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Benghazi, Guernica arabe
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Zone franche

Quand les grandes puissances se montrent impuissantes, ça leur porte rarement bonheur.

Hugues Serraf

Hugues Serraf

Hugues Serraf est écrivain et journaliste. Son dernier roman : La vie, au fond, Intervalles, 2022

 

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Lorsqu’en 1936 les républicains espagnols ont demandé un coup de main aux « grandes puissances » ― essentiellement la France et la Grande-Bretagne ―, ces dernières ont expliqué qu’elles avaient malheureusement un emploi du temps chargé et que, entre faire les courses et préparer le diner, ça n’allait pas être facile...

Pas contrariants, les révolutionnaires ont répondu « ok, merci, on va se débrouiller autrement », puis sont retournés se faire trouer la panse par des troupes franquistes solidement épaulées par l’axe germano-italien.

En 2011, lorsque les rebelles libyens, stimulés par le formidable accueil des « printemps arabes » par les médias, les opinions publiques et les gouvernements occidentaux, ont décidé de se débarrasser de leur dictateur, ils ont fait le voyage de Paris et de Londres comme les Espagnols avant eux.

Et, toujours à l'instar des Espagnols, ils sont repartis comme ils étaient venus : avec les encouragements du jury.

Demain, lorsque Kadhafi aura repris le contrôle total du pays, ce qui passait pour inconcevable il y a encore quelques jours avec toutes ces odeurs de jasmin dans l’atmosphère mais semble désormais une certitude ; lorsque les membres du Conseil National Libyen de Transition seront, soit pendus, soit en exil, les rebelles potentiels du monde entier auront au moins appris qu’ils volent en solo.

Ils auront appris que le baratin lénifiant sur l’universalisme démocratique de ces dernières semaines sur RFI ou la BBC n’était que ça : du baratin.

Bon, à tout prendre, la France ne s’en tire pas si mal, dans cette histoire. Au moins au plan du panache. Et s’il en est une qui s’est démenée pour convaincre les uns et les autres de tenter quelque chose ―  n’importe quoi, des frappes ciblées, la mise en place d’une zone d’exclusion aérienne , c’est bien elle.

Bah, Blum aussi, en 36 voulait d’abord intervenir. Mais ses bonnes intentions initiales n’auront finalement pas beaucoup aidé les Espagnols à Guernica.

Ne pas intervenir, c'est aussi prendre un risque

Il faut se méfier des analogies et des comparaisons hâtives : le point Godwin vous tombe si facilement sur le coin de la figure. 2011 ce n'est pas 1936. La Libye, ce n'est pas l'Espagne à l'orée de la seconde guerre mondiale mais juste six millions d'habitants et quelques puits de pétrole en plein désert. Et Kadhafi n’est manifestement pas Franco : tiens, si son fils préféré prend un jour le relais, on pourrait même finir par le trouver fréquentable et laisser le business reprendre ses droits.

Le problème, c’est que personne ne peut dire, y compris parmi les rétifs, les pusillanimes et les pragmatiques, si un dictateur sanguinaire en Libye, c’est mieux ou pas qu’une démocratie pour la paix mondiale. Si se mêler des affaires des autres, c’est une bonne ou une mauvaise chose à long terme. Ce qu'on l'on sait, en revanche, c’est qu’à chaque fois que les grandes puissances ont fait le choix de l'impuissance, l’histoire leur a montré qu’elles avaient eu tort.

Aujourd'hui, les rebelles libyens sont les seuls à trinquer. Mais demain ? A éviter la guerre au prix du déshonneur, on se retrouve parfois avec les deux. Ah mais zut, me revoici dans l'analogie hâtive...

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