Bercy trouve 3,6 milliards d’économies supplémentaires en un claquement de doigt et prouve qu’on peut faire dire tout et n’importe quoi au budget français<!-- --> | Atlantico.fr
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Michel Sapin.
Michel Sapin.
©Reuters

La petite cuisine du gouvernement

En réponse à la lettre émise par Bruxelles sur le projet de loi de finances pour 2015, le ministre du Travail a dû trouver 3,5 milliards d’économies supplémentaires, et y est arrivé à une vitesse fulgurante. On peut alors s'interroger sur les différents leviers comptables qui permettent de modifier - à sa convenance - le contenu d'un budget.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Les autorités de Bruxelles ont tranché et comme l'avait dit un jour le syndicaliste Henri Krasucki : " Le compte n'y est pas ! ". Dès lors, le ministre Sapin a été contraint de modifier – plus qu'à la marge – le projet de loi de finances pour 2015 de plus de 3,5 milliards.

D'instinct, on serait tenté de dire " ouf ! " mais à la réflexion, plusieurs questions se posent.

Tout d'abord, s'il était si simple de rectifier de 3,6 milliards, pourquoi ne pas l'avoir fait avant ? Et ainsi éviter de rompre un certain rouage du pacte républicain avec la mise sous conditions de ressources des allocations familiales pour un montant de 0,7 milliard donc 5 fois moins que l'apparition surprise des 3,6 milliards précités.

Puis, ce budget demeure un condensé d'illusions car le taux de croissance retenu de 1% pour 2015 (malgré les réserves du HCFP Haut conseil des finances publiques) s'inscrit sur un registre nommé désir et non sur un livre de comptes tenu, par exemple, par feu Raymond Barre.

Il convient de rappeler que le consensus des économistes de banque, de l'OCDE et du FMI envisagent une croissance du PIB en 2015 de 0,7%. Cette surestimation de la croissance inscrite dans le PLF (projet de loi de finances) est un penchant habituel de l'Etat. La gravité de la situation aurait pu (dû ?) générer plus de clarté (car l'Etat est totalement lucide) et moins de recours à des hypothèses virtuelles. Le résultat sera imparable : il y aura moins de rentrées fiscales que budgétées et ce point allié à la faiblesse de l'inflation (variable explicative déjà avancée par le ministre Michel Sapin) se comptera en milliards. Si l'on prend l'expérience du tassement (déjà connu l'an passé) des recettes fiscales, il pourrait s'agir d'un peu plus de dix milliards compte-tenu de la conjoncture aux relents déflationnistes.

Des allègements ont été annoncé (barême IRPP) et une recherche de contrôle de la ponction publique (exemple des fraudes en matière de collecte de TVA, lutte contre l'optimisation fiscale) va être renforcée. Hélas, ces mesures d'application au long cours ne donneront pas une dimension contra-cyclique à ce PLF et ne soutiendra pas la frêle valeur de la croissance.

L'Etat demeure inerte et se rallie au mot : " je diffère le faire ". Ainsi, il table sur le bas niveau des taux d'intérêt qui permet à l'Agence France Trésor d'être opportunément victorieuse dans sa lutte hebdomadaire pour la tenue de la charge de la dette : premier poste budgétaire avec plus de 45 milliards d'euros.

Or c'est précisément ce jeudi 30 octobre que la présidente de la FED, Madame Janet Yellen, doit annoncer la fin des programmes de rachats d'actifs (ce que les Bourses ont déjà négativement intégré) qui devrait entraîner selon des analystes (Mathilde Lemoine, Philippe Dessertine, Jean-Marc Daniel, etc) une remontée progressive des taux d'intérêt aux Etats-Unis avec impact différé sur les taux obligataires européens. En clair, la position de Monsieur Sapin revient à faire du trapèze sur une corde à linge car il est patent que d'ici 2015, notre charge de la dette va être supérieure à ce qu'annonce le PLF distribué aux parlementaires (qui va, au passage, devoir être redéfini). Un commissaire aux comptes brandirait la notion d'image fidèle et éventuellement de sincérité pour évaluer ce document budgétaire où les lignes malléables qui surgissent comme un orage de montagne sont assez surprenantes.

Je n'ose croire que " nous " sommes allés à Bruxelles tout en en " gardant sous le pied " : les matières budgétaires supposent une rectitude plus affirmée. Elles supposent aussi de se méfier de l'effet boomerang du recours pesant au " window-dressing ".

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