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Ces étranges impacts sur notre corps  des multi-confinements dus au Covid-19
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

A la maison

L’année 2020 a été marquée par la mise en place, durant des mois, de confinements qui ont eu un impact psychologique et physique majeur sur les personnes concernées.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : L’année 2020 a été marquée par le coronavirus, mais aussi par de nombreuses mesures sanitaires à commencer par les confinements qui ont eu un impact psychologique et physique ; quels sont les principaux problèmes physiques que cet isolement et le stress afférent ont pu entraîner ?

Stéphane Gayet : On a surtout parlé des répercussions psychologiques du confinement et écrit à leur sujet. La grande majorité des analyses qui ont été faites des conséquences sanitaires des confinements porte sur l’aspect mental (il faut rappeler que la santé est un état de complet bien-être physique, mental et social selon l’Organisation mondiale de la santé ou OMS).

C’est toujours le stress, le stress, le stress, comme s’il s’agissait du phénomène général qui expliquerait tous nos maux. C’est un peu simple, trop simple et même d’une certaine façon assez simpliste. La théorie psychosomatique, de la « somatisation », celle des « troubles somatoformes », etc. s’appuient beaucoup sur le fameux stress. Elles ont montré leurs limites et surtout leurs graves dérives quand on veut leur faire expliquer une kyrielle de maladies somatiques qui ont bien sûr leurs propres causes, elles aussi somatiques, mais parfois difficiles à identifier.

La réalité est que tout un chacun est stressé ; personne n’échappe au stress qui fait partie intégrante de la vie.

Il est temps que l’on s’intéresse aux conséquences sanitaires physiques du confinement.

Certaines sont relativement simples à déduire des contraintes liées au confinement généralisé et obligatoire. L’augmentation du temps passé devant un écran a provoqué des troubles visuels : fatigabilité visuelle, décompensation des troubles habituellement corrigés (verres correcteurs) ou naturellement compensés, céphalées (maux de tête) d’origine visuelle. Elle a aussi induit des troubles musculosquelettiques rachidiens (colonne vertébrale) dus au fait qu’à la maison, en cas de télétravail, les équipements ne sont pas souvent aussi ergonomiques qu’en entreprise. La sédentarité et le grignotage subséquent ont contribué à une augmentation de la masse grasse, se traduisant par un volume et un poids corporels accrus.

Les confinements ont confirmé ce que l’on savait pertinemment : la sédentarité augmente les risques de surcharge pondérale, de diabète de type 2, d’hypertension artérielle, d’infarctus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’embolie pulmonaire, de cancer, etc. Effectivement, on a constaté une aggravation de diabètes de type 2, d’hypertensions artérielles et de cancers, tandis que les infarctus myocardiques et les accidents vasculaires en général ont vu leur incidence (nombre de nouveaux cas par unité de temps) s’élever.

L’augmentation constatée de la consommation d’alcool a induit celle d’actes de violence et autres actes délictueux, ayant eux-mêmes des conséquences physiques traumatiques.

On peut résumer tout cela en répétant que la sédentarité et l’isolement de l’être humain lui sont délétères (néfastes à sa santé) à bien des égards. Les rares bénéfices du confinement sont la diminution des accidents de la voie publique et des accidents du travail physique.

Plusieurs médecins évoquent des constatations de règles en retard ou absentes pendant les confinements, comment cela a-t-il pu affecter ce mécanisme biologique ?

Les sécrétions endocrines (hormonales) de l’être humain sont influencées par l’environnement, le mode de vie et les circonstances. C’est lié au fait que la pensée consciente et inconsciente a des répercussions sur la sécrétion de glandes situées dans la profondeur du cerveau (hypothalamus : sous le thalamus qui est constitué de deux gros noyaux sensitifs de substance grise situés de part et d'autre du troisième ventricule cérébral et considéré comme un centre de réactivité affective) et à la base du cerveau (hypophyse).

