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Avoir de la chance, ça se travaille : mode d’emploi
©Reuters

Un coup de dé...

"Un coup de dé jamais n'abolira le hasard" disait Stéphane Mallarmé. Mais pour ce qui est de la chance, c'est une autre affaire. Car il faut se prendre au jeu s'il ont veut profiter des bonheurs inattendus.

Philippe Gabilliet

Philippe Gabilliet

Chargé d’enseignement au CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers), à HEC Genève (Suisse) et à l’ESA Beyrouth (Liban). Conférencier et coach de dirigeants.
 
Docteur en sciences de gestion, diplômé de 3ème cycle en sciences politiques, diplômé de Sciences-Po Bordeaux.
 
Éloge de l’audace et de la vie romanesque, Éditions Saint Simon, 2015
 
 
– Artisans du devenir. 16 coachs témoignent de leurs méthodes et de leur expérience (ouvrage collectif co-dirigé avec Danièle Darmouni), Pearson, 2011
 
– Éloge de l’optimisme, quand les enthousiastes font bouger le monde, Éditions Saint Simon, 2010

 

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Atlantico : La chance a tendance a être considérée comme un non-facteur dans notre société, tout particulièrement quand on présente comme modèle la méritocratie. Pourquoi ce mépris pour la chance de la part de nombreux self-made man, qui proclame y etre arrivé seul sans jamais regardé les chances qu'ils ont pu avoir comme bénéfique ?

Philippe Gabilliet : Paul Guth disait que "la chance est sans doute la forme laïque du miracle". Dans un environnement de modernité qui est fondé sur l'idée qu'on contrôle, qu'il faut planifier, "que quand on veut on peut", que l'organisation régit la performance, il est difficile d'intégrer de l'inattendu dans les scénarii. 

Cela dit, un effort est en cours : il existe une littérature en stratégie en Amérique du Nord qui met en avant l'importance du facteur chance dans certaines décisions stratégiques. Par exemple, on voit apparaitre des départements de recherche et développement où l'on va laisser les chercheurs s'organiser de la façon la plus désorganisée possible en se disant que statistiquement, on est jamais à l'abri d'une bonne surprise. L'imprévisible joue alors son rôle. La chance est cette irruption de l'inattendu : quand les gens parlent d'un coup de chance, il décrivant un événement fortuit en dehors de leur contrôle qui est venu influencer bénéfiquement le cours d'une vie. 

Comment transformer le hasard en chance ? Que dire à celui qui se dit "malchanceux "?

La notion la plus intéressante, développée par Jim Collins et qui part de l'idée de retour sur investissement, qui s'appelle le "retour sur hasard". Il s'agit de la capacité qu'on a de gérer un événement fortuit, qu'il soit heureux ou malheureux. La chance peut donc ne rien avoir à faire avec un événement positif. Pour certaines personnes, un licenciement brutal et incontrôlé devient l'opportunité d'un changement radical et bénéfique de vie. Des ruptures amoureuses douloureuses se transforment parfois en coup de chance incroyable pour ceux à qui cela arrive. 

Mes étudiants me demandent souvent : "si on fait tout ce que vous dites, aura-t-on plus de chance ?" ; et je leur réponds systématiquement non ! Il leur arrivera plus de choses dans leur vie, ce qui sera la matière première indispensable pour pouvoir transformer du hasard en chance. Mais cette partie restera malgré tout leur problème à eux-seuls. Le facteur chance est déterminé par notre capacité à répondre à cette question : comment puis-je à travers mes comportements, et en particulier mon comportement sociaux créer les conditions pour accroitre la possibilité de surgissement d'événements inattendus dans ma vie ? 

Dans le lot il y aura du positif et du négatif, mais ce n'est pas un problème. Car l'ennemi de la chance, c'est la routine, la planification, le traintrain quotidien qui amène à faire toujours la même chose et rencontrer toujours les mêmes gens. Etre sur la même route et ne jamais vouloir en dévier… car le contraire de la chance n'est pas la malchance, mais bien la routine, l'absence d'opportunité car on fait tout pour que rien ne se passe. Les comportements qui sont créateurs de chance sont en fait créateurs d'inattendus. Je propose 5 pistes.

Première piste : des événements inattendus arrivent en permanence. Mais je ne les vois pas. Le premier critère, qui est la caractéristique des personnalités chanceuses, c'est la curiosité. Elles sont à l'affut du nouveau, disponible pour une nouvelle rencontre, un nouveau projet, une nouvelle opportunité professionnelle ou une demande incongrue ! mais disponible, cela ne veut pas dire qu'on y va à tous les coups : c'est être en position pour saisir l'opportunité inattendu qui passe chaque jour à mes côtés. Ce n'est pas simple, car notre  quotidien est toujours tenu par des plannings, des agendas, des deadlines …

Deuxième piste : un chanceux n'est jamais seul. La caractéristique de l'épisode chanceux, c'est qu'il est très souvent lié à une rencontre, à ce que quelqu'un vous a demandé quelque chose… C'est de l'interaction, du réseau, de la connexion. Je dis souvent, et ce n'est pas qu'une figure de rhétorique, que si l'on veut avoir plus de chance dans la vie, il faut commencer par être une chance pour les autres. Soyez celui ou celle qui sera un créateur d'opportunité pour les autres. 

Troisième piste : on n'a jamais de chance pour rien. J'ai un souvenir d'une personne qui dans son entreprise affirmait à son patron : "moi, j'ai jamais eu de chance". Son patron le regarde et lui dit : "mon pauvre ami, même si tu en avais eu, qu'en aurais tu fais ?" ; ça c'est une idée importante. Les personnes qui sont chanceux sont toujours porteur d'un rêve, d'un désir, d'une ambition, autour desquels vont se greffer les événements inattendus. 

Quatrième piste : se préparer à se rencontrer la malchance. Les chanceux font un vrai travail pour reconfigurer ce qui est malheureux en heureux. Les itinéraires de personnes dites chanceuses sont jalonnés d'épreuves. 

Cinquième piste : les gens chanceux osent. Ils ont envie, ils saisissent l'occasion et l'instant. Si on n'essaye pas, on n'arrive pas.

Il existe donc un certain nombre de comportements qui, mis bout à bout permettent de voir la chance là où on ne la voyait pas avant.  Avoir sa chance, ce n'est pas avoir une chance dans sa vie, ce n'est pas le loto. Les chanceux ont tendance à rencontrer la chance, car c'est un processus permanent. Car on prépare sa chance. Le hasard intervient tous les jours, mais c'est parce qu'on n'attend pas l'instant de hasard que l'on laisse passer tous les jours des choses autour de nous. 

En somme, il s'agirait d'adopter une vision plus ludique de la vie ?

C'est probablement tout à fait vrai. La vision ludique de la vie, si je pense que moi où les autres lancent des dés, voire même le destin parfois, je m'intéresse alors aux dés et j'en fais un moyen. Cela permet de dédramatiser. Car c'est un fait de dire que nous sommes confrontés tous les jours à des choses terribles. Cela ne sert d'ailleurs dans ces cas-là de positiver à tous prix. La chance cela consiste à dire, qu'à l'échelle d'une vie humaine, dès l'instant où l'on s'y prépare, on est jamais à l'abri d'une bonne surprise, et que si en plus on s'y prépare mentalement, on va en plus en rencontrer d'avantage. Non pas parce qu'il y en aura eu d'avantage, mais parce qu'on les percevra mieux. 

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