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Une astuce est de fuir les grands de plateformes et d’aller vers des petits nouveaux, où très souvent vous allez retrouver des personnes qui aspirent à plus de tranquillité.
Une astuce est de fuir les grands de plateformes et d’aller vers des petits nouveaux, où très souvent vous allez retrouver des personnes qui aspirent à plus de tranquillité.
©Lionel BONAVENTURE / AFP

Lassitude

Plusieurs facteurs expliquent la lassitude de certains utilisateurs face aux réseaux sociaux.

Damien Douani

Damien Douani est Explorateur Digital & Prospectiviste. 
Il est le responsable Innovation de l’école Narratiiv, en charge du Creative Lab, et enseignant en IA. 
Il est aussi spécialiste des médias sociaux et des usages émergents chez LAB36. 
Chroniqueur et éditorialiste sur BFM Business, il est le co-producteur du podcast Les Eclaireurs du Numérique.

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Atlantico : Certains utilisateurs se lassent des réseaux sociaux. Les plateformes sont en perte de vitesse ou ne séduisent plus ?

Damien Douani : Les réseaux sociaux semblent être un phénomène récent alors qu’ils sont dans le paysage depuis désormais 20 ans. LinkedIn par exemple a été lancé en 2003. Facebook est là officiellement depuis 2008. Ce sont donc des outils qui sont présents depuis longtemps, et finalement il n’y a pas de tant que cela de nouvelles entrant. Et à l’origine, ce sont des plates-formes qui ont pour objectif d’échanger entre amis, sans volonté de modifier l’ordre d’apparition des contenus via des algorithmes. Il y a donc déjà un effet de nouveauté qui est fortement essoufflé.

Cependant, il y a fréquemment de nouveau des nouvelles plateformes qui apparaissent, mais qui ont beaucoup de mal à se faire une place au soleil car les « grands anciens » comme Facebook ou Twitter peuvent capitaliser sur le volume de membres qu’ils ont. C’est ce qu’on appelle l’effet réseau : pourquoi dépenser de l’énergie du temps à aller ailleurs alors que tous les gens que vous connaissez sont concentrés à quelques endroits ?

Bien sûr, des petits nouveaux peuvent réussir comme TikTok. Mais il a très souvent un effet générationnel qui est lié à cela. Si Facebook a des milliards de membres, c’est qu’il a aussi énormément de personnes qui sont là depuis le début. En revanche, vous noterez que les plateformes ne communiquent jamais ou rarement sur le taux d’utilisateurs réellement actif. C’est un chiffre qui reste secret et stratégique. On parle toujours du nombre d'utilisateurs au global. Donc si en apparence il y a toujours beaucoup de monde de présent, l’activité semble se ralentir, on y va moins, on est moins assidu, sauf dans des cas très particuliers comme la vidéo qui reste très attractive. En ce sens, TikTok, Snap et YouTube continuent à progresser. Il y a aussi des plateformes très particulière comme LinkedIn qui sont orientés « professionnel », il y a donc un intérêt très spécifique à y aller.

De fait, il y a trois phénomènes qui se conjuguent : les plateformes sont là depuis longtemps dans le paysage, elles ont du mal à se renouveler ; elles sont fatigantes car elles nécessitent beaucoup d’activités pour en retirer un faible bénéfice de visibilité ; et puis ce qui paraissait être une nouveauté il y a 20 ans n’en est plus vraiment dans une : on revient à une envie de dialoguer entre pairs et proches. Comme à l’origine des réseaux sociaux. D’où l’émergence des plates-formes de messagerie instantanée, qui est le cartonne. Il suffit de regarder par exemple WhatsApp. Et c’est pour ça aussi que la plupart des réseaux sociaux bien connu développent toute la partie de dialogues interpersonnels privatifs. Mais tout cela est totalement invisible, c’est pour cela que ça s’appelle le Dark Social.

Puis très récemment il semble y avoir une prise de conscience forte des parents sur l’impact des plateformes sociales sur les plus jeunes. Ces réseaux deviennent des canaux potentiels de harcèlement, les parents qui ont été les premiers utilisateurs des plateformes se rendre compte des dérives potentielles, et commencent à mettre en œuvre des mesures de protection. En cela, cela peut jouer aussi sur le ralentissement des usages.

Certaines plateformes sont toxiques et addictives?

