Cancer : le pénible combat des malades pour être écoutés... et entendus par leurs médecins<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Cancer : le pénible combat des malades pour être écoutés... et entendus par leurs médecins
©Reuters

Prise de parole

Le site internet Hospitalidée s'est associé a l'institut BVA afin de donner la possibilité aux personnes atteintes d'un cancer de partager leur expérience des soins apportés. L'objectif affiché est de permettre de faire progresser l'écoute et la prise en charge des malades.

Philippe Bataille

Philippe Bataille

Philippe Bataille est directeur d'études à l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales et directeur du Centre d'analyse et d'intervention sociologiques (CADIS, EHESS-CNRS). Il est également membre du Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin. Ses recherches ont entre autres porté sur le racisme et la discrimination, le sexisme et le féminisme, et plus récemment sur l’expérience médicale et sociale de la maladie grave. Ses travaux actuels suivent ce qu’il advient de la catégorie de sujet dans la relation médicale et de soin. Les recherches en cours suivent des situations cliniques empiriques qui suscitent de si fortes tensions éthiques qu’elles bloquent le système de la décision médicale (éthique clinique), et parfois la conduite de soin (médecine de la reproduction et en soins palliatifs). Son dernier ouvrage est "Vivre et vaincre le cancer" (2016, Editions Autrement).

Voir la bio »

Atlantico : Le site internet Hospitalidée a lancé une enquête pour recueillir l'avis des patients souffrant d'un cancer sur leur prise en charge, sur leur suivi médical et psychologique tout au long de leur traitement. Les patients se considèrent-ils suffisamment écoutés par les personnels hospitaliers ? 

Philippe BatailleGlobalement, la réponse est non. On leur en demande beaucoup, les patients le savent et ils ont conscience des difficultés dans lesquelles le personnel hospitalier se trouve. Il arrive qu'ils soient mal placés pour entendre ce que les patients ont à dire. Toutefois, tout est fait aujourd'hui pour que cette relation soit plus forte entre ce que les malades disent et ce que la médecine a en réponse. C'est avec ce dialogue qui s'améliore que les soins sont mieux réussis. Il y a encore beaucoup de difficultés liées au manque de personnel d'un côté, et au fait que les soins sont très demandant physiquement. Les patients ne peuvent pas répondre à toutes les sollicitations des médecins. Cette situation génère des frustrations des deux côtés.

Cette volonté d'améliorer la situation entre les patients et le personnel hospitalier ne répond pas seulement à une volonté citoyenne, démocratique en aménageant des lois pour changer les choses.. Il se passe quelque chose de plus important. C'est la capacité de la médecine à produire des traitements plus personnalisés au sens biologique du terme. Il faut pouvoir offrir une solution adaptée pour chacun des patients. C'est la direction qui est prise maintenant. L'horizon est encore très ouvert. Nous assistons a des résultats spectaculaires. Il faut que le malade puisse se rendre très accessible, très disponibles à ces soins. Il y a aujourd'hui, une voie qui s'est ouverte, dans la prise en charge des malades ; elle va avec la voix des malades quand ils expriment leurs sentiments.

L'amélioration de l'attention portée aux malades passe par une évolution de la formation du personnel de santé. Il faut aussi des moyens pour parvenir au résultat souhaité, des moyens pour les hôpitaux et pour les malades eux-mêmes

Quelles sont les solutions qui pourraient être imaginées pour faciliter le dialogue entre les patients, leurs proches et le personnel hospitalier afin d'informer et rassurer sur la prise en charge, que ce soit la durée, les traitement appliqués, le suivi ?

Dans un premier temps, il faudrait poursuivre l'éclatement dans le délivrement des soins qui sont trop portés sur l'aspect hospitalier. Les traitements peuvent se délivrer dans les hôpitaux pour des cancers rares mais ce n'est pas le cas tout le temps. Les traitements peuvent aussi être prodigués en dehors des hôpitaux. Les patients peuvent se retrouver en dehors, mais en gardant un lien avec ces derniers. D'autres solutions peuvent être proposées pour assurer le traitement des cancers comme la pratique du sport, l'alimentation. Il faut des conditions très saines pour pouvoir se reposer. Les métiers du soin et de la santé doivent pouvoir accompagner les malades là où ils se trouvent, c’est-à-dire souvent chez eux.

Il existe aussi des sites sur internet où les malades peuvent recevoir des informations, peuvent s'exprimer sur leur maladie. Ils offrent un soutien aux malades. Après, les associations devraient être plus présentes sur les sites des hôpitaux. Les associations de malades doivent être entendues. Elles font remonter des témoignages de patients. Il faut aider les associations qui sont en contact avec les patients et leurs proches. Leurs voix sont très intéressantes pour comprendre ce que vivent les malades.   

Est-ce que les Français sont suffisamment informés de la réalité du cancer ? Ne sont-ils pas dans une situation où ce n'est qu'une fois que l'un de leurs proches est atteint que tout s’accélère, parfois confusément ? 

Il y a une cacophonie sur ce qu'on entend à propos du cancer. On entend des choses qui peuvent faire peur. Ce que les Français entendent ne correspond pas forcément à ce que vivent ceux qui en sont atteint. Tout cela ne correspond pas à l'expérience individuelle de chacune des personnes qui souffrent d'un cancer. Cette situation est regrettable parce ce que les chercheurs ont beaucoup progressé dans la compréhension qu'ils ont du cancer. Tout cela crée une peur du cancer plutôt qu'une capacité de réponse collective au cancer. On observe néanmoins que lorsqu'un appel au don est lancé, les gens y répondent. Cela permet de financer la recherche. Il y a une désarticulation entre la c formidable mobilisation contre le cancer et les expériences individuelles de ceux qui le rencontrent.  On ne peut pas s'en sortir tout seul, c'est certain.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !