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Barack Obama contre Donald Trump : le Parti démocrate fait-il vraiment une bonne affaire avec le retour de l’ancien président ?
©Angelo Merendino / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Midterms

A deux mois des midterms (élections de mi-mandat) Barack Obama est de retour en campagne afin de soutenir les candidats du Parti démocrate.

Gérald Olivier

Gérald Olivier

Gérald Olivier est journaliste et  partage sa vie entre la France et les États-Unis. Titulaire d’un Master of Arts en Histoire américaine de l’Université de Californie, il a été le correspondant du groupe Valmonde sur la côte ouest dans les années 1990, avant de rentrer en France pour occuper le poste de rédacteur en chef au mensuel Le Spectacle du Monde. Il est aujourd'hui consultant en communications et médias et se consacre à son blog « France-Amérique »

Il est aussi chercheur associé à  l'IPSE, Institut Prospective et Sécurité en Europe.

Il est l'auteur de "Mitt Romney ou le renouveau du mythe américain", paru chez Picollec on Octobre 2012 et "Cover Up, l'Amérique, le Clan Biden et l'Etat profond" aux éditions Konfident.

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Atlantico : A deux mois des midterms, Barack Obama est de retour en campagne. Dans un contexte choisi, marqué tout à la fois par la publication de la tribune anonyme du New York Times, et de l'ouvrage Fear de Bob Woodward, il a tenu plusieurs discours remarqués où il s'en prend à son successeur. Barack Obama doit-il à son charisme d'être le seul à pouvoir tenir un discours audible face à Donald Trump ?

Gérald Olivier : Je dirais que beaucoup de personnes sont audibles, mais peu sont crédibles.

Prenons le cas de la tribune anonyme : le geste est sans précédent, et il a obtenu bien sûr une audience et une couverture médiatique très importante. Mais il est aussi totalement injustifié, dans la mesure où, si quelqu'un au sein de l'administration n'est pas d'accord avec la politique du président, il peut très bien le dire tout haut, il peut quitter l'administration, il peut signifier ses différends. Cela s'est déjà produit par le passé, Rex Tillerson par exemple. Les gens qui critiquent Donald Trump aux États-Unis sont donc très nombreux. Mais ils n'ont pas de crédibilité.

On peut critiquer Donald Trump sur sa méthode, on peut critiquer Donald Trump sur sa personne, on peut critiquer Donald Trump sur ses manières, son vocabulaire ou son côté provocateur. Par contre on ne peut pas le critiquer sur les résultats. Et on ne peut pas le critiquer non plus sur l'essentiel, à savoir qu'il a tenu ses promesses de candidat – sauf pour le mur. Il avait promis une réforme fiscale : il l'a faite. Il avait promis de favoriser le secteur des énergies, et de remettre en avant les énergies fossiles : il l'a fait. Il avait promis de retravailler un certain nombre d'accords commerciaux : il est en train de le faire. Il avait promis de déréglementer l'économie : il est en train de le faire. Il avait promis de relancer l'emploi industriel : il est en train de le faire, et en train d'y réussir. Il avait promis de relancer la croissance : les Etats-Unis sont à 4,5% de croissance, ce qui n'a pas été vu depuis vingt-cinq ans. Donc sur le fond et sur la santé de l'économie américaine, personne n'est véritablement crédible, et on ne peut pas attaquer Trump là-dessus.

Par contre, on peut l'attaquer sur sa personne, et c'est ce que font un certain nombre de gens. Que le chaos règne à la Maison Blanche, je dirais presque que c'est sans intérêt à partir du moment où les Américains vivent mieux aujourd'hui qu'ils ne vivaient hier.

Par contraste avec l'Obamania qui caractérise les Français, bon nombre d'électeurs américains ont été très déçus du bilan d'Obama à l'issue de ses deux mandats, au point de nourrir à rebours le phénomène Trump. Est-il aujourd'hui enclin à faire son autocritique et à prendre sa part de responsabilité des échecs passés pour convaincre à nouveau ?

On verra cela avec le résultat des élections de mi-mandat. M. Obama est certes un personnage avec beaucoup de charisme, extrêmement chaleureux, sympathique. C'est vrai que sa présidence a été une énorme déception, aussi bien pour les Démocrates que pour d'autres. Il a un ego qui est relativement imposant. Ce n'est pas du tout le genre de personnage à reconnaître ses erreurs. La partie du discours qu'il a prononcé samedi dernier qui a été la plus critiquée, c'est précisément celle où il cherche à s'accaparer les bons résultats économiques. Pendant la campagne, il s'était ouvertement moqué de Donald Trump, affirmant que les chiffres qu'il avançait relevaient du charlatanisme. Et toute l'année dernière, Obama n'a cessé de se plaindre du fait que Trump détricotait ce que lui-même avait mis en place. Il a donc reconnu que le programme prôné par son successeur allait à l'inverse de ce qu'il avait fait, et à l'évidence les résultats sont beaucoup plus probants quant à ce que fait son successeur.