Complètement. Cette notion de toxicité et d’addiction, dont aujourd’hui le représentant est TikTok, vient de l’intégration des algorithmes dans les réseaux. Originellement, l’idée était de trier l’immensité des contenus, d’aider à la lisibilité de ceux-ci et à leur apparition sur les timelines. Et bien sûr, il s’agissait aussi de pousser les meilleurs contenus promotionnels et publicitaires sur la base de l’analyse du profil des utilisateurs. Ce qui crée ce qu’on appelle des « bulles de filtre », autrement dit les algorithmes vous proposent régulièrement des contenus que vous semblez aimer afin que vous continuiez à les consommer. Et cela crée une addiction proche de celle des joueurs de Casino.

Du côté des créateurs de contenu, qui sont très souvent en minorité sur une plate-forme social - la majorité des gens étant là surtout pour consommer et regarder - les algorithmes ont eu un effet pervers : réduire la visibilité des contenus créée. L’objectif étant pour les plateformes de pousser les membres à payer afin de rouvrir le robinet de la visibilité. Autrement dit, si vous payez plus de gens vont voir votre contenu. Cette mécanique de promotion, très adaptée aux marques, décourage les créateurs de contenu qui veulent avant tout être payé en retour de visibilité, autrement dit en « Ego ».

Une autre conséquence des algorithmes, ou plutôt de leur politique de visibilité très sélective, est de pousser à faire des contenus racoleurs. Ce qui marche pour attirer l’attention, c’est tout ce qui est clivant est choquant. Et cela a donc inductivement poussé les plates-formes à mettre en avant ces contenus, puisqu’ils retiennent l’attention et donc permettent de placer de la pub. Conséquence : le développement d’énormément de clivages dans les conversations, et la quais impossibilité désormais de développer sereinement et avec nuance un raisonnement. Le monde s’hystérise, les réseaux sociaux en sont à la fois le miroir et la raison.

Sur quel réseau social miser pour ne pas devenir fou ?

Si vous désirez plus de calme, et autrement dit revenir à la raison initiale des réseaux sociaux qui est de dialoguer avec ses proches et ses amis, il vaut mieux aller sur des groupes privatifs. Autrement dit les messageries privées comme Messenger, Discord, WhatsApp, entre autres. Ou bien utiliser les fonctionnalités privées de X ou Instagram.

Une astuce est de fuir les grands de plateformes et d’aller vers des petits nouveaux, où très souvent vous allez retrouver des personnes qui aspirent à plus de tranquillité. Par exemple Mastodon, ou Bluesky, une sorte de nouveau Twitter développé par Jack Dorsey, co-fondateur de Twitter justement. Mais le problème de ses plateformes est qu’il n’y a pas tout le monde dessus ! Donc bien souvent, même si l’on a envie de fuir les grandes plateformes, on y reste un tout petit peu pour ne pas complètement se couper de son réseau. On devient un Social Ghost.

Il y a aussi des nouveaux réseaux qui essaye de revenir aux fondamentaux : par exemple français BeReal qui mise sur des photos prisent au hasard dans la journée pour garder une certaine authenticité. Mais rapidement, on se rend compte que l’on n’a peut-être pas grand-chose à dire, ou plus grand-chose à dire. Et que surtout, la vie est très morne et routinière ! C’est le grand paradoxe : Instagram a réussi à formater une esthétique particulière, à vendre du rêve, mais quelque part c’est aussi ce que l’on vient chercher.

Et si je choisis de me retirer des réseaux pour mon équilibre, c'est le parcours du combattant ?

Les réseaux sociaux, ce sont les outils de communication désormais plus utilisés que le téléphone lui-même. Ce sont des outils puissants de mise en relation et de maintien de cette relation. Cependant, il est tout à fait possible de s’en retirer ou tout au moins de minorer ses usages. Déjà, en se mettant des limites temporelles par jour de consultation de ceux-ci : tous les smartphones permettent cela maintenant. Vous avez aussi des applications qui vous aident à prendre le temps de réfléchir si vous avez vraiment envie d’aller de votre dose de dopamine en allant regarder une vidéo amusante. Vous pouvez aussi cantonner vos usages à des plateformes privatives, à des groupes d’intérêts spécifiques, afin que tout cela vous serve réellement. Vous pouvez enfin retirer les applications sociales de la page d’accueil de votre smartphone, afin d’ajouter de la complexité quand vous désirez vous y rendre. Pour certains, cela peut s’apparenter à arrêter de fumer. Pour d’autres, il s’agit juste de réduire une consommation. Dans tous les cas de figure, le meilleur conseil est surtout de vous demander à quoi cela vous sert. Ce que cela vous apporte. Et de vous demander si tout le temps que vous avez passé dessus n'aurait pas pu être utilisé à autre chose qui vous tient peut-être certainement beaucoup plus à cœur.

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