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Ce qui se cache derrière la forte hausse des cas d'hépatite A en Europe
©Reuters

Hépatite Aïe !

Depuis le début de l’année 2017, 14 pays européens observent une augmentation importante du nombre de cas d’hépatite A touchant en particulier les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH). C’est ce que vient d’annoncer Santé publique France dans son dernier bulletin épidémiologique. Faut-il s’inquiéter de cette épidémie ?

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : On ne parle que des hépatites B et C et pratiquement pas de l’hépatite A. Cette forme d’hépatite est-elle aussi dangereuse que les autres ? Cette épidémie risque-t-elle de s’étendre ? Quels sont les risques ?

Stéphane Gayet : Les hépatites virales B et C présentent une dangerosité particulière. Elles peuvent toutes les deux évoluer de façon chronique et agressive, en dégradant lentement, mais implacablement le foie. L’hépatite chronique et agressive évolue en général vers une cirrhose du foie : c’est une maladie grave se caractérisant par une perte fonctionnelle majeure de la glande hépatique, qui ne peut dès lors plus assurer correctement ses fonctions pourtant indispensables au maintien de l’équilibre vital. Cette maladie provoque également une élévation sévère de la pression des grosses veines de l’appareil digestif (système porte), ce qui entraîne de graves complications. La cirrhose virale évolue elle-même en général vers un cancer du foie, qui est l’une des formes les plus graves de cancer. Le cancer hépatique est rapidement mortel en l’absence de traitement. Cette gravité potentielle des hépatites B et C fait que l’on a hâte d’avoir un vaccin contre l’hépatite C, celui contre l’hépatite B ayant déjà une efficacité et une innocuité remarquables.

L’hépatite virale A est tout à fait différente. Elle n’évolue jamais de façon chronique et ne provoque pas de cirrhose ni de cancer du foie. La seule vraie gravité potentielle de l’hépatite virale A réside dans la possibilité de survenue d’une hépatite suraiguë ou fulminante, qui entraîne la destruction massive du foie en quelques jours. La transplantation hépatique en urgence est susceptible d’éviter la mort par coma hépatique terminal. À l’inverse, de nombreuses personnes infectées par le virus VHA de l’hépatite A font une forme discrète ou même inapparente. Mais quand il s’agit d’une hépatite A « maladie », il y a un ictère ou « jaunisse » et une fatigue prononcée (asthénie). Cette fatigue marquée est parfois invalidante et peut se prolonger plusieurs semaines. Elle est liée à l’importance de l’atteinte du foie qui joue un rôle majeur dans le métabolisme énergétique.

L’épidémie actuelle que l’on constate en Europe est liée à trois souches différentes du virus VHA de l’hépatite A. Depuis le premier janvier 2017, le nombre de cas n’a pas cessé d’augmenter, avec en France un total de 2031 cas enregistrés fin août de cette année. Ce nombre de cas enregistrés est le plus haut depuis les dix dernières années. Il convient de préciser que l’hépatite virale A – comme l’hépatite virale B - fait partie de la trentaine de maladies à déclaration obligatoire en France, ce qui facilite l’enregistrement des cas.

La majorité des cas est de sexe masculin, dont la plupart sont âgés entre 15 et 50 ans. L’analyse des souches de virus a montré qu’il s’agissait souvent de souches épidémiques connues pour circuler chez les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH). Mais il faut savoir que, lors de la déclaration obligatoire d’un cas, aucune information n’est recueillie sur l’orientation sexuelle. Cette épidémie chez les HSH a tendance à présent à diffuser au sein de la population générale, avec une augmentation constatée des cas chez les femmes et les enfants. Cette épidémie a toutes chances de s’étendre, car les pays européens touchés dont la France ont une faible fréquence ou endémicité de cette maladie ; ce qui signifie que moins de 15 % des personnes sont immunisées à l’âge de 20 ans. Cette faible immunité de la population vis-à-vis du virus VHA de l’hépatite A dans les pays européens est liée à leur niveau de vie, car ce virus circule principalement dans les populations à faible niveau de vie. Les conditions sont donc réunies pour une diffusion du virus en France.

Plus les trois souches en question de virus VHA circuleront en France et particulièrement chez les adultes, et plus on constatera des formes d’hépatite A « maladie », c’est-à-dire avec ictère (jaunisse) et grande fatigue parfois durable ; plus il y aura également de formes suraiguës ou fulminantes. Cette maladie réputée bénigne pourrait donc devenir un problème général de santé de la population.

Quels sont les modes de transmission connus de ce virus ? Certaines populations ou pratiques sont-elles particulièrement dangereuses ?

