Campagne des élections régionales en PACA : la difficile troisième voie de David Lisnard face aux sirènes du macronisme<!-- --> | Atlantico.fr
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Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque.
Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque.
©JOEL SAGET / AFP

Bonnes feuilles

Quentin Hoster publie « David Lisnard Le réveil de la droite » aux éditions Télémaque. Maire le mieux réélu de France à Cannes en 2020, David Lisnard a été porté en novembre 2021 à la tête de l'Association des Maires de France. Il trace un chemin singulier qui suscite un intérêt croissant. En mal d'incarnation et de vision, la droite aurait-elle trouvé sa relève ? Extrait 1/2.

Quentin Hoster

Quentin Hoster

Rédacteur en chef de Valeurs Actuelles Régions, Quentin Hoster couvre notamment l’actualité politique de la région PACA. Il collabore également à L’Essentiel, nouveau média d’informations locales.

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Campagne de Provence, an 2021. Le comté méditerranéen est administré par Renaud Muselier depuis 2017, date à laquelle le seigneur Christian Estrosi l’a désigné pour lui succéder, alors qu’il s’apprêtait à récupérer sa cité de Nice. Par l’entremise de ce dernier et de son homologue de Toulon, Hubert Falco, le duc Muselier conclut une alliance avec la cour parisienne de Macron, afin d’unifier leurs forces face à l’adversaire Thierry Mariani, qui menace de s’emparer du comté pour le bénéfice de l’ennemie numéro 1 du royaume, Marine Le Pen. Levée de boucliers chez les Républicains de Provence et de Navarre, révulsés par la trahison du duc. Leur chef Christian Jacob, qui a vu venir l’escroquerie de son compagnon de chasse mais n’a su l’arrêter, se défaussera sur ses «amis malfaisants». Par son entregent à l’Élysée, Christian Estrosi, ainsi visé, lui aurait forcé d’accepter l’entente annoncée par l’intendant Castex dans le parchemin du pouvoir, Le Journal du Dimanche.

Retour à la réalité. Le candidat RN a échoué, s’en est retourné à ses amitiés en Europe de l’Est, et le candidat Les Républicains en Marche – nouvelle déclinaison de l’UMPS – a triomphé. Son front républicain, constitué de l’intégralité de l’échiquier politique, à l’exception du Rassemblement National, ne lui a donné qu’une avance de 7,3 points, là où, sur leurs seules couleurs, Laurent Wauquiez, Valérie Pécresse et Xavier Bertrand l’emportaient bien plus largement dans leurs régions respectives.

Reste un champ de ruines en PACA, labouré par ces giga ego inversement proportionnels à leurs convictions rabougries. À moins d’un an de l’élection présidentielle, la droite «castor» – adepte des barrages – est plus fracturée que lors de la guerre Copé/Fillon. L’échéance de la présidentielle et des législatives confirme la décrépitude : Marine Brenier, la députée LR ayant trahi son étiquette pour rejoindre la majorité sous bannière philippiste, avait réussi l’exploit lors d’un « meeting» sur sa circonscription de ne réunir que… trois personnes.

De part et d’autre de la ligne de faille, quelques personnalités influentes se démarquent. D’un côté, Éric Ciotti, David Lisnard et Charles-Ange Ginésy croient à la troisième voie, entre Macron et Le Pen. De l’autre, Renaud Muselier, Christian Estrosi et Hubert Falco ont choisi le camp du bien. Le maire de Toulon se verrait bien à Ballard, l’hôtel du ministère de la Défense, lors du deuxième quinquennat Macron. Une sénatrice LR blasée analyse au plus fort de la tempête : « Regardez ce qu’a fait Macron avec Gaudin, Collomb, Juppé, et maintenant Falco. Il séduit toujours les hommes plus âgés avant de les trahir ou qu’ils ne s’en rendent compte eux-mêmes.» Le maire de Nice, lui, se verrait bien à Matignon, à l’Ambassade de France en Israël, ou président d’honneur de la compagnie Air France, chez qui il a postulé. De toute façon, il ne passe plus tant de temps dans sa ville qu’à Paris, où il a fait installer pour y séjourner des bureaux de la métropole de Nice. La même : «Avec lui on ne sait jamais à quoi s’attendre. Il peut très bien servir à Macron en 2022 comme rallier le candidat de la droite s’il voit que les vents lui sont plus favorables.» Souvent Estrosi varie, et bien fol qui s’y fie.

