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Baisse de la croissance mondiale : quel impact pour la France (et pour les promesses de François Hollande) ?
©Reuters

Basse estime

Le dernier rapport de l'OCDE publié le 18 février revoit toutes les perspectives de croissance à la baisse. Un ralentissement est à prévoir, peut-être de manière durable... Ce qui ne rentrerait pas dans les plans et promesses de notre président.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Mathieu Plane

Mathieu Plane

Directeur adjoint du Département analyse et prévision à l'OFCE

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Atlantico : Le dernier rapport intermédiaire sur les perspectives économiques de l'OCDE publié le 18 février prévoit une baisse significative de la croissance dans le monde en 2016, qui passerait de 3.3% selon la dernière estimation datant de novembre à 3%. La France subit elle aussi une baisse avec une estimation de 1,3% à 1,2%. Comment expliquer ce revirement de situation ? Comment ce ralentissement de la croissance mondial pourrait affecter la France ?

Philippe Waechter : La question majeure lorsque l'on s'interroge sur le profil de l'économie globale est la suivante : quelle serait le facteur qui permettrait à l'économie globale de croitre un peu plus rapidement, d'être capable de se caler sur une trajectoire de croissance plus élevée? On a souvent pensé que la baisse du prix du pétrole avait cette capacité mais l'on se rend compte que ce n'est pas aussi marqué qu'attendu. Si l'on compare avec les effets du contrechoc pétrolier du milieu des années 80 on s'aperçoit tant aux USA qu'en France ou qu'au Royaume Uni que les dépenses de consommation des ménages sont plus réduites actuellement qu'elles ne l'étaient alors. On peut imaginer que l'effet pourra encore avoir lieu mais alors il n'aura pas la vertu de donner un coup de fouet à l'économie comme cela pouvait être attendu. Ce serait alors un soutien à la croissance et non plus un coup de fouet.

On pourrait imaginer des politiques budgétaires plus volontaristes pour essayer de se caler sur un profil plus élevé via une hausse de l'investissement public mais cela n'est pas encore d'actualité au sein des différents gouvernements. 

On perçoit aussi que la Chine et les pays émergents connaissent un profil de croissance plus faible que ces dernières années. Ils n'auront plus, la Chine principalement, ce rôle d'impulsion qui avait été le leur jusqu'à une période récente. Dans le même temps l'économie américaine n'accélère plus et la zone Euro progresse mais à un rythme qui reste lent. Pas étonnant qu'en raison de cette morosité il y ait une révision à la baisse des prévisions de croissance, par manque d'impulsion et parce que dans certains pays la tendance est baissière comme c'est le cas dans les émergents. LE FMI faisait la même chose il y a un mois. 

Quant à la France elle a besoin d'un contexte global et européen plus porteur pour aller mieux. Si cet environnement est moins robuste la dynamique des exportations sera moins robuste et la concurrence plus forte pour les parts de marché.

Mathieu Plane : Pour ce qui est du ralentissement de la croissance mondiale, il est corrélé à deux ralentissements localisés : celui de la croissance chinoise dont on maitrise assez mal l’ampleur et celui de la croissance des zones émergentes. Cela impacte sur le prix des matières premières, ce qui peut être bien pour certains pays, notamment sur les prix du pétrole en tant qu’importateur net, mais en revanche, une perte pour les producteurs. Aujourd’hui, les risques sont du côté de ces producteurs et c’est pour cela qu’on a la Russie qui est en récession, aux côtés du Brésil, et l’impact mondial est globalement négatif, du fait de la concentration des risques sur des pays aujourd’hui fragiles, notamment du fait de la combinaison chez des pays émergents de flux de capitaux importants alliés à de la production de matières premières. Les risques accrus relancent des tensions financières et ralentissent les flux d’échanges au niveau mondial. 

Les Etats Unis sont eux en haut de cycle selon de nombreux indicateurs (taux de marge, chômage), qui pérenniserait une croissance moins dynamique. L’Europe reste très poussive. Et ce qui se passe du côté des pays développés ne permet pas de compenser le ralentissement des autres. Avec un climat tendu autour des marchés financiers et le risque d’une bulle sur le pétrole de schiste aux Etats Unis accompagne une réflexion sur l’idée d’une stagnation séculaire : pour certains, la crise de 2008 aurait lancé un régime permanent de croissance faible. 

Avec une estimation de 1,2% de croissance en 2016, la promesse d'une inversion de la courbe du chômage est-elle à nouveau repoussée ? François Hollande sera-t-il en mesure de tenir sa promesse d'ici la fin de son quinquennat ?

Mathieu Plane : Tout d’abord, avec 1,2% de croissance en 2016, il y a peu de chance d’observer une baisse du chômage sur cette période. Pourquoi ? Nous évaluons à l’OFCE l’indice donnant la possibilité de faire baisse le chômage à 1,4%. Etant donné notre gain de productivité chaque année est de 0,9 points en tendance, soit 0,9% de plus en embauches. On produirait de l’emploi à 1%. Mais comme nous avons une population active en France qui est dynamique (de 140 000 actifs sur le marché du travail chaque année), il faudrait créer 140 000 emplois net pour commencer à faire baisser le chômage. Cela nous ramène à 1,4/1,5% pour permettre une absorption de ces actifs. Avec 1,2%, on en est éloigné, mais il ne faut pas oublier qu’il est difficile aujourd’hui de prendre en compte les politiques de l’emploi qui enrichirait et l’effet de rattrapage lié à la crise (les entreprises ont tendance à se concentrer sur la productivité et non sur l’emploi en sortie de crise) qui joue dans le sens inverse et qui annulerait l’effet précédent, comme c’est le cas récemment. 

