Ce que les dômes de chaleur nous apprennent sur (ce que nous ne savons pas sur) le coût du dérèglement climatique<!-- --> | Atlantico.fr
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La ville de Vancouver est vue à travers une brume par une journée torride, le 29 juin 2021.
La ville de Vancouver est vue à travers une brume par une journée torride, le 29 juin 2021.
©DON MACKINNON / AFP

Grand saut dans l’inconnu

La vague de chaleur sans précédent qui vient de frapper le Canada et les Etats-Unis démontre un fait crucial sur le changement climatique. Ce ne sera pas un phénomène aisé à anticiper et aux risques limités, notamment sur le plan économique.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Face à la menace du dérèglement climatique, des courbes linéaires d’augmentation des températures ou de la hausse du niveau des eaux et des projections de coûts économiques ont été anticipés mais de grands phénomènes imprévus et dans des zones insoupçonnées comme le récent dôme de chaleur au Canada restent impossible à prédire. Est-on en train de trop sous-estimer les effets du dérèglement climatique dans nos modèles ? Et les conséquences que celui-ci peut avoir sur l’économie ?

Michel Ruimy : La vague de chaleur qui s’est récemment abattue sur le nord-ouest du Pacifique a démontré un fait crucial concernant le changement climatique : il ne sera ni linéaire, ni totalement prévisible.

Ce phénomène, qui affecte déjà la santé humaine, ne cause pas uniquement une élévation des températures moyennes. Ce réchauffement induit, en effet, une foule d’autres risques : si l’intensification de la sècheresse de la végétation induit notamment des incendies de forêt, des tempêtes, d’importantes conséquences alimentaires au niveau mondial du fait de mauvaises récoltes et/ou de l’inondation de zones intérieures, il rend aussi des régions menacées par le chaos d’un climat modifié, moins attractives en termes de terres d’accueil de travailleurs et/ou d’investissements en capital… Ces faits illustrent que le recensement des risques engendrés par le changement climatique est vraisemblablement imparfait voire incomplet dans les modèles de prévision.

Il est important de garder en tête que ces phénomènes n’étaient pas ceux qui étaient abordés, il y a quelques décennies, lorsqu’étaient envisagés les coûts sociaux du changement climatique. On parlait essentiellement de l’élévation progressive du niveau de la mer à mesure que les calottes glaciaires fondaient. Si les climatologues avaient conscience que toutes sortes de chaos environnementaux pouvaient résulter d’un réchauffement de la planète, ils n’envisageaient pas l’ampleur des changements à venir et n’étaient donc pas en mesure de faire des prédictions suffisamment précises pour captiver l’imagination du public.

Les évènements récents montrent que les modèles atmosphériques existants doivent être modifiés de manière à rendre plus probables des vagues de chaleur extrêmes. Le coût pour l’économie mondiale se renchérirait alors mais rendrait surtout l’élimination des émissions de gaz à effet de serre, encore plus urgente.

Comment ces modèles ont été réalisés et conçus ? Sont-ils adéquats ?

Les modèles de climat sont des systèmes construits pour représenter les processus en jeu à l’échelle de quelques siècles. Pour produire des informations à différentes périodes, ils s’appuient sur de grandes masses de données, dont notamment l’ensemble des composantes qui évoluent à ces échéances (atmosphère, océans, cryosphère et biosphère).

S’ils sont plus ou moins complexes - la complexité étant choisie en fonction de l’objectif poursuivi -, ils permettent de faire des projections climatiques, qui reposent sur des scénarii d’évolution économique et démographique. L’incertitude des projections résulte, à la fois, de l’incertitude de la modélisation climatique mais aussi de celle de l’évolution économique et démographique.

Notre confiance en ces modèles émerge de la cohérence physique de l’ensemble. En d’autres termes, nous évaluons leur capacité à représenter de nombreux processus à toutes ces échelles temporelles et spatiales.

Comment mieux évaluer et mieux anticiper les risques économiques face à ce type de phénomènes qui sont amenés à se répéter avec le dérèglement climatique ? Les économistes spécialisés dans les modèles de prédiction doivent-ils se remettre en cause ou repenser leurs méthodes ?

Dans le passé, la plupart des économistes du climat ont modélisé les coûts qu’ils appréhendaient bien et qu’ils pouvaient mesurer. Leur réflexion s’est toutefois peu portée sur des risques bien réels, plus effrayants, mais ayant une faible survenance. Dès lors, leurs calculs relatifs au « coût social du carbone » sont, en général, sous-estimés. Mais lorsque le danger est inconnu, il est plus difficile de s'y préparer.

Aujourd’hui, ces risques, et leurs implications économiques, apparaissent au grand jour. Ainsi, si notre planète n’était confrontée qu’à l'érosion de ses côtes, ce serait dommageable mais pas catastrophique. Or, à mesure que le niveau de la mer s’élève, la construction immobilière tend à reculer et à s’implanter dans les terres intérieures. Dans quelles régions traditionnellement froides, par exemple, les consommateurs devraient-ils commencer à installer la climatisation ? Comment les cultures doivent-elles être modifiées, et lesquelles doivent être conçues pour survivre aux sécheresses ? Quels États doivent intensifier leur gestion forestière afin de réduire l’incidence des incendies de forêt ? … Le simple fait que nous ne connaissions pas les réponses à ces questions constitue en soi un coût, car les êtres humains ont généralement une aversion pour le risque. En outre, le coût réel du réchauffement climatique devrait inclure les problèmes météorologiques auxquels nous n'avons pas encore pensé - les "inconnues"

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