De la même façon que chez l’homme la sécrétion de testostérone est influencée par le vécu, chez la femme la sécrétion des œstrogènes et de progestérone sont sous l’influence du contexte et des expériences de la vie. Qui plus est, le cycle hormonal de la femme est délicat et vulnérable. On sait que l’aménorrhée secondaire (disparition des règles après une période de vie où elles étaient physiologiques) et la spanioménorrhée (règles irrégulières et peu fréquentes) sont des signes physiques qui se manifestent dans diverses maladies psychiques comme somatiques (maladies du corps). Il n’est donc pas surprenant que de telles anomalies apparaissent lors du confinement qui est une situation anti-physiologique, l’être humain étant un être social, un être de relations.

Est-il possible, comme le suggèrent certains généticiens et microbiologistes, que notre odeur corporelle ait changé pendant le confinement ? A quoi cela est-il dû ?

Notre odeur corporelle a plusieurs composantes. La première est constituée de glandes cutanées exocrines (qui sécrètent des substances vers l’extérieur) produisant des molécules odorigènes (qui produisent des odeurs). Ces glandes sont situées principalement dans les aisselles, sur les organes génitaux et la région de l’anus. La sueur a une odeur plus ou moins forte selon les individus et cette odeur varie évidemment avec la quantité produite. La décomposition du sébum et des cellules mortes de la peau sous l’action des bactéries commensales (bactéries physiologiques) produit également des odeurs, qui sont toujours désagréables (odeurs de putréfaction : décomposition microbienne de matières organiques). Une autre composante de notre odeur corporelle est tout simplement constituée de nos gaz intestinaux qui sont distillés par notre anus dont l’étanchéité n’est bien sûr pas totale. Il faut encore ajouter les odeurs liées à une autre putréfaction, celle qui provient de sous-vêtements ou de vêtements portés longtemps, et par conséquent chargés en matières organiques putrescibles.

Étant donné que le confinement a modifié nos habitudes de vie, il est prévisible qu’une modification de notre odeur corporelle s’en soit ensuivie. Notre microbiote (population bactérienne physiologique) intestinal et notre microbiote cutané sont eux aussi influencés par notre mode de vie. Leur modification a des répercussions sur les gaz qu’ils produisent (putréfaction et fermentation intestinales ; putréfaction cutanée). Ce à quoi il faut encore ajouter le stress qui peut modifier notre production de sueur.

Il y a donc plus d’une raison pour que notre odeur corporelle se soit modifiée. Mais qui s’en rend compte et quelles en sont les conséquences ?

Doit-on craindre des séquelles physiques de long terme ?

Il y aura en effet des conséquences physiques à ces deux confinements. Les modifications hormonales, la prise de poids, l’hypertension artérielle, l’ankylose relative (diminution de la motilité articulaire), la relative amyotrophie (diminution du volume des muscles par insuffisance d’exercice), la réduction des capacités pulmonaires (par manque d’exercice) et toutes les autres modifications physiques et physiologiques du corps auront un impact sur notre équilibre et sur notre santé.

On peut prévoir que cette dimension de la CoVid-19 donnera lieu à de nombreuses études dont les résultats seront publiés et analysés dans les presses spécialisées et généralistes. C’est vrai à court et moyen terme. On peut s’attendre également à des répercussions sur la santé à long terme, que l’on ne peut cependant pas préjuger.

Il est prévisible que cet impact sera plus marqué chez les enfants et les adolescents, s’agissant d’êtres en pleine croissance et développement physique, psychique et affectif. Peut-être parlera-t-on de génération CoVid ou post-CoVid ?

Dans cette ambiance morose et pessimiste, il faut terminer de façon positive : la CoVid-19 nous aura permis d’évoluer et de progresser de façon décisive dans bien des domaines (microbiologique, pathologique, immunologique, sociologique, économique…) et c’est déjà quelque chose de considérable, en dépit de toutes ces conséquences dommageables.

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