Avec les 10 milliards du Qatar, la France ne fait que conforter un risque de japonisation... mais sans les revenus<!-- --> | Atlantico.fr
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Le convoi de l'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad al-Thani, est vu à Paris le 27 février 2024.
Le convoi de l'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad al-Thani, est vu à Paris le 27 février 2024.
©Thomas SAMSON / POOL / AFP

Atlantico Business

Les 10 milliards du Qatar sont une bonne nouvelle, mais surtout pour le Qatar qui se garantit des revenus pour l’avenir. Pour la France, c’est un marqueur de faiblesse. Le modèle français se rapproche du modèle japonais sans sécuriser l’avenir des prochaines générations.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le Japon offre un modèle assez particulier. Avec très peu de croissance et une démographie très âgée, pendant des années les observateurs internationaux se sont beaucoup interrogés pour savoir comment les Japonais allaient survivre après l’euphorie des années de croissance folle de l’après-guerre… À l'époque, l'industrie japonaise surprenait le monde entier avec ses innovations technologiques, ses premiers écrans et surtout sa présence sur tous les marchés internationaux. Dans les années 1950, tout se passait comme si le Japon avait lancé une OPA sur l'Occident pendant que ses touristes faisaient la queue pour visiter le Louvre et la tour Eiffel avec leur Nikon en main. L'empire Sony servait d’exemple dans toutes les grandes écoles de commerce.

Dans la deuxième moitié du 20e siècle, le Japon a changé de rythme, la démographie s’est repliée, les innovations technologiques venaient surtout de la Silicon Valley et le diagnostic des économistes était plutôt pessimiste sur la capacité du Japon, dirigé par une gérontocratie, de se redresser. Depuis le début du 21e siècle, c’est vrai que le Japon est devenu un pays peuplé de personnes âgées, après avoir mis ses locomotives industrielles au rebut... mais un pays discret, qui continue de vivre très correctement en se protégeant des risques extérieurs. Une croissance molle, peu d’enfants et pas de dettes... le modèle japonais n’est plus inscrit dans les programmes d’études des écoles de commerce.

En revanche, le logiciel macroéconomique est encore intéressant. Le Japon est naturellement devenu un peuple de rentiers qui vit des revenus financiers de ses investissements. Au siècle dernier, le Japon a beaucoup investi dans l'immobilier occidental (en France, en Grande-Bretagne, aux États-Unis). Le Japon a aussi pris des participations dans des fonds occidentaux investis en Occident et ailleurs. Bref, les Japonais vivent du revenu de leurs retraites gérées par des fonds de pension investis à l'extérieur. Le revenu des Japonais est indexé sur le niveau d’activité mondial.

La France vieillit aussi, comme l'ensemble des membres de l'Union européenne, mais contrairement au Japon, la France n’a pas préparé les investissements pour sécuriser des revenus d’avenir.

Premier point, la France s'est endettée dans des proportions importantes, mais c’est une dette de fonctionnement qui sert à financer les dépenses courantes. Sur les 3000 milliards d’endettement, il y a très peu d’investissements, donc très peu de plus-values et de revenus potentiels à venir.

Deuxième point, cette dette est achetée pour la moitié par des étrangers, donc ce sont les étrangers qui toucheront les revenus. D’ailleurs, les Japonais achètent de la dette française.

Troisième point, les choix budgétaires inévitables pour échapper à un dérapage incontrôlé du déficit ont plutôt tendance à protéger les personnes âgées que l'investissement pour les jeunes. Il existe par exemple , une pression assez forte pour se calmer sur les investissements susceptibles de protéger la planète.

Quatrième point, le montant des investissements étrangers en France est très important. La France s'en félicite parce que ce montant est un marqueur d’attractivité. Donc c'est flatteur, parce que c’est prometteur en termes d'emplois, mais c’est porteur d’un risque de perte de souveraineté. Par ailleurs, les revenus de ces investissements dans dix ans et plus reviendront aux investisseurs qui seront Saoudiens ou Qataris. Quand le Qatar achète de l'immobilier à Paris, acquiert des participations dans l'hôtellerie, l'automobile ou n'importe quelle entreprise du CAC40, le Qatar sécurise une garantie de toucher des revenus le jour où il aura épuisé ses réserves de gaz naturel. Les investisseurs étrangers achètent une promesse de revenus et un pouvoir d'intervention. Ils répliquent là ce qu’a fait le Japon au siècle dernier. La stratégie de la Chine aujourd’hui n’est pas différente. La Chine investit en Occident pour acquérir des positions de pouvoir et des sources de revenus.

Il faudrait évidemment  que la France ait les moyens d’investir à la fois dans l'Hexagone et à l'extérieur, notamment en Asie, en Afrique et en Amérique du Sud. Ce que font les allemands.

L’épargne française, qui est considérable (plus de 3000 milliards d’euros disponibles), ne sert pas à financer ce type d’investissement. Notre épargne sert de « précaution » pour l'avenir alors que nous avons déjà le système social le plus généreux. Ce système social gaspille des ressources au détriment des générations futures alors qu'il devrait les protéger. Le système de retraite par répartition est une caricature de ce qu’il ne faut pas faire. Il nous coûte très cher et nous prive d’avoir des fonds de pension par capitalisation qui permettraient justement de financer l’avenir des retraites futures.

Le secret de la puissance américaine se cache évidemment dans le fonctionnement de ses fonds de pension. Les fonds apportent les moyens d’investir, ce qui sécurise les retraites pour l'avenir. Le secret de la sérénité japonaise est qu'ils ont toujours sécurisé leur retraite en les adossant à des mécanismes de capitalisation.

De tels mécanismes traduisent des choix politiques et collectifs que les gouvernements sont bien obligés d’entendre, (c’est la grandeur de la démocratie) mais ils traduisent aussi une méconnaissance coupable des mécanismes economique.

Quand on voit des partis politiques ou des syndicats se féliciter de l’installation d’usines étrangères en France , ils ont raison .. Quand ils apprennent que l’investisseur est sponsorisé par Black rock , ils grognent un peu …. Mais ce n’est pas pour autant qu’il plaideront pour des fonds de pension par capitalisation lors d’une réforme des retraites . C’est un peu dommage , parce que l’usine en question produira de la richesse au profit de retraites anglo-saxons ou japonnais … alors que … !!!

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