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Ce que les chassé-croisés d’entrée et sortie dans la majorité nous révèlent de la recomposition de la vie politique française
©ALAIN JOCARD / AFP

Centrifugeuse

La sénatrice Sylvie Goy-Chavent a quitté l’UDI pour Les Républicains. Ce n'est qu'un exemple parmi tant d'autres de la petite recomposition politique traduite par ces chassés-croisés de députés.

Samuel Pruvot

Samuel Pruvot

Diplômé de l’IEP Paris, rédacteur en chef au magazine Famille Chrétienne, Samuel Pruvot a publié "2017, Les candidats à confesse", aux éditions du Rocher. 

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Quels nouveaux clivages ou rapports de force ces mouvements croisés traduisent-ils ?

Samuel Pruvot : Cette petite recomposition dont vous parlez est en fait la réplique d’un grand tremblement de terre. Celui de la présidentielle 2017 qui a entraîné, comme vous le savez, la dislocation brutale du paysage qui constituait la France depuis la Ve République. Le monde bipolaire droite / gauche a quasiment disparu. Il est normal que tout ce qui se trouvait au centre de ce paysage soit impacté. Tout bouge, chavire et change de place encore maintenant.

La mutation politique actuelle ressemble à une véritable tectonique des plaques. C’est comme si une faille s’était ouverte au milieu de la plaque hexagonale. D’un côté les métropoles mondialisées de LREM et, de l’autre, les steppes du RN se séparent sous nos yeux et ensuite dans les urnes. Tous ceux qui habitent dans la terre du milieu sont donc contraints de choisir leur camp et une stratégie de survie.

C’est face à ce péril majeur qu’il faut lire le choix de la sénatrice Sylvie Goy-Chavent. Elle a quitté l’UDI pour LR… dans l’espoir de refonder « une large et grande formation de droite républicaine. » Mais est-il encore temps ?

Le cas du Modem, de l'UDI et Agir met en lumière des volontés de retrouver une "famille" politique alors que certains, au centre-droit, revendiquent de s'aligner avec la majorité et d'autres veulent garder leur indépendance.

La situation que vous décrivez montre une grande confusion dans les esprits. Les acteurs politiques semblent perdus au sens propre du terme comme si le paysage classique qui était le leur depuis  toujours avait brutalement disparu. Le centre a toujours voulu se définir par une sage distance par rapport à la droite et à la gauche. Comme si la raison politique devait se garder de l’attraction mortifère exercée par ces frères ennemis. Le centre se veut une réponse à la maladie décrite par Raymond Aron : « N’être que de droite ou n’être que de gauche, c’est être hémiplégique. » Cette posture fut celle de Mirabeau, de Marc Sangnier ou encore de Raymond Barre. François Bayrou en fut longtemps le prophète avant d’être doublé par un certain Emmanuel Macron. Mais qu’est-ce que le centre aujourd’hui ? Certains pensent qu’il est sorti de sa chrysalide et s’est transformé en papillon avec LREM. Dans tous les cas de figure, il y a mort ou métamorphose.

Que se passe-t-il dans la tête de ces députés qui quittent LREM ou leurs alliés ? On parle beaucoup et on a beaucoup parlé des députés qui rejoignent LREM mais pour quelles raisons (diverses peut-être), d'après vous, d'autres quittent le mouvement ?

Derrière la domination de façade de LREM, certains rebelles semblent contredire le mouvement de l’histoire. Mi-juin, six députés LREM du Nord ont écrit un courrier à Stanislas Guerini, délégué général du mouvement, pour lui annoncer leur retrait du comité politique d'En Marche. Ils dénoncent dans cette lettre des dysfonctionnements : rétention d'information, intimidations et sexisme. Le parti du Progrès et du nouveau monde ressemble parfois furieusement à l’ancien.

Le bras de fer qui oppose en ce moment la députée Agnès Thill aux instances de son parti est une parabole à méditer. D’un côté une élue accusée d’homophobie par ses pairs et, de l’autre, la Commission des conflits de LREM. Agnès Thill a été convoquée le 25 juin et attend de connaître son sort. Sans doute son exclusion. Comment cette institutrice issue du PS, favorable au mariage pour tous et à l’avortement, est-elle devenue le symbole d’une France réactionnaire ? Son opposition ouverte à la PMA est difficile à supporter pour un parti qui se veut progressiste, à la fois libéral et libertaire. Agnès Thill explique à qui veut l’entendre : « Ce qui me semble dangereux, dans la PMA, ne concerne pas l’orientation sexuelle. C’est l’absence du père dans l’éducation des enfants qui me choque. Je crois que le rôle des députés n’est pas de permettre à un enfant de grandir sans père. En tant qu’institutrice dans des ZEP urbaines, j’ai vu de mes yeux les ravages. » Pour expliquer sa situation, elle invoque aussi la philosophe Simone Weil. Tout parti porterait en lui-même une tendance totalitaire. Comme si toutes les formations politiques avaient la tentation de la monochromie y compris celles qui revendiquent les couleurs de l’arc en ciel.

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