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Baisse du taux de chômage selon les chiffres de l’Insee : mais quelle est la réalité de la situation de l’emploi en France depuis le début du quinquennat Hollande ?
©ERIC PIERMONT / AFP

Une autre lecture

Pour la première fois en quatre ans, le taux de chômage en France est passé sous la barre des 10% pour s'établir à 9,9% au deuxième trimestre 2016. Malgré cette baisse, certains indicateurs révèlent des difficultés persistantes sur le marché de l'emploi, notamment pour les personnes souhaitant travailler plus.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Ce jeudi, l'Insee a annoncé une baisse du chômage pour le deuxième trimestre 2016 de 0,3 point par rapport au premier trimestre. Comment interpréter cette baisse ? S'explique-t-elle par la seule reprise d'activités ou bien par d'autres facteurs ? Si oui, lesquels ? 

Jean-Paul Betbeze Avec 9,9% de taux de chômage au sens du BIT (Bureau international du Travail), la France enregistre une baisse significative depuis un an par rapport au maximum de mi-2015 à 10,5%. Sur un trimestre, la baisse est de 0,3 point, soit 74 000 personnes.

Elle s’explique par deux raisons : la première, c’est l’augmentation de l’emploi marchand. C’est la bonne raison, mais pour 24 000 emplois seulement, en liaison avec la reprise de l’activité. La deuxième raison, qui est effectivement moins bonne, c’est la baisse du taux d’activité. Il s’établit à 71,6%, soit 0,1 point de moins qu’en début d’année. Cette baisse correspond à des salariés qui ne cherchent plus effectivement d’emploi. Au fond, la baisse du taux de chômage s’explique presque autant par les créations d’emploi que par des salariés temporairement découragés. On comprend donc qu’il faut travailler sur ces deux domaines : pousser à l’emploi et réduire le découragement, notamment par la formation.

Le taux de chômage n'est pas le seul indicateur permettant de juger de la situation de l'emploi en France. Quels sont les autres éléments à prendre en considération pour se faire une image fidèle de la situation de l'emploi et des salariés en France ? 

Le taux de chômage, que l’on mesure par le BIT, est la meilleure photographie disponible, mais c’est une photographie. C’est d’abord la meilleure photographie disponible, suite à une enquête faite auprès de 100 000 personnes et qui permet des comparaisons internationales. Pour être chômeur au sens du BIT, il faut être sans emploi (c’est-à-dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant la semaine de référence), être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours, et avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent (ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de 3 mois).

Les statistiques de Pôle Emploi comptent les chômeurs recensés à ses guichets en fonction de différentes catégories, dont la catégorie A qui est la plus importante. Mais il peut toujours y avoir des chômeurs qui oublient de s’inscrire, d’autres qui oublient de prévenir qu’ils ont trouvé un emploi, plus des bugs, plus des changements de catégories, notamment de A vers D, en liaison avec la politique des pouvoirs publics qui pousse les chômeurs à s’inscrire en formation. Pas de surprise donc si les chiffres de Pôle Emploi sont techniquement instables et se prêtent à des lectures politiques. Il n’empêche que la diminution en cours des chômeurs, en particulier des jeunes, vient de l’amélioration de l’activité, mais aussi des politiques de formation, évidemment nécessaires.

Ensuite, plus profondément, pour aller au-delà de la photographie, il faut regarder les intentions d’emploi des entrepreneurs. Elles viennent elles-mêmes des idées qu’ils se font de la croissance future et de leurs marges. Le climat des affaires joue un rôle extrêmement important dans la psychologie, autrement dit dans l’idée du profit futur, base des embauches qui sont, toujours, des investissements risqués.

Selon les chiffres de l'Insee, le sous-emploi (soit les personnes à temps partiel qui souhaiteraient travailler davantage) a augmenté de 0,3% au deuxième trimestre 2016. A cela s'ajoute une augmentation du nombre de personnes souhaitant travailler davantage sans être considérées comme étant au chômage (+ 29 000). Comment expliquer ce phénomène des Français et Françaises qui ne parviennent pas à travailler plus ? Peut-on établir une relation entre ces chiffres et la hausse du taux d'emploi en CDD ou intérim au deuxième trimestre 2016 (+0,1 point) ? 

Le chômage au sens du BIT mesure les chômeurs disponibles qui cherchent effectivement un emploi à temps plein. Il ne prend pas en compte le chômage subi, autrement dit à temps partiel, pour des personnes qui cherchent un emploi à plein temps et des chômeurs découragés que l’on retrouve dans ce qu’on appelle le "halo autour du chômage". Ce dernier représente actuellement 1,5 millions de personnes et vient augmenter de 29 000 sur le dernier trimestre. C’est toujours le même double processus que l’on retrouve : d’un côté les entrepreneurs qui cherchent, plus ou moins intensément,  certains types de qualification, et d’un autre les chômeurs, qui cherchent, plus ou moins intensément, à les proposer. L’intérim est un ajustement temporaire entre ces deux mouvements. On comprend qu’il est indispensable pour que l’emploi se consolide. 

Alors que le quinquennat Hollande touche à sa fin, comment juger l'action de l'exécutif depuis son arrivée au pouvoir en termes d'emploi ? Quelles sont les raisons réelles de l'amélioration de la situation au cours des derniers mois ? L’exécutif peut-il réellement en revendiquer la paternité ?

Améliorer l’emploi est l’objectif de tous les hommes politiques, encore faut-il savoir de quels emplois il s’agit et comment l’objectif est atteint. En termes économiques, on comprend que l’emploi recherché est plutôt celui qui se développe dans le secteur privé, avec peu ou pas de subventions. Ce n’est pas le cas des emplois aidés et de ceux du secteur public. Le quinquennat actuel a, au bout d’un an et demi, mis l’accent sur la réduction du coût salarial en réduisant les charges des entreprises (CICE). On en mesure aujourd’hui les effets bénéfiques, à poursuivre et consolider, de même qu’on en connaît le coût : plus de 30 milliards d’euros. Ceci prouve bien que l’emploi privé passe par la profitabilité privée.

A côté de cela, les mesures de formation sont évidemment positives, mais on ne peut oublier le fait que les seules vraies mesures pour soutenir l’emploi dans la durée viennent de la formation permanente. 

Pour savoir si l’exécutif peut revendiquer la paternité des chiffres actuels, ce serait lui demander de reconnaître que les impôts antérieurs étaient trop élevés et les formations pas assez adaptées. Ce qui se passe actuellement est donc la preuve que des corrections sont en cours, mais nous sommes loin du compte comme le montrent les difficultés d’acceptation de la loi El Khomri.

Il ne s’agit pas de "flexibilité" mais d’adaptation des emplois et des qualifications, au plus proche des souhaits des clients, donc au plus proche des entreprises.  C’est cette meilleure satisfaction de la demande, française et étrangère, qui permettra de faire passer le taux de chômage de 9,9% à la moitié, comme au Royaume-Uni ou en Allemagne. Nous n’y sommes pas encore, en prenant compte de l’arrêt de la croissance au deuxième trimestre et les inquiétudes qui montent partout ! Attention au risque de rechute. Il faut donc redoubler d’efforts, avec les entreprises, si l'on veut continuer dans le même (bon) sens !

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