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Bienvenue dans le capitalisme 3.0 : la revanche du consommateur
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Bonnes feuilles

Sommes-nous à l’aube d’un hyper capitalisme marchand où tout sera à vendre ? Ou inversement la société va-t-elle se convertir à l’échange et au partage ? Enfer ou paradis ? Un voyage au cœur du nouveau monde qui nous attend. Extrait de "Bienvenue dans le capitalisme 3.0", de Philippe Escande et Sandrine Cassini, publié aux éditions Albin Michel (1/2).

Sandrine  Cassini

Sandrine Cassini

Sandrine Cassini est journaliste aux Echos, spécialisée dans les technologies et les médias.

 

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Philippe Escande

Philippe Escande

Philippe Escande dirige le supplément économique du Monde. Il a déjà publié Les pirates du capitalisme (avec Solveig Godeluck, Albin Michel, 2008).

 

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Pourquoi ces sites gagnent-ils le cœur des consommateurs, alors que la plupart ne sont même pas pionniers dans leur domaine ? Blablacar n’a pas inventé le covoiturage et Uber n’est pas la première application de transport en ligne. Les taxis ne se lassent d’ailleurs pas de rappeler la chronologie de l’histoire. Depuis longtemps présent sur le Web, G7 dispose de son application mobile. Même chose chez les Taxis Bleus. « On a une appli depuis 2009. Tout le monde est à égalité au niveau technologique », veut croire son P-DG Yann Ricordel. Pour les taxis, l’engouement des clients n’est qu’un effet de mode, à mettre sur le compte des énormes dépenses marketing consenties par des géants aux poches pleines. « Uber n’a pas inventé l’eau chaude. Ils jouent sur la localisation, mais la mise en connexion du client et du chauffeur, ça existe depuis 2007. Deux tiers de la flotte parisienne est connectée », s’emporte Yassine Kerkour, artisan taxi.

>>>>>>>>>>>> A lire également : Bienvenue dans le capitalisme 3.0 : le travail éclaté

Mais les plates-formes ont décollé avant de dépenser le moindre centime dans des campagnes télé, se contentant d’un efficace bouche à oreille. A l’origine de leur succès : une prouesse technologique invisible, qui rend la plate-forme terriblement efficace et conviviale. Et comme souvent dans ce domaine, les Américains, as du logiciel et du marketing, sont les meilleurs à ce petit jeu.

Ce phénomène de concentration sur un tout petit nombre d’acteurs porte un nom : « winner takes all », ou en français, « le gagnant prend tout ». Dans la technologie, la règle est immuable. Un site (service ou produit) élimine peu à peu tous les autres. Et plus les utilisateurs affluent, plus le service s’améliore en analysant le comportement des usagers, et donc creuse l’écart sur ses concurrents. Exactement comme Google améliore sa capacité de recherche par l’accumulation des requêtes. Un cercle vertueux s’installe au profit du leader.

Face aux rouleaux compresseurs Uber ou Airbnb, G7 et Accor ont raison d’avoir peur. D’autant que les plates-formes de mise en relation pénètrent peu à peu l’ensemble des biens et des services. Car l’internaute aime partager et perd peu à peu son instinct de propriétaire. Retour de bâton d’une société de consommation poussée à outrance, il préfère emprunter ou louer. Dans la musique, il s’abonne sur Spotify à un accès illimité, mais ne possède plus de disque. Sur Zilok, il loue toutes sortes de biens (matériel de jardinage, de bricolage, de couture…). Il fuit aussi les circuits traditionnels en louant les compétences de ses pairs en matière de bricolage, de maçonnerie, de coiffure ou de comptabilité. Vive YoupiJob, petitsjobs.fr, iFastAsk ou Frizbiz. Il se détourne de la grande distribution en allant directement chez les producteurs, grâce à la Ruche qui dit oui. Et contourne les restaurants en dînant chez l’habitant, via Cookening.fr ou VoulezVousDîner.

Après avoir passé plusieurs décennies sous le joug du marketing de masse, obéissant au diktat des marques sans avoir son mot à dire, le consommateur reprend enfin le pouvoir, et change les règles du jeu. Il a trouvé dans le numérique et l’économie du partage des alternatives face aux industriels, obligés de s’aligner ou de disparaître. Un rééquilibrage des forces qui ne manque pas de déstabiliser des mastodontes aussi gros que la SNCF, G7, Hertz ou les hôtels Accor.

Mais au fond de lui, le consommateur du XXIe siècle n’est pas dupe. Il sait que derrière les bons sentiments affichés par Google, Apple, Facebook ou Amazon (les fameux Gafa), des fortunes colossales sont en train de se constituer tandis que le pouvoir change de mains. Sous la pression d’une révolution technologique et de son adoption massive par la population, un nouveau capitalisme s’installe. Les sympathiques pirates des années quatre-vingt-dix sont les conquérants d’un nouveau monde qui s’impose progressivement sous nos yeux. Il n’est pas dupe car il sait que ce qu’il gagne d’un côté, il risque de le perdre sitôt poussée la porte de l’entreprise dans laquelle il travaille. Car si le capitalisme 3.0 supprime des métiers et fait le bonheur de ses utilisateurs, il modifie aussi de fond en comble la relation au travail. Encore une invention du XIXe siècle qui vacille sur ses bases…

Extrait de "Bienvenue dans le capitalisme 3.0", de Philippe Escande et Sandrine Cassini, publié aux éditions Albin Michel, 2015.  Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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