Cependant, nos prévisions sont pour l’instant au-dessus. Nous prévoyons 1,8 en octobre, car nous pensons que malgré de nombreux facteurs ralentissant, il y a une dynamique de reprise lié à l’amélioration significative des marges, avec un coût du capital historiquement bas et un effet de demande accélérateur favorable lié à l’amélioration des carnets de commande. Le gouvernement maintient qu’il aura 1,5, mais il y a beaucoup de nouveau éléments qui va falloir prendre en compte pour coller au plus près de la réalité.

Philippe Waechter : Ne prenons pas non plus les prévisions pour argent comptant. L'OCDE a pu dans un passé récent modifier ses prévisions de croissance de façon brutale donc ne nous focalisons pas sur un chiffre.

La question de l'emploi restera l'élément clé du débat économique et du débat politique. On le voit actuellement avec les discussions relatives au fonctionnement du marché du travail après les propositions de Myriam El Khomri. Il faut créer les conditions pour une dynamique plus solide du marché du travail et ne pas attendre que la croissance s'accélère toute seule pour disposer d'une amélioration du marché du travail.

On notera que si les chiffres du nombre de chômeurs et du taux de chômage restent élevés, le nombre des emplois est reparti à la hausse en 2015. C'est une première étape pour imaginer que l'on puisse aller plus loin.

L'OCDE appelle les pouvoirs publics à des politiques de relance, notamment monétaires pour relancer la croissance : la France est-elle en mesure de bénéficier de tels effets politiques aujourd’hui ?

Mathieu Plane : On a du mal à imaginer ce que pourrait faire la BCE en plus aujourd’hui. On peut lui reprocher d’avoir agi un peu tard, mais Draghi a fait ce qui fallait en zone Euro pour relancer la machine économique et éviter le risque inflationniste. 

Le problème aujourd’hui est plus du côté budgétaire. Le plan Juncker, comme le montre le rapport de l’OCDE, n’a pas été efficace car n’entraine pas d’investissements, en tout cas pas suffisamment par rapport à ce qui était attendu. Les contraintes liées au pacte de responsabilité sont tellemnt fortes, que mêm s’il y a consensus, chez les économistes comme les politiques pour dire que le déficit d’investissement existe, les règles budgétaires imposées ne sont pas adaptées pour relancer cet investissement. Ces règles brident énormément les possibilités et marges de manœuvre des Etats, pourtant dans un contexte de taux d’intérêt faible qui permettrait de relancer la croissance grâce à des effets de levier comme l’indique le FMI et l’OCDE. Les volets préventifs et correctifs du pacte budgétaire vont entrainer nécessairement d’autres politiques budgétaires, et donc risquent de continuer à étouffer la relance. Le seul pays qui a des marge de manœuvre est l’Allemagne. Il a des fiscal extenses,qui lui permet d’utiliser ces margesz de manœuvre. Mais il y a dans l’ensemble un risque de sous-investissement chronique se développe en Europe.

Philippe Waechter : C'est le même OCDE qui appelait à une politique budgétaire restrictive et des hausses de taux d'intérêt il y a peu. 

Il est clair comme je l'indiquais plus haut que la politique budgétaire peut et doit être un instrument pour changer de trajectoire de croissance. D'ailleurs c'est ce que Mario Draghi appelle de ses vœux depuis au moins l'été 2014 lors d'une déclaration forte faite à Jackson Hole durant la réunion des banquiers centraux. Il faut comprendre que la politique économique est unijambiste en ne reposant que sur la politique monétaire. C'est insuffisant et à l'échelle européenne il serait nécessaire d'avoir une politique plus volontariste afin de créer une dynamique plus autonome. Cela pourrait se mettre en œuvre via l'investissement public. La France prendrait sa part dans le processus de relance et aussi dans les retombées de celui-ci 

La zone euro subit de façon encore plus importante cette situation avec un passage 1,8 à 1,4. Quelles sont les mesures à mettre en œuvre, en Europe, pour tenter de contrer cette nouvelle épisode qui s'annonce ?

Philippe Waechter : C'est la même réponse que ci-dessus sans m'attacher précisément aux chiffres publiés. La politique monétaire a fait le maximum pour soutenir la croissance mais elle est un peu au bout de ce qu'elle peut faire. Les gouvernements doivent prendre le relais sachant qu'il aurait été beaucoup plus efficace de le faire de façon conjointe depuis 2014. On ne se poserait plus les questions de la même façon.

Mathieu Plane : Le problème européen est lié à la coordination de politiques budgétaires efficaces même si tardives pour sortir des risques inflationnistes. La BCE peut maintenir un objectif de 2%, qui pose par ailleurs un problème à la question de la stabilité des dettes dans un cadre où le pays qui est en meilleure santé, qui a un taux de chômage à 5%, qui a 8 points de PIB d’excédent budgétaire a une inflation inférieure à 2. Les autres pays doivent s’adapter et adopter donc des politiques de déflation. Et se pose cette question centrale : qui va soutenir la demande en Europe ? C’est essentiellement un problème de demande agrégée européenne. 

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