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Bien que “l’état d'urgence soit devenu aujourd'hui le lot de tous”, les Juifs de France sont face au grand désarroi
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Commémorations

La France commémore ce samedi les attentats de janvier, dont celui contre l'hyper casher où des juifs ont été tués parce qu'ils étaient juifs sur le sol français.

Salomon Malka

Salomon Malka

Salomon Malka, a longtemps été directeur de RCJ (Radio de la Communauté Juive) avant de diriger la revue L'Arche. Il a publié de nombreux ouvrages, dont chez Albin Michel Levinas, la vie et la trace(2005), et Jésus rendu aux siens (repris en poche 2012).

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Quelle est l'importance de ces commémorations  ?

La France a été endeuillée toute entière lors des attentats de janvier dernier, et le Crif a appelé à un rassemblement unitaire ce samedi soir devant l'hypercacher de la porte de Vincennes en hommage aux victimes des 7-8 et 9 janvier 2015, aux I7 victimes de ces tueries. Les responsables des institutions juives se sont d'ailleus rendus mercredi aux cérémonies qui ont eu lieu devant Charlie. J'ai gardé le souvenir pour ma part d'une soirée bouleversante qui s'était tenue à la synagogue de la victoire, le soir du 11 janvier. Beaucoup de larmes et d'émotion quand les I7 bougies ont été allumées en mémoire des victimes toutes confondues, journalistes, policiers, otages juifs. Avec cette dernière bougie allumée par deux femmes, une juive et une musulmane, Eva Sandler et Latifa Ibn Ziaten,unies dans l'affliction ( mères toutes deux de victimes de l'attentat de Toulouse en 2012). Aujourd'hui, chacun en a conscience, nul n'est plus désormais à l'abri.

Qu'en est-il un an plus tard après les attentats du 13 novembre ?

Nous avons signé, avec mon frère Victor, un livre qui s'intitule "Le grand désarroi" et qui est une enquête d'un an qui part des attentats de janvier et se termine par l'attentat du 13 novembre. Ce que nous avons perçu, c'est que si nous sommes partis d'un trouble qui était propre au judaïsme, ce malaise au fur et à mesure de notre enquête s'est étendu à la société tout entière.  Les juifs ne sont plus ciblés seuls, ils sont parfois ciblés seuls et parfois avec d'autres. Ca ne diminue pas pour autant l'ampleur du désarroi. Il y a un terrorisme qui tue dans les rues de Paris et qui ne fait pas de quartiers. A-t-on pris la mesure du phénomène? Accepte-t-on de nommer les choses et de dire la réalité de ce qui se passe sans lui substituer immédiatement un discours sur cette réalité? Pas partout, pas à tous les échelons, mais les choses évoluent.

Lors de l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic Raymond barre, alors Premier ministre, avait distinguer les Israélites qui se rendaient prier des Français innocents qui traversaient la rue. Pensez-vous que les attentas contre l’hyper-casher renvoient également les citoyens juifs à leur confession?

Certains se redécouvrent juifs bien entendu, ou sont renvoyés à leur confession. Les mesures de sécurité autour des lieux juifs - qui existaient avant le I3 novembre - accroissent bien entendu ce sentiment que la vie juive doit se pratiquer aujourd'hui à l'ombre de l'armée. Bien entendu, ces mesures sont necessaires, elles sont acceptées, elles rassurent d'une certaine manière. Et en même temps, cet homme à Nice, religieux, qui nous explique que ses enfants vont à l'école protégés par des militaires, revoient des militaires à la sortie de l'école et les retrouvent le samedi. "Ce n'est pas comme cela que j'ai grandi, et je ne souhaite pas cela pour mes enfants!" dit-il. On peut le comprendre, même si cet état d'urgence est devenu aujourd'hui le lot de tous.

Que pensez-vous du nombre croissant de juifs qui font leur "Alya" ? 

Ce que nous avons observé, c'est que le mal est profond. Il y a de grandes fractures, de grands bouleversements. Des gens qui partent en Israël, bien entendu, pas autant qu'on le dit, pas de partout mais ils partent. De Toulouse notamment, où le traumatisme a été très fort. Il y a des communautés qui se déplacent, qui bougent d'un quartier à l'autre, ou qui s'interrogent. D'autres qui ont subi des chocs mais qui ont décidé de se battre là où ils sont, pour consolider le vivre-ensemble.  A Nice par exemple, nous avons vu des associations ou des indidvidus qui s'engagent dans un travail de dé-radicalisation et de lutte contre l'antisémitisme.Il y a aussi ceux qui baissent les bras. On a toutes sortes de réactions. mais ce qui est sûr, c'est qu'on est sortis d'une sorte de plurailité heureuse. Il y a eu un sursaut le 11 Janvier, auquel beaucoup de gens ont cru. Une manifestation sublime. Las, on s'aperçoit aujourd'hui que tous les problèmes sont restés les mêmes: les fractures de l'école, la radicalisation des jeunes, la situation dans les prisons, la contagion salafiste, le développement de l'antisémitisme...A tous ces maux qui minent tous les jours le quotidien, on n'a pas apporté des réponses. On n'en a été que plus surpris de découvrir qu'une bonne partie des juifs français continue à croire dans la faculté de lutter contre ces maux, continue aussi à s'engager et à tenter de changer les choses. Nous avons rencontré un certain nombre de gens qui témoignent que le sursaut est encore possible. Il faut d'urgence, c'est un des constats de notre livre, une meilleure représentation de l'islam en France. C'est crucial. Nicolas Sarkozy avait tenté cela avec le CFCM, mais tout le monde convient, y compris les principaux intéressés, que ce fut un échec. Quant à l'Alya des juifs français en Israël, on la chiffre entre 6 et 7000 par an. C'est une Alya dont Natan Sharanski, le Président de l'Agence juive que nous avons rencontré, nous a dit qu'il n'en était pas peu fier, "parce que ces gens ont délibérément de partir" sous l'effet d'une libre décision, sans renier d'ailleurs leur citoyenneté ou leur culture. Pour l'heure,n il s'agit beaucoup de juifs religieux, qui ont de la facilité à s'adapter et à pratiquer la langue du pays. Cela ira-t-il au-delà? Personne ne peut le savoir.

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