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Ce que l’islam politique peut nous faire comprendre sur les rapports entre islam et démocratie en France
©REUTERS/Erik De Castro

Pragmatisme

Les entretiens de l'éditorialiste Olivier Ravanello avec le président d'Ehnnada donnent à voir un islam pragmatique dont pourrait s'inspirer un islam de France à venir.

Olivier Ravanello

Olivier Ravanello

Editorialiste de politique étrangère à i-Télé, Olivier Ravanello a été pendant plus de dix ans reporter de guerre au Moyen- Orient, en Irak, en Syrie, dans la bande de Gaza, en Israël, en Égypte, en Libye et en Tunisie. Il a vu la transformation des mouvements islamistes passer de la clandestinité à la tête de l'état.

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Atlantico : Vous venez de publier Au sujet de l'islam chez  Plon. Le livre se compose d'une série d'entretiens avec Rached Ghannouchi. Pourquoi avoir choisi le président d'Ehnnahda ?

Olivier Ravanello : Je pense qu'il est nécessaire d'entamer une réflexion sur l'islam et sur la place de l'islam dans la société française. J'en avais assez de lire de textes comme ceux de Zemmour qui s'appuient sur une lecture au pied de la lettre du Coran pour dire que l'islam n'a pas sa place dans la République et que le problème est intrinsèque à l'islam. Si nous lisions les textes chrétiens avec la même démarche nous arriverions probablement à la même conclusion. Bien qu'il y ait des imams modernes en France, leurs mosquées sont vides et ils ne sont pas écoutés. Je me suis dit qu'il fallait interroger une personnalité qui fait davantage autorité que les imams français. Rached Ghannouchi est à la fois une autorité politique et spirituelle. Il estime que l'islam est compatible à la République et à la démocratie. Je ne le crois pas sur parole, je demande encore à voir mais j'ai choisi de l'interroger pour que tout un chacun puisse se faire son opinion. Beaucoup d'articles de presse sont alarmistes mais à lire Ghannouchi, on s'aperçoit qu'avec sa vision de l'islam, on peut s'arranger.  

A lire également : Rached Ghannouchi : existe-t-il un islam de France ?

En matière de compatibilité avec la démocratie, quels sont ses arguments et quelles sont les limites que vous avez pu identifier ?   

Notre conversation était enregistrée et on ne pouvait pas revenir sur ce qui avait été dit. C'était la règle. La conversation était très directe. Je pensais qu'il allait bloquer sur les questions religieuses mais cela n'a pas été le cas. Il est dans un modèle anglo-saxon empreint de pragmatisme. On se fait beaucoup d'illusion sur ce qu'impose l'islam aux Musulmans. Et on s'aperçoit qu'en fait il est possible de s'accommoder. Tout le courant salafiste qui est présent en Tunisie et en Algérie n'aurait bien sûr pas du tout donné le même discours. Il estime d'ailleurs que si la construction de minarets nous pose problème en France, il est aux yeux de l'islam parfaitement acceptable de s'en passer. Pour ce qui est du port du voile, il appelle les musulmanes à respecter la loi et à ne pas s'empêcher d'étudier ou encore de sortir pour autant. Sur quantité de choses qui crispent le débat public en France,  je l'ai trouvé beaucoup moins radical que ce à quoi je m'attendais. Je pense qu'un Français attaché à laïcité peut parfaitement trouver des clés pour désamorcer des faux débats.

Là où la rupture est claire dans son discours, c'est qu'il s'agit à mon sens d'une revendication identitaire culturelle qui passe par l'islam et qui est pour lui la dernière pierre de la décolonisation. Il estime que c'est aux Musulmans français de créer un islam de France qui sera le leur. Par contre, la manière dont les choses sont gérées en Tunisie ou ailleurs ne sont pas discutables. Finalement, c'est une forme de "chacun chez soi" et à mon sens on perd alors les valeurs universelles et je crois que Rached Ghannouchi n'est pas toujours très clair là-dessus. Il se retranche derrière l'argument culturel, estimant qu'il faut être en accord avec le climat du pays.

Je demande à voir, comme tout le monde, car il ne s'agit pas de le croire sur parole. Nous avons besoin d'interroger et d'avoir une matière à réflexion plutôt que de suivre la dichotomie "laïcs vs. Barbus" qui nous fait entrer dans un choc des civilisations. Evidemment cela donnera naissance à des démocraties qui ne nous ressemblent pas avec une présence de l'islam et des traditions qui ne sont pas les nôtres mais préfère-t-on des régimes autoritaires qui nous ressemblent ? On peut avoir des démocraties sans pour autant faire des copié/coller des valeurs occidentales.

Sa vision de l'islam politique ne représente qu'un point de vue parmi d'autres…

Ghannouchi représente un courant de pensée qui va du Maroc à la Turquie. Et Ghannouchi ne se prive pas de dire à Erdogan qu'il a une conception du pouvoir qui va trop loin.

A titre personnel, ma religion n'est pas faite, je n'ai pas la conviction qu'il faille miser sur cet islam des frères musulman mais je suis convaincu que chez les autres il n'y a pas matière à discuter. Il n'y a rien à attendre de Daech, du salafisme, ou du wahhabisme. Mais si ce courant de pensée, parti des Frères musulmans pour embrasser toute la méditerranée, fait la démonstration qu'il n'est pas capable de gérer la démocratie, alors nous aurons fait le tour de la question. Mais on ne peut pas faire l'impasse sur ce courant de pensée, on ne pas mettre tout le monde dans le même sac. 

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