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Avec le nouveau projet de Renault, la France veut sécuriser ses besoins en batterie, mais ne dit pas encore qu’il faudra nécessairement relancer le nucléaire pour les charger
©Ludovic MARIN / AFP / POOL

Atlantico Business

Pour accélérer l’offre de voitures électriques, la France incite les constructeurs automobile à se doter de méga-usines de production de batteries qui assureront la souveraineté, sauf qu’il faudra toujours plus d’électricité pour les charger et la seule solution passera par le nucléaire.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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La France se dote de moyens importants dans la fabrication de batteries électriques pour l’automobile, parmi les plus importants en Europe.

La pression aura été très politique, aussi bien sur Renault qu’elle le fut sur PSA ou Total. Mais cette accélération de la mutation de l’automobile à l‘énergie électrique plonge la France dans un piège dont elle aura du mal à sortir. 

Les données de ce piège sont très simples : 

D’un côté, le remplacement du parc des voitures automobiles, et au-delà de tous les véhicules de la mobilité, est sans doute une belle ambition, sauf que cette ambition mobilise des moyens qui ne sont guère cohérents parce que cette mutation va couter très cher au contribuable. La voiture électrique coute deux fois plus cher que la voiture à essence, mais l’usager n’en a cure puisque c’est l’Etat qui paie le surcoût en subventions et primes de toute sorte. 

D’un autre côté, pour que la voiture électrique puisse rouler, il faut des batteries et 80 % des batteries sont d’origine chinoise. D’où le double piège. 

Se pose donc un double défi. Il faut sécuriser l’indépendance française en batteries, en les construisant nous-mêmes. D’où les projets d’usines dans le nord de la France, ce qui, pour les constructeurs, va couter très cher sans que le résultat carbone soit spectaculaire.

Mais une fois que le parc automobile sera électrifié, il faudra pouvoir recharger ces batteries, ce que les capacités de production électriques ne permettraient pas actuellement ... Donc il faudra relancer le programme nucléaire et notamment les EPR, seul moyen de satisfaire les besoins avec de l’électricité décarbonée et peu chère, puisque la France à la chance historique de posséder une technologie avancée et un parc déjà bien équipé. Mais le nucléaire, la majorité des écologistes sont contre ; alors qu’ils sont les plus pressants pour convertir les voitures. Comprenne qui pourra. En attendant le piège politique est clair, tout comme la facture qu’il faudra présenter aux contribuables.

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Après les élections régionales remportées haut la main, Xavier Bertrand a accueilli en grande pompe, sur ses terres du Nord, le président de la République, pour lui faire visiter ce nouveau site de production de batteries pour voitures électriques. Il s’agit du projet d’une usine Renault, en partenariat avec une entreprise chinoise Envision qui va investir 2 milliards d’euros. Cette usine pourra fournir le gros de la demande de batteries de Renault, notamment celles destinées au cœur de sa gamme électrique : la Zoé ou la nouvelle R5, espérant tabler sur une production annuelle de 400 à 500 000 voitures.

Les Hauts de France accueillaient déjà le projet de batteries entre Peugeot/Total, à Douvrin ; Renault offre cette fois à la région un deuxième projet d’envergure dans la batterie de voitures électriques.Avec ces projets, la région se retrouve donc sous le feu des projecteurs et construit une vraie « Electric Valley ».

Alors que d’ici moins de quinze ans, beaucoup de constructeurs ne proposeront plus à la vente de voiture thermique et que les analystes prévoient que plus d’une voiture en circulation sur deux sera électrique, le nerf de la guerre aujourd’hui, c’est bien la batterie. 

Enjeu de technologie, c’est la batterie qui va déterminer aussi bien le niveau de performance de la voiture, son autonomie, son temps de charge et donc l’usage que va en faire le consommateur, maos la batterie va aussi déterminer l’impact environnemental et le prix que vont afficher les véhicule (30 à 40% du coût de production dépend aujourd’hui du prix de la batterie). 

Autant d’éléments qui joueront dans l’attrait et la demande du consommateur pour le véhicule. La batterie devient ainsi un élément clé, pour le constructeur, de faire la différence avec ses concurrents, donc autant mettre les moyens et en faire la communication.

Jusqu’à très récemment, les constructeurs comptaient surtout sur des sociétés et des productions basées en Asie pour se fournir en batterie parce que les matières premières (et beaucoup de terres rares) se trouvaient là-bas. Avec les pénuries de composants électroniques qui stoppent les lignes de production, cette dépendance est devenue de moins en moins soutenable, et les constructeurs ont multiplié les projets pour s’approvisionner plus directement.

Pour cela, Renault ou Peugeot ne font pas cavalier seul et ont choisi tous deux une alliance avec un partenaire pour gérer cette production. Envision pour Renault, ainsi qu’une startup française, Verkor, qui va plus fournir les batteries destinées au haut de gamme ; et Total pour Stellantis.

En revanche, les constructeurs allemands préfèrent eux, adopter une autre stratégie. Volkswagen aimerait produire la plupart de ses batteries en interne, alors qu’il vise le tout électrique dès 2035.  Alors que Volkswagen était loin d’être un pionnier en matière d’électrification, les moyens financiers et logistiques mis sur la table sont ultra- conséquents : près de 10 milliards d’euros et une demi-douzaine d’usines sont prévues ; et le constructeur privilégie les installations allemandes.

C’est aussi le cas des constructeurs américains. Dans sa stratégie d’intégration verticale, Tesla produit quasiment tout en interne, et surtout ses batteries, même s’il les produit au plus près des marchés de destination (il a une usine en Chine et une en Allemagne). Et General Motors a présenté il y a peu son propre modèle de batterie.

Alors, la France a évidemment beaucoup de bonnes raisons de se lancer dans l’industrie de la batterie. D’abord, quoiqu’on en dise, le précédent Bridgestone  (usine de production de pneus japonaise, qui a récemment fermé son usine, trop vieille, non sans avoir été aidée par la région) n’a pas chamboulé l’attractivité du territoire français. Les entreprises étrangères sont toujours désireuses de s’installer en France. Envision, entreprise sino-japonaise, recevra ainsi 10% du montant de son projet en subventions publiques. Le gouvernement continuera de pousser l’électrique et les sociétés pourront compter également sur le crédit impôt recherche. 

Ensuite, la France dispose d’une électricité bon marché et propre. Passer au tout électrique est une belle ambition mais ne peut se faire sans penser à l’approvisionnement en électricité que les batteries demandent. Il y a un non-sens, dès lors, à faire baisser la part du nucléaire dans le mix énergétique mais aussi la production effective du nucléaire est en baisse (-11% de 2019 à 2020). D’où les projets dont personne n’ose parler de centrale EPR pour répondre aux nouveaux besoins. Il faudra une réelle réponse politique pour trancher sur le nucléaire. Et sans tomber dans le cynisme pur et le machiavélisme, la campagne intense pour l’électrification pourrait avoir été conçue et fabriquée pour rendre incontournable le nucléaire. 

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