Le véritable problème, il ne tient pas à Barack Obama, il tient au parti démocrate. Hillary Clinton battue, Obama à la retraite et qui ne peut plus être président, personne pour l'instant ne peut parler au nom du parti démocrate. Ni Nancy Pelosi, le chef de la minorité à la Chambre des Représentants, ni Chuck Schumer, le chef de la minorité au Sénat, n'ont suffisamment d'audience, de charisme et de reconnaissance au niveau national pour parler au nom du parti. Donc il y a une sorte de vide. Le seul qui peut le combler c'est Obama, qui reste la figure charismatique du parti. Alors il joue son rôle.

La campagne va commencer, les midterms vont être extrêmement importants, pas seulement pour la politique de Trump, mais pour la poursuite même de son mandat. Au fond les Démocrates n'ont toujours pas accepté leur défaite : pour eux Trump n'est pas le président légitime, et s'ils ont l'occasion de raccourcir son mandat par un processus de destitution, ils le feront. L'enjeu réel des élections est là.

Au sein des Démocrates, trois candidats potentiels se démarquent pour l'élection 2020 : son ancien vice-président Joe Biden, le radical Bernie Sanders et Elizabeth Warren, connue pour son engagement en faveur de la régulation des marchés financiers. Quelle incidence auront les interventions d'Obama sur cette course interne au parti ?

Obama a une influence énorme au sein du parti démocrate, ne serait-ce qu'en matière d'organisation des levées de fonds. Concernant les personnages que vous évoquez, je n'en garderai que deux.

Bernie Sanders a l'approche du vieux militant : il n'a rien à perdre ni à gagner, et il se battra jusqu'au bout. En réalité, il a toujours été marginal. Si vous revenez de trois ou quatre ans en arrière, 95% des Américains n'avaient aucune idée de qui il était.  Il a réussi un vrai coup en tenant tête à Hillary Clinton. Aujourd'hui, il a une légitimité, un discours différent, qu'il soutiendra toujours. Lui, il se considère être à la tête d'un mouvement, qui le dépasse et qui lui survivra, et il se contente de faire vivre ce mouvement. Donc c'est exact, il sera sans doute candidat.

Elizabeth Warren quant à elle a des ambitions qui sont tout à fait légitimes. Elle a l'âge, elle a le parcours. Donc elle le sera aussi.

Joe Biden en revanche, est quand même un petit peu âgé.  Il a déjà été candidat : la première fois c'était en 1988 ! Et puis Joe Biden est sénateur depuis qu'il a 30 ans – c'était en 1970 ! – et  il a fait de la politique toute sa vie. Le grand intérêt de Donald Trump, c'est qu'on a un homme d'affaire à la Maison Blanche, qui ne gère pas les affaires publiques comme le font les hommes politiques. C'est un petit peu plus rude, mais les résultats sont quand même très convaincants. Que les Américains abandonnent l'homme d'affaire pour retourner vers un pur politique, cela me paraît très peu vraisemblable. Pour moi, Joe Biden n'est pas un candidat crédible.

Faut-il comprendre qu'Obama a pour objectif d'ouvrir la voie à Elizabeth Warren, plus proche de lui que Bernie Sanders ?

Disons que c'est une des candidates, une femme, relativement à gauche, et qu'ils pourraient parfaitement s'entendre. Mais je ne sais pas pour qui roule Obama, à part Obama. D'une certaine façon, il en a toujours été ainsi. Peut-être qu'il roulera un jour pour Michelle Obama. Pour l'instant, elle est très discrète, mais il n'est pas dit qu'elle ne décide pas un jour de s'engager. Bien que ce soit, à mon avis, très peu probable parce qu'elle a déjà connu la Maison Blanche. Il faut vraiment avoir beaucoup de choses à sacrifier pour obtenir ce poste-là.

Barack Obama, lui, il fait son métier. Il faut qu'il continue à exister. Là il a une raison d'exister parce qu'il n'y a personne d'autre pour parler et représenter tout le parti, voire un certain nombre d'Américains au-delà du parti qui sympathise avec leurs idées.

Dans un sondage (Politico/Morning Consult) paru au mois d'août, Bernie Sanders était donné gagnant sur Donald Trump par 12 points d'écart, lorsqu'Elizabeth Warren ne l'emportait que de 4 points. Obama ne courre-t-il pas le risque d'amoindrir les chances de victoire du parti démocrate en 2020 s'il ferme la porte à Bernie Sanders ?

Au sein des primaires du parti, il est possible que Bernie Sander ait plus de gens derrière lui qu'Elizabeth Warren, mais pour moi, ni l'un ni l'autre ne sont en mesure de battre Donald Trump. Aujourd'hui, en 2018, avec l'économie dans l'état où elle est, il gagnerait très largement les élections. Et s'il devait affronter de nouveau Hillary Clinton aujourd'hui, je pense qu'il gagnerait cette fois le vote populaire. Les 3 millions de voix, elle ne serait plus dans le même camp. Donald Trump, sans que les gens n'aime sa personnalité, est très populaire en ce qui concerne sa politique. Donald Trump est aussi plus fort que le parti Républicain. Même si sa côte de popularité ne dépasse pas 40%, à bien regarder le système électoral américain, Donald Trump est quasiment assuré d'être réélu en 2020. Aujourd'hui, l'homme politique le plus puissant des États-Unis, c'est Donald Trump.

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