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Ce qu’oublie vite l’Europe sur ses propres agissements en se scandalisant de la politique migratoire de Donald Trump
©Reuters

Bouhh !!!

L'Europe et ses bien pensants ont beau hurler à la mort quand Donald Trump signe un "executive order" visant à banir les ressortissants de sept pays touchés par le terrorisme en qualifiant ce décret de "Muslim Ban", c'est un peu vite oublier que dans ce domaine, elle n'a pas de leçon d'humanité à donner.

Atlantico : Suite au décret pris par Donald Trump, désormais appelé "Muslim Ban", suite à à la volonté du Président de construire au mur sur la frontière mexicaine, les européens ont fortement réagi en invoquant principalement des objections morales. En posant froidement les mesures prises, et en écartant la personnalité de Donald Trump du débat, quelle est la cohérence des actes en comparaison des souhaits de l'électorat américain ? 

Laurent Chalard : Les annonces de Donald Trump correspondent pleinement au souhait de son électorat, on pourrait même dire qu’elles restent en-dessous de qu’il veut réellement. En effet, deux des principales demandes des électeurs de Trump étaient de réduire la présence mexicaine aux Etats-Unis (soit environ 35 millions d’individus en 2015), et d’empêcher la formation d’une communauté musulmane importante (à l’heure actuelle, moins de 1% des américains se déclarent de religion musulmane) de peur qu’elle conduise à la propagation du terrorisme islamiste sur le sol américain.

Concernant le premier souhait, la construction d’un mur entre les Etats-Unis et le Mexique, l’une de ses promesses les plus controversées, mais aussi les plus populaires de sa campagne, s’inscrit dans l’optique d’empêcher quasiment tout passage clandestin de la frontière entre les Etats-Unis et le Mexique, permettant aux américains de pouvoir totalement contrôler les entrées et les sorties de leur territoire, et donc de stopper les entrées clandestines, élément préalable à la réduction de la présence mexicaine aux Etats-Unis. Cette décision apparait donc comme très cohérente avec les souhaits de son électorat.

Concernant le second souhait, la limitation des flux provenant de pays à dominante musulmane à forte présence de mouvements djihadistes (Irak, Libye, Somalie, Soudan, Syrie, Yémen) ou théocratiques (Iran), s’inscrit dans l’optique de pouvoir limiter l’accès des ressortissants originaires de pays à risque aux Etats-Unis. Cependant, si l’on suit la logique de Trump, il est surprenant de ne pas voir figurer dans cette liste l’Arabie Saoudite (d’où sont originaires la majorité des pirates de l’air des attentats du 11 septembre 2001), l’Egypte, le Mali, les pays du Maghreb ou même la Russie (les terroristes des attentats de Boston étaient des citoyens russes !). C’est donc, d’un point de vue d’une analyse froide, une mesure peu efficace, très en-dessous de ce que souhaitaient les électeurs de Trump.

Record du nombre de décès en méditerranéenne, accord sur la question migratoire avec la Turquie, existence de murs en Europe, en quoi la réalité européenne peut-elle être jugée plus "morale" que les positions prises par Donald Trump ? Peut-on y voir une forme d'hypocrisie ? 

La réalité européenne n’est nullement plus « morale » que les positions prises par l’administration Trump, puisque les européens, qui se trouvent dans la même situation que les Etats-Unis, c’est-à-dire une forte immigration, en l’occurrence africaine, de plus en plus contestée par les populations natives, et un risque de terrorisme islamiste encore plus élevé qu’outre-Atlantique du fait de la plus grande proximité géographique de l’Europe avec le monde arabo-musulman, s’efforcent par tous les moyens de limiter l’afflux de migrants de ces pays. Cela passe par la construction de murs quand les frontières sont terrestres, par exemple dans les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla sur le continent africain, et désormais entre pays européens à l’est.

C’est donc effectivement une hypocrisie totale qui ne s’explique nullement par la volonté de paraître plus humaniste, mais témoigne surtout de l’affolement des élites européennes face à la montée du populisme au sein de leur population, qui les conduit à délégitimer toute politique populiste. En effet, si les politiques de Donald Trump s’avéraient efficaces, les jours de la classe politique européenne, qui a prôné constamment l’ouverture des frontières aux migrants depuis les années 1990, seraient définitivement comptés. 

Finalement, en quoi l'attitude de Donald Trump peut-elle permettre aux européens de se "racheter" une conduite ? Quels peuvent être les effets d'une telle approche sur le débat migratoire en Europe?

L’attitude de Donald Trump, excessive liée au caractère du personnage, apparaît comme une aubaine pour les dirigeants européens, leur permettant de se racheter une bonne conscience humaniste, les européens paraissant comme « modérés » dans leur manière de gérer les flux migratoires par rapport aux Etats-Unis. En effet, désormais, ce sont les Etats-Unis qui endossent le rôle du « méchant » dans les politiques de lutte contre l’immigration clandestine et supportent les risques d’échec.

Il est trop tôt pour déterminer quelles seront les conséquences de cette approche sur le débat migratoire en Europe. Ce qui est sûr, c’est que le débat ne risque pas d’être dépassionné. Or, c’est la condition sine qua non pour mener une politique migratoire efficace qui fasse consensus auprès de la majorité de la population, y compris chez les descendants d’immigrés. Finalement, tout dépendra des résultats des politiques de l’administration Trump. Si ces dernières apparaissent efficaces, il est probable que les dirigeants européens outrepasseront leur position moraliste pour emboîter le pas aux Etats-Unis, de peur sinon d’être débordés par les mouvements populistes. Par contre, si les politiques migratoires de Trump s’avéraient être un échec, les dirigeants européens pourront justifier du fait qu’ils avaient bien raison de dire que les politiques coercitives de gestion des flux migratoires sont inefficaces et, par la même, cela leur donnerait un argument pour discréditer les discours populistes.

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