Bitcoin : chronique d’une mise à mort <!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photographie prise le 17 décembre 2020 montre une imitation physique d'un Bitcoin dans un magasin de crypto-monnaie à Istanbul.
Cette photographie prise le 17 décembre 2020 montre une imitation physique d'un Bitcoin dans un magasin de crypto-monnaie à Istanbul.
©Ozan KOSE / AFP

Cryptomonnaie

Le Bitcoin a ouvert la voie aux vraies monnaies numériques, que les grands Etats vont emprunter et devront apprendre à gérer, seuls. Le Bitcoin inquiète donc aujourd’hui et surtout fait de l’ombre.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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1 - Bitcoin (BTC, XBT): une vie mouvementée. Il ne valait rien en 2005, puis 0,001$ en 2009, 0,003$ en 2010,1$ en 2011, puis 1 once d’or en 2013 (1 250$ alors), 10 000 $ l’an dernier, 38 000 début janvier, 75 000 à son plus haut (actuel), mi-avril, puis 33 000 début juin, avant de remonter à 38 000 actuellement.

2 – La police des banques est alertée. Dans ces conditions, la BRI (Banque des Règlements Internationaux, à Bâle, la Banque des banques), vient de faire des « propositions prudentielles » aux banques, qu’elles ont tout intérêt à suivre. « Bien que les expositions des banques aux cryptoactifs soient actuellement limitées, la croissance et l'innovation continues des cryptoactifs et des services connexes, associées à l'intérêt accru de certaines banques, pourraient accroître les préoccupations en matière de stabilité financière mondiale et les risques pour le système bancaire en l'absence d'un traitement prudentiel spécifique ».

Pour être bien claire, la BRI distingue entre les cryptoactifs qui sont contrepartie d’un actif connu, par exemple une monnaie, alors ils seront traités comme elle, et « les autres cryptoactifs, dont le bitcoin, (qui) nécessitent une approche prudentielle plus stricte ». Stricte est le mot : la BRI propose en effet que les banques mettent un dollar en réserve pour chaque dollar de bitcoin qu'elles possèdent ! Autant dire qu’elles n’en garderont plus, tant ceci sera coûteux pour elles, outre le message envoyé : le bitcoin peut valoir zéro !

Si cette règle passe, le Bitcoin vivra sans doute ses derniers jours, serré de plus en plus par les polices (traditionnelles) qui s’inquiètent de certains de ses utilisateurs (bandits, gangs, rançonneurs et autres maffias), plus celles des banquiers centraux et autres régulateurs qui se préoccupent de ses aspects déstabilisants (sur des banques, des monnaies, des pays). Le tout sans oublier son appétit électrique croissant, au grand dam des écologistes. Et pourtant, le Bitcoin a quand même ouvert la voie informatique à la monnaie, sous des façons au début secrètes, ce qui a aussi permis à des particuliers de s’abriter de l’hyperinflation ou de régimes autoritaires, Venezuela et peut-être Chine ! De fait, l’histoire du Bitcoin est mouvementée et contrastée.

3 - Bitcoin : un nom à moitié faux. Bit : nous sommes dans l’informatique, à savoir « l'unité la plus simple dans un système de numération, ne pouvant prendre que deux valeurs… 0 ou 1 » (Wikipédia). Vrai. Coin, pour monnaie, ce qui permet normalement de compter, échanger et garder une certaine valeur. Faux, car personne ne « compte » en Bitcoin, ne paye avec (sauf circonstances très… particulières) et le garder est un périlleux exercice, compte tenu de son extrême volatilité.

4 - Père : douteux. On parle de Satoshi Nakamoto, Japonais de 40 ans, à sa naissance, mais sans qu’aucune trace de son identité n’ait pu être trouvée, sachant que plusieurs personnes en revendiquent la responsabilité.

5 - Mode de fabrication : obscur et énergivore. Le bitcoin naît du « travail » d’ordinateurs, selon des protocoles de plus en plus complexes. On nomme « mineurs » ses créateurs, qui ajoutent leurs fabrications dans des chaînes cryptées supposées inviolables (blockchain). Il faut ainsi de plus en plus d’électricité pour en produire : on parle du sud de l’Italie, de la Chine ou encore de la Corée du nord. No comment.

6 – Une histoire pleine de vols et pire. Dernier « fait » en date : 75 Bitcoins,c’est ce qu’aurait versé Colonial Pipeline à ses hackers(hackeur… en français). Ils avaient bloqué ses systèmes informatiques, ce qui avait contraint la société à fermer son pipeline, le plus important des États-Unis. D’où des queues aux stations d’essence, des hausses de prix à la pompe et des tensions sur le marché mondial du pétrole. Depuis, on nous dit que la rançon serait partie vers la Russie ou l’Est, ou aurait été saisie. Saisie ? Est-ce à dire que les services américains auraient craqué un code, trouvé une astuce ? Motus pour l’heure.

7 – Un intérêt, malgré tout, croissant ! Le Bitcoin est en effet le point de référence de tout un ensemble de ces nouveaux actifs, quand bien même on répète qu’ils ne reposent sur rien. Lui et les siens montent parce qu’ils sont achetés plus qu’ils ne sont vendus, bien sûr, étant entendu qu’ils ne sont achetés que pour être vendus ! Nous sommes là dans un marché purement spéculatif où la « valeur » est le prix du moment, avec l’idée permanente que ce prix va monter ou retrouver son précédent sommet, pour le dépasser bien sûr, en fonction des bruits et des rumeurs. Elon Musk en achète, puis le dit, le Bitcoin monte (hasard), puis il dit qu’il le vend… puisqu’il s’est rendu compte qu’il n’est pas écologique (!), et le prix du Bitcoin s’effondre (hasard ?) ! Ce goût spéculatif a même toute chance de s’étendre. Ainsi, au Royaume-Uni, selon la FCA (Financial Conduct Authority), 2,3 millions d’adultes en possèdent, 400 000 de plus sur un an, dont certains s’endettent pour en acheter ! Alors la FCA prévient qu’en achetant ces actifs, le spéculateur peut tout perdre si l’achat se fait à partir d’argent qu’il possède, mais pas s’il s’endette, car alors son actif net devient négatif !

8 – LesÉtats se rebiffent. Le Bitcoin est reconnu comme monnaie officielle dans le seul Salvador, à ses risques et périls lui dit le FMI. Partout ailleurs, il est de plus en plus encadré, voire interdit. Interdit : en Bolivie, au Maroc, en Algérie, en Égypte, au Népal et au Bangladesh, limité puis interdit en Chine et en Turquie. Encadré en France, avec une liste de prestataires de services agréés, liste qui se met en place au Royaume-Uni. Partout, le Bitcoin est  suivi de plus près. Quand il est interdit, c’est officiellement pour des raisons écologiques et prudentielles, plus pour permettre aux pays qui préparent le développement de leur propre monnaie numérique de le faire tranquilles, sans compter son côté « crypto ». Il peut gêner, notamment dans un pays qui cherche à tout savoir (la Chine ?). Quant à la Turquie, elle a décidé d'interdire les paiements en bitcoin en avril, des habitants allant (secrètement) vers le Bitcoin, devant la baisse de la livre turque.

9 – Le Bitcoin a ouvert, en fait, la voie aux vraies monnaies numériques, que les grands Etats vont emprunter et devront apprendre à gérer, seuls, sans lui à côté. Le Bitcoin inquiète donc aujourd’hui, pollue et surtout fait de l’ombre. Ses jours sont comptés.

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