Au soir du premier tour des élections régionales, « Estro» avait préparé un communiqué au vitriol le désolidarisant de «Muso», qu’il chargeait de n’avoir pas assez joué le jeu du rapprochement avec La République en Marche. Le communiqué a fini à la poubelle. Mais Muselier l’a gardé en travers. Entraîné dans la tempête avec confiance, par son ami de circonstance, le Marseillais au verbe haut est ressorti par le bas, mais revigoré. Car c’est un caractère que les épreuves enhardissent, là où d’autres rapetissent. La preuve par Valérie Pécresse. La candidate à la primaire de la droite, en campagne dans les Alpes-Maritimes le 28 juillet 2021, a reçu la leçon par texto de l’ex-sarkozyste Muselier, pour n’avoir pas convié de membres de son entourage. «Tu commences bien mal ta campagne. » Le programme de la présidente de la Région Île-de-France prévoyait une escale à Menton avec Éric Ciotti, mais surtout un crochet par Cannes, pour une entrevue étalée avec David Lisnard.

Renaud Muselier est alors loin de la jovialité qui l’animait en début de campagne, fonction d’une confiance encore intacte en ses chances, lorsque je l’interrogeais alors, à Marseille. Entouré de sa petite cour, il était arrivé dans les studios du journal La Provence, où nous enregistrions une interview pour Valeurs actuelles. Cinq ou six collaborateurs, venus de l’hôtel de région et depuis Paris, escortent le gueulard en représentation, qui vanne à tout-va d’un accent appuyé. De quoi mettre n’importe qui dans sa poche. «C’est bien de pouvoir s’exprimer comme ça, sans être coupé», me remercie-t-il à la fin de l’entretien.

— «Ah oui, c’est pas Jean-Jacques Bourdin.»

Rétrospectivement, j’aurais aimé l’être. Car j’apprendrai plus tard toute la duplicité du Jean Moulin des temps modernes, résistant contre le néofascisme. Le 22 mai 2021, je révèle sur le site de Valeurs actuelles que, pour ne pas avoir à affronter seul la liste RN de Thierry Mariani, Renaud Muselier pourrait bénéficier du soutien de la gauche, sous forme d’alliance ou de retrait, selon le même procédé rodé par Christophe Castaner, aux régionales de 2015, pour barrer la route à Marion Maréchal. Sur Twitter, le président de Région n’avait pas tardé à réagir : « Je démens formellement ces pseudo-informations. Il n’y a évidemment aucune négociation avec les forces de gauche ou d’extrême gauche. L’extrême droite, en revanche, saluera le zèle avec lequel Valeurs actuelles relaie ces fake news! » Exactement un mois moins un jour plus tard, la liste de gauche se retirait. Renaud Muselier, qui avait bien envisagé une alliance avec la majorité dès le premier tour, a été – pour concrétiser ce tour de passe-passe – jusqu’à passer un coup de fil à l’écologiste José Bové. Né avant la honte, ce barrage humain face au retour des heures sombres se lâchera plus tard en privé, devant témoins, au sortir de la campagne législative : « Moi, je l’aime bien Zemmour. Et puis j’ai toujours préféré le Front à la Nupes! »

En voilà un autre qui mériterait d’être passé à la question vigoureuse de Bourdin. Loïc Dombreval, député LREM des Alpes-Maritimes, plus connu pour son combat contre la souffrance animale que pour ses solutions contre l’agonie démocratique, me théorisait, quelques semaines plus tard, la recomposition de l’échiquier politique amorcée en 2017, poursuivie en PACA. « La droite? Je ne comprends pas son projet, je ne vois pas où elle est, je ne vois pas son espace. » Une analyse difficilement contestable. «La droite républicaine, libérale et gaulliste, me paraît parfaitement légitime à rassembler dans un grand parti démocrate à l’américaine, qui serait le pendant d’un parti républicain assez dur. » Perspective ébouriffante. Le «M. Sécurité» des Républicains, Éric Ciotti, vient de donner la nausée à une bonne partie de la classe politique, du député mélenchoniste Éric Coquerel à la coqueluche des rumbas parisiennes, Christophe Castaner, en brisant un tabou de la droite, lors d’un entretien avec l’auteur de ces lignes, pour Valeurs actuelles. « Ce qui nous différencie globalement du Rassemblement National, c’est notre capacité à gouverner.» Fascisme avoué à demi pardonné. Il n’en fallut pas plus à la doxa pour bazarder Éric Ciotti et sa droite « dure » par-dessus les digues du « front républicain», simplifiant ainsi un échiquier politique devenu trop complexe pour ses stratèges. Le bipartisme est la dernière lubie d’outre-Atlantique qu’il manquait à la panoplie de l’américanisation de la vie politique française. La lâcheté de la droite, pactisant avec ces deux pôles pour exister au lieu de tracer sa propre voie, le dernier clou sur son cercueil.

(...)

J’ai mis du temps à découvrir cette évidence : le dénominateur commun à toutes les guerres, des bacs à sable aux crimes génocidaires, est l’excès d’orgueil. L’ego est ce qui tue la politique.

Extrait du livre de Quentin Hoster, « David Lisnard Le réveil de la droite », publié aux éditions Télémaque

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