Budget 2015 : Sapin progresse dans son diagnostic mais s'enferme dans ses solutions<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel Sapin.
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Errements

Si le non-respect des engagements budgétaires annoncé hier par Michel Sapin est une mauvaise nouvelle, l’analyse faite par le ministre des Finances est nouvelle. En intégrant plus sérieusement les chiffres de l’’inflation dans ses calculs, Michel Sapin s’approche d’un diagnostic monétaire de la crise européenne mais se trompe de solution en acceptant toujours plus de déficits.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Sans surprise. Dans un entretien publié le 2 septembre par l’Agence France Presse, le ministre des finances Michel Sapin déclarait que les économies prévues au titre du budget 2015 seraient remises en cause. Pour quelle raison ? Une inflation trop faible par rapport aux précédentes anticipations, ce qui ne permettrait pas de tenir les engagements du pays.

C’est ainsi que le fameux plan d’économies de 50 milliards d’euro vole en éclat. Les 21 milliards envisagés au titre de l’exercice 2015 ne seront pas tenus. Le ministre prend alors un exemple afin de justifier sa position : "L'année prochaine, par exemple, là où sur une hypothèse d'inflation de 1,5 % on faisait au-delà de 1 milliard d'économies par le seul gel de prestations, aujourd'hui ces économies sont remises en cause."

Factuellement, il est difficile de donner tort au ministre. Une baisse de l’inflation par rapport aux anticipations a en effet pour conséquence de réduire la marge de manœuvre nécessaire à la baisse des dépenses. Deux points peuvent être retenus. D’une part la logique de Michel Sapin peut être perçue comme une source d’espoir sur le diagnostic de crise. D’autre part, en acceptant de recourir aux déficits, le ministre se trompe de solution.

Ainsi, et en premier lieu, le côté positif. Une phrase retient l’attention : "Jusqu'ici, l'habitude était de raisonner en fonction de la croissance. Les textes prévoient une flexibilité en cas de récession ou de croissance durablement très faible, mais là, on découvre un autre sujet qui finit par être aussi bouleversant pour les budgets que la faible croissance, c'est la faible inflation."

Si le gouvernement prenait enfin compte de l’inflation dans son raisonnement global, ce qui revient à se chausser de lunettes 3D pour regarder l’économie du pays, il verrait apparaître la réalité d’un gigantesque problème de "demande" aussi bien France que dans la zone euro. Car cette notion de "demande" ne représente rien d’autre que la somme de la croissance et de l’inflation. 0% de croissance et 0.3% d’inflation nous donne une demande de 0.3%. Une misère lorsque l’on sait qu’historiquement, la "demande" en France a été stable de 1997 à 2008 à 4%. Un seuil de 4% qui avait notamment permis d’abaisser le taux de chômage, au printemps 2008, à un niveau proche de 7%. Cette notion de "demande" a un synonyme : le PIB nominal. C’est-à-dire le PIB non encore ajusté des chiffres de l’inflation, une sorte de mesure brute, primaire de l’économie. Pourquoi ce chiffre est-il si important ? Parce que l’évolution du PIB nominal dépend totalement de la politique menée par l’autorité monétaire, la BCE. En faisant un tel constat, établir le diagnostic européen devient d’une simplicité biblique : la politique menée par la BCE est trop restrictive.

Puis, en second lieu, les déficits. En acceptant, ou en menaçant le reste de l’Europe de ne pas respecter les engagements budgétaires du pays pour l’année 2015, Michel Sapin se trompe de cible. Car aggraver les déficits revient à pénaliser le pays, alors même que la responsabilité du marasme revient à la BCE.

Cette analyse peut se justifier facilement. Lorsque les membres de la zone euro se sont mis d’accord sur le pacte de stabilité, c’est-à-dire sur le respect d’un déficit budgétaire annuel de 3% et une dette maximale de 60%, celui-ci se justifiait sur une certaine logique mathématique. En effet, même si un état affiche un déficit budgétaire de 3% pour une année, il reste possible de maintenir un  endettement stable à 60%. Cette possibilité est offerte si la croissance nominale (croissance + inflation) atteint 5%. En prenant l’exemple d’un PIB égal à 100, il suffit de calculer un déficit de 3%, c’est-à-dire 3. Puis de calculer la nouvelle valeur du PIB en prenant en compte une croissance nominale (croissance + inflation) de 5% : 5% de croissance pour un PIB de 100, revient à 5. Le résultat est le suivant : En année 1, le PIB valait 100, et l’endettement était de 60 (dans l’hypothèse où le pays est endetté à hauteur de 60%, comme cela est "permis dans les traités"). En année 2, le PIB vaut donc 105, et la dette est alourdit de 3, et vaut alors au total 63. Et un endettement de 63 sur 105 est égal à 60%. La stabilité est maintenue. C’est magique. Et c’est l’esprit du traité. Sauf que la croissance nominale n’est pas égale à 5%, elle est de 0.3%. C’est donc bien l’action de la BCE qui rend impossible tout ajustement budgétaire, car celle-ci ne remplit pas son rôle.

Dans de telles circonstances, Michel Sapin ne doit pas se résoudre à empiler les déficits mais attaquer le problème à la source en pointant la responsabilité massive de la BCE dans cette situation. Le monde réel est nominal, il est véritablement temps que les dirigeants européens s’en rendent compte. Le coupable apparaitra tout seul.

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