Contrairement aux virus VHB et VHC des hépatites virales B et C, le virus VHA se transmet principalement par voie orale, c’est-à-dire digestive. C’est en effet un virus très proche des Entérovirus qui, comme leur nom l’indique, sont des virus qui infectent d’abord l’intestin pour gagner ensuite d’autres organes. Le virus VHA est très résistant sur le plan physique et chimique, comme c’est le cas habituellement des virus sans enveloppe (elle est une fausse protection : une fragilité au contraire). Il pénètre l’organisme par la bouche à l’occasion de l’ingestion d’un aliment contaminé. Il peut s’agir de coquillages ou d’eau, ce virus très résistant se maintenant longtemps dans l’environnement. Il est également fréquent que les aliments contaminés l’aient été par une personne infectée par le virus et participant à la préparation du repas. Car chez la personne infectée, le virus est présent en grande quantité dans l’intestin et par voie de conséquence dans les matières fécales. Une personne infectée récolte sur ses mains des quantités phénoménales de virus en s’essuyant après la défécation, ce qui constitue un danger majeur. Ce virus VHA suit donc la règle de la transmission dite « féco-orale », ou des matières fécales à la bouche. Elle est encore appelée le « péril fécal ».

Contrairement aux virus VHB et VHC qui sont habituellement transmis par le sang, le virus VHA ne l’est que de façon exceptionnelle. Cette transmission par le sang peut s’effectuer lors de séances non protégées de toxicomanie intraveineuse en groupe, mais aussi lors de soins de santé dits invasifs. Le virus VHB de l’hépatite B est de surcroît facilement transmis par voie sexuelle, tant hétérosexuelle qu’homosexuelle, ce qui fait de l’hépatite B une infection sexuellement transmise ou IST. C’est lié au fait que le virus est largement présent dans les sécrétions sexuelles de la personne infectée. Le virus VHA quant à lui n’est pas détecté dans les sécrétions sexuelles. En revanche, la transmission au sein des communautés de HSH suggère fortement que la sodomie puisse être une circonstance contaminante, mais uniquement pour le sujet pénétrant. Car la muqueuse du gland se trouve, dans le cas d’une personne pénétrée infectée par le virus VHA, en contact avec de très nombreuses particules virales. Il suffit alors de petites érosions superficielles du gland ou du prépuce pour que le virus puisse contaminer le milieu intérieur.

Comme c’est le cas avec beaucoup de maladies infectieuses virales immunisantes, on constate en général que, plus l’infection se fait tôt dans la vie, et plus l’infection a tendance à être bénigne (à part les contaminations chez le nourrisson). Dans les pays en développement, l’infection et donc l’immunisation se font avant l’âge de 10 ans : l’hépatite A est le plus souvent discrète. Dans les pays en développement rapide, elles se font plutôt chez les adolescents et les adultes jeunes : l’hépatite A se manifeste plus fréquemment par une maladie. Il est clair que les installations sanitaires, la collecte et le traitement des eaux usées ainsi que le lavage des mains sont les éléments critiques qui expliquent cette disparité, quand on sait comme ce virus de propage.

Quels sont les moyens de se protéger de l’hépatite A ?

Il faut bien avoir à l’esprit que le virus VHA de l’hépatite A circule dans la population et que beaucoup de personnes infectées font une forme discrète et donc non reconnue. Mais il n’en reste pas moins vrai que le virus est présent en grande quantité dans leur intestin et donc dans leurs matières fécales. C’est comme pour le choléra et bien d’autres microorganismes entériques.

La première mesure est celle qui consiste, pour tout un chacun, à se laver efficacement les mains après avoir été aux toilettes. C’est la mesure essentielle, elle est déterminante. Cet acte devrait être automatique chez tout le monde et c’est très loin d’être le cas. La deuxième mesure est très proche de la première : elle consiste à se laver les mains avant de préparer et plus généralement de toucher la nourriture. C’est l’une des justifications du lavage des mains avant de manger. La troisième mesure concerne les installations et équipements sanitaires : toilettes, lavabos, collecteurs d’eaux usées, traitement des eaux usées et analyses microbiologiques de l’eau destinée à la consommation humaine (eau dite « potable »). La quatrième mesure concerne la vaccination des personnes exposées de façon professionnelle, du personnel travaillant en collectivité, des jeunes vivant en établissement social ou spécialisé, des personnes ayant une maladie chronique du foie, des homosexuels masculins et des personnes se rendant dans une région du monde où l’infection par le virus VHA est très fréquente. La cinquième mesure consiste à déclarer et enregistrer tous les cas avérés (maladie à déclaration obligatoire en France), afin d’adapter la prévention à la situation épidémiologique en évolution.

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