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Ce système mafieux qui régit la piraterie maritime
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A l'abordage

Une enquête de Somalia Report révèle les ramifications internationales qui portent l'expansion de la piraterie maritime, qui s'apparente depuis quelques années de plus en plus à un réseau mafieux. Loin du capitaine Crochet, la nouvelle piraterie, portée par les nouvelles technologies, est réglée comme une horloge.

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon

Olivier d'Auzon est juriste consultant auprès de la Banque africaine pour le développement, de la banque mondiale et de l'Union européenne.

Il est l'auteur de L'Afrique des nouvelles convoitises (Ellipses / septembre 2011).

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Depuis 2008, la piraterie maritime est devenue une entreprise criminelle très structurée aux ramifications internationales brassant de colossales fortunes. 

 Qu’on y songe, une enquête diligentée dans le Puntland par Somalia Report révèle ainsi que tout en haut de la pyramide règneraient les « investisseurs », véritables hommes d’affaires, officieux locaux ou chefs pirates.

Dans ce contexte, « L’investisseur » paye pour les provisions, les armes, le fuel et les bateaux pour au moins huit pirates, avant même que l’opération ne soit lancée.

S’il dépense 2000 $, il percevra 200.000$ pour chaque million de rançon obtenu. Après le détournement et durant toute la période d’attente de la rançon, l’investisseur paye pour tout ce dont les pirates ont besoin. Y compris le fuel, la nourriture ou le khat…

Quant au chef, celui qui est à  la manœuvre, il est choisi, en principe, par les pirates eux-mêmes. Il doit obligatoirement avoir une expérience militaire, car c’est lui qui montera le premier à l’abordage.

Une fois le bateau et son équipage maîtrisés, il gardera la tête du groupe durant l’ensemble du détournement et édictera les règles à bord assorties s’il y a lieu des sanctions en cas de transgression.

 Lorsque le navire est ramené vers la côte somalienne, un nouveau groupe, composé en général d’une douzaine à une quinzaine de pirates, prend le relais pour assurer la garde des otages par roulement.  Ensuite il convient d’engager un traducteur qui aura la lourde responsabilité de négocier la rançon avec l’armateur.

Fort des relais yéménites et kenyans, la piraterie maritime joue assurément un rôle important dans le trafic de réfugiés, d’armes à partir de la Somalie ou à destination de l’intérieur du Continent africain comme vers la péninsule arabique avec Dubaï comme plaque tournante.

 Pour s’en convaincre, on cherche souvent des preuves.. mais le Bureau du Département d’Etat américain pour les affaires internationales de drogue n’a-t-il pas clairement souligné que: « Les pirates blanchissent surtout des rançons dans le Nord de la Somalie, ainsi que peut-être dans les pays voisins, le Moyen-Orient ou l’Europe » ?

De fait, les officiels du Puntland pourraient faciliter le blanchiment des rançons. L’argent des rançons financerait l’immobilier, des biens de luxe et des entreprises.

 Cet argent, extorqué par les financiers pirates aux entreprises de transports maritimes et de transport s’évapore à travaux des tuyaux sinueux  du système des Hawala .

Le système des hawala

De quoi s’agit-il ?

 Une organisation originale qui avec le temps s’est érigée en intermédiaire obligé pour les somaliens. Un système traditionnel entièrement basé sur la confiance, qui évite de passer par un réseau bancaire classique, sans traçabilité qui est fort utile pour ces transactions !

Chacun sait que les hawala ont su se moderniser grâce à des réseaux efficaces de téléphonie mobiles et d’internet, pour donner naissance à de grandes structures entreprises commerciales, des exemples de réussite à l’image de Dahabshill ou Amal, sociétés somaliennes aujourd’hui basées à  Dubaï.

  Il y a plus, ces pirates bénéficieraient d’un réseau d’informateurs réparti un peu partout dans le monde et principalement en Amérique du Nord où la diaspora est nombreuse : plus de deux cent mille Somaliens vivraient au Canada …

La diaspora leur apporterait des fonds, de l’équipement et des informations, en échange d’une part du butin des rançons.

 Ainsi, certains pays proches de la Somalie voient affluer une partie des masses de dollars, fruit du trafic lucratif des pirates qui cherchent à investir dans le développement immobilier. Mombasa et Nairobi voient fleurir des constructions à tout-va.Grâce à l’argent de la piraterie, les immeubles de standing grimpent à toute vitesse et de nouveaux quartiers surgissent de terre, comme Eastleigh, le quartier préféré des investisseurs somaliens dans la capitale kenyane surnommé « Petit Mogadiscio » notent Jean Guisnel et Vivianne Malher in « Pirates de Somalie » éditions Grasset.

En 2009, 26,2 millions de dollars auraient ainsi fait leur entrée dans l’économie de ce pays. Résultat, les prix de l’immobilier ont flambé triplant en quelques années.

De fait, le service des narcotiques du Département américain dans son rapport de 2010 tendrait à certifier que le système financier kenyan blanchirait plus de 100 millions de dollars par an, y compris un montant indéterminé de fonds liés à la piraterie en Somalie.

Les pays du Golfe ne sont pas reste. Ce même rapport affirmerait que les émirats seraient utilisés comme centre financier par les réseaux pirates opérant au large des côtes de  Somalie.

La Khat attitude 

Mais il y a plus… à terre comme en mer, une bonne partie des pirates sont de grands amateurs de khat ! Des commanditaires interviendraient dans des opérations pirates qui leur fournissent leur drogue à crédit ! Un fort business aux rentrées mirifiques puisqu’ils n’hésitent pas à tripler le prix du marché.

 Dans cette perspective, le Chef pirate Mohammed Abdi Hassan qui a la haute main sur le réseau entre Harardhere et Hobyo n’est-il pas aussi reconnu comme le grand manitou du trafic du Khat ? Et là encore, les fonds frauduleux sont blanchis en toute quiétude dans l’immobilier ou des entreprises au Kenya.

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