Ben Bernanke, celui qui savait parler à l’oreille des spéculateurs pour éviter les faillites <!-- --> | Atlantico.fr
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Ben Bernanke, un des trois nobélisés 2022 en économie.
Ben Bernanke, un des trois nobélisés 2022 en économie.
©Pedro UGARTE / AFP

ATLANTICO BUSINESS

La banque nationale de Suède a décerné le prix Nobel d’économie à Ben Bernanke, l’ancien banquier central américain qui était obsédé par les faillites et qui a sans doute donné aux gouvernement les outils pour éviter les catastrophes financières au pire de la crise des subprimes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Son grand regret, ne pas avoir su ou pu éviter la faillite de Lehman Brothers. Mais en revanche, il a sans doute permis d’éviter une panique systémique liée au Bankrun. Un seul pays dans le monde occidental, lIslande est tombée dans le bankrun lors de la grande crise financière de 2008/2009. Et si la crise a été gravissime, elle na pas été systémique et na pas débouché sur la tragédie que le monde avait traversée en 1929/30.   

La banque nationale de Suède, en liaison avec lacadémie Nobel, a donc attribué cette année, le prix Nobel d’économie à Ben Bernanke, lhomme qui savait parler à loreille des banquiers et des ministres de l’économie.

Il a aujourdhui 68 ans, il a été le patron de la Federal Reserve (Fed) entre 2006 et 2014, période marquée par la crise financière de 2008 et la chute de la banque américaine Lehman Brothers. Il a donc vu la tempête arriver et peut être, a-t-il été nommé là parce que l’élite financière américaine qui craignait le pire, avait glissé son nom au président Clinton qui le premier avait pensé à lui.

Ben Bernanke s’était fait connaitre dans les milieux universitaires et la communauté financière par ses études sur les mécanismes de la grande dépression des années 1930. La pire crise économique de lhistoire moderne. Pourquoi une telle tragédie ?  Parce que le système bancaire n’était pas régulé, parce que les banquiers eux-mêmes étaient irresponsables et que les clients croyaient déjà que les banques ne pouvaient pas tomber. Or, les banques sont tombées comme un château de cartes parce quelles étaient toutes connectées, liées entre elles par un mélange de créances et de dettes. Les banques sont tombées parce que les déposants ne savaient pas comment fonctionnaient le système et quils ont pris peur pour leurs propres économies. Du coup, tous les déposants se sont précipités au guichet de leurs banques pour récupérer leur actifs, les banques ont été incapables de tenir leurs engagements. Doù la catastrophe.

Ben Bernanke a donc étudié ce mécanisme de Bank run qui a été évidemment à lorigine de leffondrement.

Cest ce phénomène qu’il a essayé de limiter lors de la grande crise de 2008, et il y est parvenu. Parce quà partir du moment où il a vu lorage arriver et il n’était pas le seul à dénoncer la perversion du système avec les subprimes immobiliers. Il a donc obligé les banques de dépôt à se couvrir pour rassurer les épargnants, il a inondé les marchés de tara tir de liquidités et à la fin, a convaincu Nicolas Sarkozy, président du G7 et de lUnion européenne de réunir tous les chefs dEtat et de gouvernement de mettre chacun jusqu’à 700 milliards de dollars sur la table pour sécuriser les banques de chaque pays. Seuls les Etats (tous les Etats) étaient encore crédibles pour garantir le système financier et éviter que les clients paniquent. Ce jour-là, le monde occidental a joué au poker menteur mais le monde occidental a échappé à la catastrophe.

Les acteurs ne sen sont pas vantés mais le bras politique de cette partie de poker a été Nicolas Sarkozy. Pourquoi lui ? Parce qu’il n'y avait plus personne à la Maison blanche. Les Américains étaient dans une période de transition entre deux présidents.

Mais le concepteur de la partie a sans doute été Ben Bernanke. Nicolas Sarkozy racontera peut-être les détails de cette opération, un jour, en écrivant ses mémoires, parce que, pour linstant il sest tu. Il a même refusé de lutiliser lors de la campagne présidentielle.

Il faut croire qu’à la banque de Suède, on sest souvenu qu’il existait aux États Unis un sorcier de la finance plus intéressé par la mécanique toxique des spéculations que par les profits des traders. Ben Bernanke va partager le prix Nobel, avec deux autres américains Douglas Diamonds et Philip Dybvig.

Les Nobels ont voulu récompenser non seulement des chercheurs mais des acteurs de terrain pour avoir significativement amélioré notre compréhension du rôle des banques dans l’économie et notamment pendant les crises financières. Cest à partir de leurs travaux qu’on a commencé à réguler les systèmes pour les protéger et moduler lintervention des États qui peuvent avoir un rôle technique mais surtout très psychologique en apportant les moyens pour garantir la solidité dun système et éviter son effondrement. Moyens financiers ou politiques.

Reuters rappelle : « Ben Bernanke a montré, à l'appui d'analyses statistiques et de sources historiques, que les paniques bancaires entraînaient des faillites bancaires et que ce mécanisme a transformé dans les années 1930 une récession assez ordinaire en dépression économique la plus spectaculaire, la plus sévère que nous ayons vue dans l'histoire moderne ».

La crise de 2008 aurait pu être plus grave encore que celle de 1929 sil navait pas eu la réaction collective des banques mondiales et des États.

Comme souvent avec les « Nobel «, lacadémie a sans doute voulu envoyer, un signal aux élites internationales aux prises aujourd’hui avec une crise terrible. Entre le covid et la guerre en Ukraine, entre « le quoi qu’il en coûte » qui asphyxie et linflation qui détruit tout, il faut reconnaitre aujourdhui que les banques ont tenu le choc.

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