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Bolos et Swag : dictionnaire des principales insultes et expressions de banlieue
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T'as un 06 ?

Anglicismes, argot, apport culturel des Français d'origine étrangère : la langue française est bien vivante et ne cesse d'évoluer avec chaque nouvelle génération. Tour d'horizon des mots du moments, de leurs origines et de leur sens.

Abdelkarim Tengour

Abdelkarim Tengour

Diplômé d'un DESS de génie industriel, Abdelkarim Tengour a créé en 2000 le site participatif "Dictionnaire de la zone"à partir duquel il a créé son livre "Tout l'argot des banlieues. Le dictionnaire de la zone en 2600 définitions".

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Atlantico : Abdelkarim Tengour, en tant qu’auteur du « dictionnaire de la zone » créé de manière participative via son site (voir ici), quels sont les cinq mots « nouveaux » qui soient caractéristiques de la jeune génération ? Par quel procédé se sont-ils construits ou sont-ils apparus ?

Abdelkarim Tengour : Petite précision, il est important de faire la distinction entre le langage des banlieues ou des cités et le langage des jeunes aussi appelés djeunz. Le premier est souvent perçu de manière négative car comme l’argot à l’origine, il est lié au milieu de la délinquance, c’est aussi pour cette raison qu’il est difficilement accessible car fortement crypté. C’est seulement quand un terme issu des banlieues se popularise en pénétrant les différentes couches de la société qu’il s’inscrit dans le registre du langage des jeunes, voire aussi parfois dans le registre du langage familier. Pour illustrer mes propos, des films comme « La Haine » ou bien « Ma 6T va cra-ker » utilisent des dialogues inspirés de jeunes de cité et une série télévisée comme « Soda » utilise des dialogues inspirés du langage des djeunz.

Voici 5 mots apparus selon mes sources à partir des années 2000 :

Bader : S'inquiéter, stresser, angoisser. Mot provenant de l’anglais bad (mauvais) et qui est directement issu du mot anglais bad-trip utilisé dans le milieu toxicomane. Dans les années 1990, le terme employé était donc plutôt bad-tripper (même sens que bader).

Bolos : Popularisé dans les années 2003-2004, il semble que ce mot soit d’origine plus ancienne (peut-être fin des années 1990). Son étymologie demeure jusqu’à ce jour inconnue. Ce terme avait pour sens d’origine « le client du dealer » (il est donc apparu dans le milieu des trafiquants de drogue), puis il est devenu synonyme de « victime potentiel de racket » (c’est d’abord avec ce sens que le terme se répand, voir l’article de Luc Bronner dans le Monde, Manifestations de lycéens : le spectre des violences anti-Blancs, 15/03/05 dont je fais référence pour le terme « bolosser »), pour finir par prendre son sens actuel « personne sans intérêt qui n’est pas prise au sérieux », soit l’équivalent de bouffon.

Avoir le seum : Avoir de la rancœur, du dégoût. Provenant de l’arabe « seum » venin. Cette expression a supplanté l’expression « avoir la haine » qui datait des années 1980. Elle est directement issue de l’immigration maghrébine. Au Maghreb, on parle de seum quand une personne dit des méchancetés. Le seum désigne aussi du haschisch de bonne qualité.

Swag : Style vestimentaire, style. Mot récent issu de l’argot américain véhiculé d’abord par les rappeurs américains puis par les rappeurs français. Il est un peu l’équivalent du mot look dans les années 1980. Il est à la fois un nom pour désigner le style mais aussi un adjectif pour désigner une personne qui a du style, on peut aussi employé l’adjectif swagué.

Wesh : Terme signifiant à la fois « comment ça va ? » et « qu’est-ce qui se passe ? ». Issu de l’arabe maghrébin sous forme d’interjection qui signifie « eh quoi ! ». Ce terme d’abord utilisé par les jeunes issus de l’immigration maghrébine s’est répandu chez les jeunes de banlieues et ceux d’ailleurs. Le terme étant assez typé, il a par la suite était utilisé de manière péjorative pour désigner les jeunes qui parlent le langage des cités (un wesh-wesh), l’équivalent de zyva pour désigner ces mêmes jeunes dans les années 1980-90.

