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Ce syndrome d'anxiété de plus en plus courant chez les addicts au numérique
©JUNG Yeon-Je / AFP

Bonnes Feuilles

Pendant l'été, Atlantico met en avant les bonnes feuilles d'ouvrages remarquables publiés dans l'année. Aujourd'hui, "La Civilisation du poisson rouge", de Bruno Patino, publié aux éditions Grasset. Extrait 1/2.

Bruno Patino

Bruno Patino

Bruno Patino est journaliste. Il est depuis 2015 directeur éditorial d'Arte après avoir été directeur de France Culture.

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La société numérique rassemble un peuple de drogués hypnotisés par l’écran. À trop faire le parallèle avec les habitudes qu’avaient créées chez nous les journaux, la radio, la télévision, nous n’avons pas pris garde au glissement de l’habitude vers l’addiction. Trois éléments distincts définissent le phénomène : la tolérance, la compulsion et l’assuétude. La tolérance énonce la nécessité, pour l’organisme, d’augmenter les doses de façon régulière pour obtenir le même taux de satisfaction. La compulsion traduit l’impossibilité, pour un individu, de résister à son envie. Et l’assuétude, la servitude, en pensée comme en acte, à cette envie, qui finit par prendre toute la place dans l’existence. Le simple énoncé des critères conjugués à l’observation de nous-mêmes et de notre entourage force le diagnostic : nous sommes sous emprise.
Et l’emprise étend peu à peu son royaume, installant çà et là des fragilités mentales jusqu’ici inconnues. Le Near Future Laboratory, un groupe de travail rassemblant experts et médecins, a pu en observer quatre : le syndrome d’anxiété, la schizophrénie de profil, l’athazagoraphobie et l’assombrissement.
Le syndrome d’anxiété est la plus commune de ces fragilités. Il se manifeste par le besoin permanent d’étaler les différents moments de l’existence, aussi dérisoires soient-ils, sur l’ensemble des réseaux. Une story sur Instagram, une photo sur Facebook, un tweet. L’angoisse qui l’accompagne naît de la peur de ne pas trouver le « bon moment » ou la « bonne photo » à poster, et de la crainte que celle-ci ne provoque pas suffisamment de réactions d’approbation, malgré les filtres et autres outils d’édition qui permettent d’en magnifier le contenu. Les accidents de selfie d’une personne qui se blesse ou se tue après avoir pris des risques insensés pour prendre la photo qui épatera son réseau, peuvent nous faire sourire, ils sont la manifestation extrême d’une anxiété sociale partagée. L’existence sur smartphone est une vie par procuration dont la clé de voûte est la peur de disparaître sans le regard et les jugements électroniques des autres, quand bien même les autres ne sont que des profils croisés par hasard au cours de pérégrinations électroniques.
Le soulagement obtenu par un grand nombre de « likes » est éphémère, puisqu’il laisse la place à l’anxiété renouvelée de trouver le prochain post qui permettra d’égaler ce score.
Ce texte est extrait de La Civilisation du poisson rouge de Bruno Patino, publié aux éditions Grasset.

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