Baisse des émissions françaises de CO2 en 2022 : pourquoi ce succès n’en est pas vraiment un ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Une vue de la capitale lors d'une phase de pollution.
Une vue de la capitale lors d'une phase de pollution.
©JOEL SAGET / AFP

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Selon les premières données du Citepa, l’organisme en charge de la mesure des émissions annuelles de CO2 de la France, notre pays a réussi de justesse à respecter ses objectifs climatiques en 2022. Un coup d’œil dans l’inventaire des émissions nous invite à nuancer ce succès et nous permet de savoir où prioriser les efforts collectifs à l’avenir autour de trois grandes tendances.

Jean-François Moreau

Jean-François Moreau

Jean-François Moreau est un journaliste spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et de l’efficacité énergétique des bâtiments. 

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Début avril, sous la pression d’une réforme des retraites explosive, le gouvernement a trouvé dans la publication des résultats provisoires du Citepa une précieuse bouffée d’oxygène. Avec une baisse de 2,5 % de ses émissions de GES en 2022, la France n’a pas dépassé le quota carbone qu’elle s’était imposé dans le cadre de sa stratégie nationale bas-carbone (SNBC). De nombreux observateurs n’ont pas manqué de nuancer — à raison — ce succès par des réalités conjoncturelles et exogènes : un hiver doux et un contexte de hausse des prix de l’énergie ayant mené particuliers et entreprises à une sobriété subie. Rien n’indique d’ailleurs que la courbe de nos émissions poursuive sa tendance baissière dans les années à venir.

La promotion d’alternatives viables à la voiture est nécessaire

Entre 2021 et 2022, les émissions de CO2 dans le secteur des transports ont grimpé de 2 %. Pour rappel, le Haut Conseil pour le climat lui impute 31 % des émissions globales de GES, dont 53 % pour la voiture et 25 % pour les poids lourds. En bref, la mobilité en France demeure encore très largement orientée vers la voiture individuelle, alors même que toute politique climatique volontariste devrait être largement pensée au prisme de la décarbonation des transports et de leur électrification ; du déploiement massif de modes de transports publics, partagés et abordables pouvant représenter une alternative viable à la voiture particulière ; ainsi que de la facilitation des usages de mobilité douce et active, comme le vélo et la marche, et de la mise aux normes des infrastructures cyclables et piétonnes pour en faciliter la pratique.

Fermez des centrales nucléaires, vous aurez du charbon 

Selon le CITEPA, le secteur de l’énergie est le segment qui, en 2022, a connu la plus forte en hausse en valeur absolue, avec une augmentation de 8 % des émissions de gaz à effet de serre. En cause ? L’indisponibilité de certaines tranches de nucléaire, marquée par un pic à 29 réacteurs sur 56 à l’arrêt en mai 2022, replaçant d’ailleurs la France dans une situation d’importatrice d’énergie. Cette situation a même mené à la réouverture provisoire de la centrale à charbon de Saint-Avold, donnant à notre pays des airs d’Allemagne.

Dans ce contexte, difficile de contester encore la nécessité d’un volontarisme politique marqué en faveur du maintien opérationnel des réacteurs existants, tant que les conditions de sûreté le permettent. Mais aussi autorisant la construction de nouveaux réacteurs, comme annoncée récemment par le Président de la République. La montée en puissance des renouvelables, du fait de leur intermittence, de leur facteur de charge modéré et de l’absence de solution viable de stockage de l’électricité, demeure conditionnée au maintien de notre parc nucléaire.

Le « chantier du siècle » de la rénovation du résidentiel-tertiaire

La baisse des émissions de 15 % en 2022 dans le secteur résidentiel-tertiaire, qui représente environ 17 % de nos émissions globales de GES, est un satisfecit indéniable. Mais, là encore, plusieurs facteurs conjoncturels, dont la douceur des températures, la recherche de sources de chaleur alternatives par les populations — comme le bois — et la sobriété subie des populations par la tendance haussière des prix de l’énergie, apparaissent comme les principaux facteurs explicatifs. 

À ce titre, la sobriété dans les constructions neuves, la massification de la rénovation énergétique des logements, la décarbonation des sources de chaleur des logements ou encore la transformation des bâtiments en puits de carbone apparaissent comme des objectifs impérieux pour faire de la baisse conjoncturelle des émissions de CO2 du résidentiel-tertiaire une réalité systémique et de long-terme. Autant d’enjeux auxquels s’ajoute celui du « chantier du siècle » de la rénovation du parc de bâtiments publics en France, estimé à environ 500 milliards d’euros pour 400 millions de mètres carrés.

La double nécessité de l’atténuation et de l’adaptation de la France au changement climatique, dont les stratégies de limitation des émissions de CO2 ne sont qu’un pan, amène naturellement à poser la question de son financement. Rien que la création de 50 000 kilomètres de pistes cyclables sécurisées nécessiterait, selon l’institut de l’économie pour le climat, 3,5 milliards d’euros par an d’ici 2030. C’est finalement bien la question du financement de la transition structurelle de la France vers une économie bas-carbone qui doit se poser. C’est d’ailleurs le cœur de notre survie collective

Ingénieur de formation, Jean-François Moreau est un journaliste spécialisé dans les domaines de la transition énergétique et de l’efficacité énergétique des bâtiments.

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