Les mots se régénèrent et se ringardisent extrêmement vite d’une génération à l’autre. Comment expliquer cette vitesse de mutation ? Pourquoi au contraire certains mots survivent-ils au temps ?

La fonction initiale de l’argot est une fonction cryptique. Le but est de communiquer et de n’être compris que par les membres d’un même clan. Les moyens de communications actuels permettent une diffusion de plus en plus rapide du langage. Quand un mot argotique est employé et se répand il finit par être décodé et perd sa fonction cryptique initiale. Il est alors le plus souvent remplacé par un nouveau mot qui tient lieu de synonyme. Par exemple : le mot beur pour désigner une jeune magrébin issu de l’immigration issu du verlan de arabe, a été remplacé par rebeu, puis rabza.

Parfois les mots changent de sens quand ils se popularisent, c’est le cas notamment de bolos (voir plus haut).

Les mots que je considère comme nouveau ont souvent déjà quelques années d’existence c’est aussi une des raisons pour laquelle il est très difficile de donner le lieu d’origine exact d’apparition d’un mot.

Par ailleurs, les mots s’usent. Ce qui n’est pas propre au langage argotique mais comme celui-ci est sans cesse renouveler par les jeunes générations, il est en perpétuel mutation et se démode très vite. En revanche, les mots qui ont réussit à passer dans le langage familier peuvent durer des siècles. Un mot comme nana a déjà plus d’un siècle, le mot meuf plus de 30 ans et semble s’inscrire dans la durée. En revanche, il est rare d’entendre un jeune parlé de gonzesse, bien que le mot n’ait pas disparu du langage populaire.

Influence anglo-saxonne, cultures des populations d’origine immigrée, télévision : quels sont aujourd’hui les principales influences culturelles qui font les mots nouveaux ?

Dans mon livre, j’ai mis en évidence que la plus grande source d’apport de mots étrangers dans le langage argotique français était d’origine anglo-saxonne. Cet apport ne date pas d’aujourd’hui et c’est la raison pour laquelle il n’a pas été encore supplanté par les apports issu de langues africaines et nord-africaines. Parmi les mots familiers issus de l’anglais on trouve bon nombre d’anglicismes comme bader, tripper, squatter etc., des mots issus de l’argot américain shit, shoot, trash etc. ou encore des mots nouveaux véhiculés par les rappeurs comme swag, izi, kicker

Dans les vingt dernières années, l’apport de mots nouveaux issus de l’arabe maghrébin s’est semble-t-il accéléré, avec des mots comme zéref, seum, wesh mais ces dernières années, on a vu apparaitre des mots issus de l’argot ivoirien aussi appelé nouchi, des mots comme ambiancer, djèse, dra, enjailler, tchoin… qui même s’ils sont courants, notamment dans le rap français, ne sont pas encore passés dans le langage familier.

En résumé, le rap français semble aujourd’hui le principal vecteur du langage des banlieues et celui des jeunes.

Ces mots populaires apparaissent-ils dans la population pour remonter vers les célébrités, rappeurs et autres ou au contraire se répandent-ils dans l’autre sens ?

Je dirais que le sens de transmission part de la base (les milieux populaires) pour ensuite remonter via les médias, le rap, la télévision, les films… En revanche, il y a une perméabilité entre le langage de banlieue passé dans celui des jeunes vers les jeunes des classes supérieures notamment ceux qui veulent jouer les « bad-boys » (cf. « Neuilly sa mère ! » de Gabriel Julien-Laferrière).

Il est à noter que certains mots du langage argotique sont passés dans le français académique, c’est notamment le cas des mots cambrioler ou patibulaire.

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