Au fait, à quoi est utilisé le budget européen ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Un accord sur le budget européen pour la période 2014-2020 est discuté à partir de ce jeudi à Bruxelles.
Un accord sur le budget européen pour la période 2014-2020 est discuté à partir de ce jeudi à Bruxelles.
©Reuters

Budget européen

Ce jeudi et jusqu'à vendredi, les dirigeants européens sont à Bruxelles pour trouver un accord sur le budget européen pour la période 2014-2020.

Jean-Luc  Sauron

Jean-Luc Sauron

Jean-Luc Sauron est professeur associé à l'Université Paris-Dauphine.

Voir la bio »

Atlantico : En novembre dernier, les 27 s'étaient séparés sans accord après deux jours de négociations infructueuses. A quoi sert exactement le budget européen ?

Jean-Luc Sauron : Le budget européen vise principalement deux objectifs : le renforcement de la compétitivité (innovation, recherche, développement des réseaux de transports et des interconnections énergétiques) et de la cohésion (les fonds structurels pour venir en aide aux régions les moins développées) pour près de 45% des dépenses ; les aides à l'agriculture et au développement rural (Politique agricole commune -PAC-) pour près de 43% des dépenses. Le reste concerne les dépenses liées aux questions de sécurité intérieure (un peu plus de 1%), de sécurité extérieure (l'UE comme acteur mondial pour plus de 5%) et près de 6% pour les dépenses administratives relatives au fonctionnement des institutions européennes.

Le total de ces sommes représente, pour une année, environ 145 milliards d'euros soit 1% du RNB de l'UE. C'est un chiffre vraiment très faible: 244 euros par citoyen et par an pour les 502 millions d'Européens. A titre de comparaison, le coût annuel du chômage des jeunes en Europe (18/35 ans) revient à 150 milliards d'euros (soit 1,2% du RIB). Surtout, 64% de ces dépenses sont effectués au bénéfice des Etats membres de l'Union européenne, et seuls 6% pour le fonctionnement de l'administration de l'UE. Quel budget d'un des 27 Etats membres pourrait se prévaloir d'un tel pourcentage consacré aux investissements et d'une si faible part utilisée pour son fonctionnement ?

La vraie difficulté provient de l'origine des recettes utilisées : elles sont à près de 90% d'origine nationale (contributions nationales, pourcentage de TVA). Les Etats gagnent même de l'argent en recouvrant les droits de douane au bénéfice de l'Union. Ils gardent 25% des droits recouvrés pour leurs frais administratifs ! Mais surtout, l'origine nationale des recettes conduit les Etats à faire prédominer les préoccupations nationales (PAC notamment) sur des objectifs réellement européens, c'est-à-dire conçus au regard des besoins du continent européen tout entier. L'effet levier, favorable à la croissance, est gommé par cette myopie quant aux objectifs.

Le budget européen est daté. Il ne vise qu'à prolonger les priorités nationales, ou plutôt du tiers (7 ou 8 Etats) le plus politiquement influent, sans être pensé pour le développement de la totalité. En réalité, la bataille sur son chiffrage n'est qu'un leurre pour empêcher les opinions publiques de s'intéresser à la seule question qui vaille : son efficacité investissements/résultats.

Les sommes distribuées par le budget européens sont-elles plus importantes pour certains pays que pour d'autres ? 

Il serait fastidieux de faire le pointage Etat par Etat. Il est possible de souligner que les plus gros contributeurs du budget (Allemagne, France, Italie, Grande-Bretagne) sont des contributeurs nets (ils versent plus qu'ils ne reçoivent). Il s'agit des économies les plus importantes de l'Union européenne. Les Etats bénéficiaires sont principalement la Pologne, la Grèce, l'Espagne et le Portugal. Grande découverte de pointer que l'argent passe des économies développées aux économies en croissance ! Le budget européen répare les blessures de l'histoire. Il a commencé par panser les plaies de la Seconde guerre mondiale (France, Allemagne, Italie, Bénélux). Puis il a permis aux Etats soumis à la régression sociale des économies sous dictature militaire (Grèce, Espagne, et Portugal) ou communiste (pays d'Europe centrale et orientale) de reconstruire une société de progrès sociale par le partage économique. La source des économies n'est pas là. Elle doit être trouvée au sein des objectifs choisis et des financements nouveaux pour dénationaliser la définition et la conduite des priorités budgétaires.

Les négociations sur le budget européen sont-elles toujours tendues ? Quelles sont les positions historiques de chaque pays ?Y-a-t-il eu des évolutions ?

Les négociations ont toujours été difficiles. Les négociations ou marathon budgétaires annuels couvraient tout le second semestre de l'année de juillet à décembre. Le système actuel, qui définit les dépenses et donc les recettes pour sept années après avoir semblé faciliter les choses, s'est grippé à son tour. Le véritable tournant n'est pas de l'unique responsabilité britannique du fait de leur chèque et de leur volonté de ne pas payer plus que ce qu'ils reçoivent. Il tire son origine de de la volonté "imbécile", à courte vue (un oxymore pour un Etat) des Etats européens de 1995 de vouloir élargir l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale en 2004 sans en payer le prix. L'Europe subventionnaire a disparu alors et la volonté continue des dirigeants de la vieille Europe (celle d'avant 2004) a obligé les nouveaux Etats à financer leur croissance par le dumping social et fiscal. Les futurs élargissements aux pays des Balkans suivent cette même stratégie "bête". L'Europe de 1995 a voulu s'acheter le marché des anciens pays communiste en déboursant le minimum.

La France a peu à peu glissé des dépensiers (Pologne, Italie, Espagne) aux économes (Allemagne, Finlande, Autriche, Pays-Bas), camp qu'elle a définitivement rallié le 18 décembre 2010 lorsqu'elle a signé avec les autres contributeurs nets (Allemagne, France, Royaume-Uni, Pays-Bas et Finlande, représentant à eux cinq 55% des recettes) un courrier exigeant une stabilisation, voire une diminution des dépenses. Mais voilà, la France reste la France : une moitié économe et l'autre attachée à sa grandeur et sa générosité. Ceci explique que la France défende à la fois une diminution raisonnable des dépenses et le maintien de la PAC, des aides régionales aux Etats en difficultés et une relance par la croissance.

Le summum de l'aberration se situe dans la position actuellement en débat jeudi et vendredi lors du Conseil européen des 7 et 8 février 2013. Il manque 9 milliards d'euros pour payer des dépenses réalisées l'année dernière (Erasmus, Fonds social européen , Programme d'aide aux plus démunis, etc.). Aucune de ces dépenses n'est discutable ou socialement contesté quant à leur utilité. La proposition avancée par le Président Van Rompuy comporte plus de dépenses prévisibles (crédits d'engagement sur plusieurs années) que de dépenses engageables ou activables sur 2013 (crédits de paiements). Autrement dit, à l'époque de la règle d'or, le budget européen se voterait en déficit, sans compter le reliquat de 9 milliards précités ! Qui se demande après pourquoi les citoyens s'écartent de l'Europe : la société du spectacle a gangrené le jeu politique européen.

Il serait sans doute intelligent de lancer une convention parlementaire, composée de parlementaires nationaux et européens, pour définir une juste articulation entre les efforts des uns et des autres et le niveau où il doit s'exercer (national ou européen). Bref, tourner le dos aux jeux de scènes auxquels nous allons assister les 8 et 9 février 2013.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !