Ce que la catastrophique intensité carbone de l’électricité allemande nous apprend des énergies renouvelables<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue aérienne montre des panneaux solaires à Dortmund, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 avril 2022.
Une vue aérienne montre des panneaux solaires à Dortmund, dans l'ouest de l'Allemagne, le 22 avril 2022.
©Ina FASSBENDER / AFP

Non sens

Le Sénat a adopté le 4 novembre 2022 un projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Pourtant, la France fait figure de bon élève par rapport à l'Allemagne, qui a investi massivement dans de telles sources d'énergie

Damien Ernst

Damien Ernst

Damien Ernst est professeur titulaire à l'Université de Liège et à Télécom Paris. Il dirige des recherches dédiées aux réseaux électriques intelligents. Il intervient régulièrement dans les médias sur les sujets liés à l'énergie.

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Atlantico : Que savons-nous de l’intensité carbone de l’électricité allemande ?

Damien Ernst : Les Allemands n’avaient pas démantelé leur filière charbon, mais avaient les centrales au charbon qu'ils n'utilisaient plus  sous cocon. Avec la crise ukrainienne, ils ont essayé de remettre en opération leurs centrales pour ne plus dépendre d’un gaz hors de prix. Et ils ont plutôt bien réussi. Sur 37.9 GW d’existant, 26 étaient déjà en opération ce week-end. Ces 26 GW peuvent produire une quantité d'électricité plus ou moins équivalente  à celle que produisait les centrales nucléaires qu’ils ont fermé. S’ils n’avaient pas fermé leur parc nucléaire, ils éviteraient de faire tourner leurs centrales à charbon. Par ailleurs, les centrales allemandes tournent à un type de charbon spécifique, la lignite, particulièrement polluant. On estime que 1150 g de CO2 sont générés par KWh d’électricité fourni. Ainsi, cette semaine, le mix allemand dépasse allègrement les 600 g/KWh. Pour mettre cela en perspective, il faut se rendre compte que la filière nucléaire française représente 5 g de CO2/KWh et les éoliennes 15 g de CO2/KWh. 


A quel point est-ce problématique ?

Le fait est que l’intensité CO2 est amenée à augmenter sensiblement dans les mois à venir puisqu’ils vont remettre la totalité de leur flotte en marche. Pour l’instant, on a une moyenne qui dépasse les 350 mais elle pourrait facilement dépasser les 500 g de CO2 / MWh. 
Conséquence de cette situation, la filière de véhicules électriques allemande va moins avoir de sens. Se charger à l’électricité allemande va faire augmenter le bilan de la voiture électrique qui va produire 10 kg par 100 km parcourus, ce qui revient à l’équivalent d’une voiture hybride. Les voitures électriques contribuent à la réduction du CO2 quand le mix est significativement décarboné, ce qui n’est pas le cas en Allemagne. Cela pose la question de la pertinence du développement de la filière dans ce pays.


L’Allemagne a beaucoup investi dans le renouvelable, pourquoi est-ce que cela ne suffit pas à avoir une faible intensité carbone ?

L’Allemagne a effectivement 60 GW d’éolien et à peu près autant de solaire. C’est un parc important. Mais on observe cette année des régimes de vent très insatisfaisants. L’éolien produit actuellement 6 GW soit 10% de sa capacité installée. Et le problème du solaire est que nous sommes en novembre, donc le soleil se lève tard et se couche tôt, et cela va durer jusqu’en février ou mars. Cela fait que le photovoltaïque ne produit presque plus rien. Cette combinaison de la crise du gaz et des mauvaises performances de l'éolien est un vrai cygne noir pour l'Allemagne.


Il faut donc un complément ou une alternative aux renouvelables ?

C’est une certitude. Avec la météo européenne, certaines situations sont très peu propices aux renouvelables. Le pire scénario : lorsqu’un anticyclone provenant de Russie mène à une vague de froid, donc une pointe de consommation, mais avec un régime de vent très faible et au moment où le photovoltaïque est inutile. Face à cette situation, il faudra toujours des capacités pilotables capable de couvrir en quasi totalité les pics de consommation les plus élevés.


Quels moyens pourraient permettre d’éviter cette situation ? 

Cela pourrait passer par le développement de câbles entre l’Europe, l’Asie, l’Afrique et l’Amérique. Sans ces méga connections électriques, la solution ne peut venir que du nucléaire si on veut une électricité décarbonnée tout le temps. Il y a d'autres solutions qui se basent sur le stockage mais on ne sait pas si elles seront un jour techniquement possibles à grande échelle et rentables pour nous permettre de gérer ces périodes de l'hiver où la charge est élevée et les renouvelables produisent peu. Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut surtout pas fermer de centrales nucléaires, mais plutôt en construire de nouvelles.

L’Allemagne est donc un mauvais élève de l’Europe ?

L’Allemagne est un mauvais élève et la France est un très très bon élève en matière de décarbonation si on regarde les chiffres. 

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