimandées sur ces plateformes, car elles ne devraient pas avoir lieu d’être publiées. Ces dernières sont de l’ordre des mauvaises herbes qu’il faut arracher en les bloquant, sans autre forme de procès. Et alors elles deviennent minoritaires et l’on peut se concentrer sur les controverses, les débats, les critiques parfois acerbes mais qui méritent d’être entendues, car bien souvent c’est l’un des seuls endroits où elles s’expriment.

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