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Bugs à gogo dans la domotique : mais pourquoi la maison "intelligente" qu’on nous promet depuis des années est-elle encore aussi stupide ?
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Bonnet d'âne

La maison intelligente, capable de répondre à nos moindres faits et gestes, semble encore loin d'être au point. De nombreux déboires mettent en évidence les difficultés liées à la création d'un environnement intelligent à la fois fonctionnel et sûr. Cependant, la domotique ne cesse de faire des progrès et on peut espérer une maison connectée dans un futur proche.

François-Xavier Jeuland

François-Xavier Jeuland

François-Xavier Jeuland est président de l’Observatoire de l'Immobilier Connecté et Responsable, ingénieur-conseil spécialisé en domotique et multimédia et auteur de plusieurs livres de référence dans le domaine dont la Maison Communicante – Réussir son installation domotique et multimédia (4e édition – Eyrolles).

Il est l'auteur de La maison communicante. Réussir son installation domotique et multimédia aux éditions Eyrolles.

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Atlantico : Quelles sont les difficultés que l'on rencontre encore dans le développement de ce qu'on appelle la maison "intelligente" ou "connectée" ?

François-Xavier Jeuland : Je pense que l’on en demande trop aux objets connectés. On s’imagine qu’en multipliant la possession de ce genre d’objets dans notre domicile, on aura nécessairement un logement plus intelligent, plus pratique, plus sûr ou plus confortable. Alors certes, un objet seul peut être “intelligent” mais c’est l’intelligence collective qui a un intérêt. Et aujourd’hui, un produit disposant de ce genre de technologie n’existe pas, ou alors en très peu de quantité. On peut prendre l’exemple d’une télécommande : si on en possède une pour chaque objet de la maison, cela devient très vite l’enfer pour s’y retrouver. Et donc, l’espoir en une maison connectée se dégonfle très vite.

Il y a deux types d’utilisateurs. L’utilisateur lucide dans ses choix et dans ce qu’il attend de cette technologie et l’humain professionnel que j’essaye de défendre, car j’estime que tant qu’on n’est pas dans une technologie Plug And Play, avec une mise en réseau en terme d’intelligence, c’est ce dernier qui sera capable d’analyser les besoins, de conseiller l’utilisateur et de l’orienter vers des solutions réellement éprouvées et de lui donner satisfaction.

Le concept de la maison connectée semble aujourd’hui quelque chose d’utopique. Mais le maître mot c’est “conception”. C’est-à-dire qu’il faut éviter de foncer tête baissée dans la construction d’une maison, connectée ou non, sans prendre en compte des éléments essentiels : la taille de celle-ci, les types de pièces, l’environnement, l’orientation par exemple. Le principe de la conception, c’est de réfléchir à la question, de passer du temps dessus, de comprendre les tenants et les aboutissants et de prendre les bonnes décisions. Ou comme je le conseille, de demander à un professionnel, qui va passer ce temps à écouter et prendre en compte les besoins et les attentes de l’utilisateur. Individuellement, ce n’est pas possible pour un individu lambda.

Il faut aussi prendre en compte le fait que la technologie de ces objets, de ces maisons connectés a besoin d’être mise à jour et d’évoluer avec le temps. Comprendre ces enjeux, c’est la condition de succès pour une maison connectée.

Avait-on sous-estimé certains problèmes techniques ou autres obstacles à la réalisation d'une telle maison intelligente ? Lesquels et pourquoi ?

Il y a plusieurs écueils, celui de l’énergie en particulier. La domotique basée sur les objets connectés est majoritairement sans fil. Cela implique beaucoup de problèmes de consommation, de portée, d’appairage. C’est pareil pour l’autonomie des appareils, par exemple s'il faut changer une pile tous les trois mois, cela devient vite insupportable. Il y a aussi des freins psychologiques, en rapport à la sécurité. On se doit de rassurer les gens. Un objet ou une maison connecté installé dans les règles de l’art est sécurisé, autonome et garantit que l’utilisateur gardera le contrôle de ses données.

Après, on a sous-estimé la capacité de ces objets connectés à réellement dialoguer entre eux et à apporter de réels bénéfices globaux de façon intrinsèque. Mais globalement, je rejoins l’article dans la mesure où le taux de satisfaction des gens est faible. C’est quelque chose sur lequel il faut travailler car l’attente est énorme. Et la question ne se situe pas de savoir si la maison connectée a un avenir, mais de savoir quand, dans quelle condition et avec qui.

A l’heure actuelle, elle est encore à sa version “beta”. Tous les acteurs de ce projet, du chercheur au vendeur, constatent que c’est loin d’être simple de le lancer et surtout de le créer. C’est une convergence de “Law”, de fonctions, d’équipements et d’historiques. La domotique nécessite un effort collaboratif et s’adapte à ce qui existe déjà et dont il n’est pas question de changer, contrairement à l’informatique qui efface et réinvente sans cesse. Les solutions pour pallier aux soucis propres à cette technologie se trouveront dans le dématérialisé, autrement dit dans le “Cloud” et dans des modèles économiques bon marché qui inciteront l’utilisateur ou le fournisseur à se lancer, à commencer petit, à rajouter des fonctions. Tout est à mettre en œuvre.

Quelles sont les raisons qui pourraient dissuader "monsieur tout-le-monde" de s'intéresser à ce genre de maisons ? Ces inquiétudes sont-elles justifiées ? Et à l'inverse, qu'est-ce qui pourrait pousser les gens à s'intéresser à une maison "connectée" ?

Tout d'abord, je ne suis pas convaincu que le non-respect de la vie privée joue un risque parce que globalement, le bénéfice à tirer de la domotique est conséquent au niveau pratique et qu’on a trouvé des outils pour s’en prémunir, comme pour l’utilisation de la carte bleue ou des achats sur internet. L’infinité des maisons connectées seront sécurisées.

Cependant, je pense que l’accumulation des objets connectés est un vrai risque car cela alimente le côté gadget de la domotique, alors que celle-ci peut s’avérer très utile pour aider les seniors, les personnes handicapées, pour consommer moins et apporter un confort. Les autres raisons pouvant dissuader sont la maintenance et la pérennité de ces objets connectés. Il faut accepter le fait que ces appareils nécessitent du suivi, des mises à jour, de la remise à niveau et la dépendance d’un assistant numérique, un professionnel, un beau-frère etc... capable de réaliser ces activités pour nous. Au niveau de la Fédération, nous avons tenté de référencer tous les professionnels possédant ce genre de compétences car pour que ce projet réussisse, il faut amener de l’humain.

Mais on peut imaginer que cet assistant numérique deviendra virtuel dans quelques années, à travers Siri ou les HUB que l’on voit fleurir petit à petit.

A l’inverse, ce projet promet de nombreux avantages :

- Une économie d’énergie,
- de la sérénité
- garder le lien et veiller au bien-être d’une personne âgée,
- rendre nos logements beaucoup plus confortables et interactifs car un bon système domotique simplifie grandement l’utilisation d’une maison.

La domotique doit être capable de simplifier la vie, à travers des scénarios, d’une vraie intelligence artificielle qui nous évitera d’avoir à “piloter” nos objets. Le thermostat intelligent de la société Nest, malgré le fait qu’il soit imparfait, a néanmoins tracé une voie, celle d’observer, d’apprendre des habitudes des gens, d’avoir des profils et des prédictions, et surtout d’anticiper les besoins.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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