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Guerre de l’assurance santé : 
les Républicains auront-ils 
la peau de la réforme d'Obama 
devant la Cour suprême ?
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On achève bien les chevaux

C'est ce lundi que la Cour suprême américaine doit rendre son verdict sur la réforme de l'assurance maladie d'Obama, jugée "socialiste" par les républicains.

Anne Deysine

Anne Deysine

Anne Deysine est juriste (Paris II) et américaniste. Spécialiste des questions politiques et juridiques aux Etats-Unis, elle est professeur à l'université Paris-Ouest Nanterre. Enseignant aussi à l'étranger, elle intervient régulièrement sur les ondes d'Europe 1, RFI, France 24, LCI... Auteur de plusieurs ouvrages, dont "La Cour suprême des Etats-Unis" aux éditions Dalloz, ses travaux sont consultables sur son site Internet : deysine.com.

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Etat des lieux

La loi sur la santé a vécu des mois difficiles au Congrès avant d’être finalement adoptée mais le combat a continué aux Etats-Unis. Dès son adoption, la loi a donc fait l’objet de recours en inconstitutionnalité par 26 ministres de la justice d'États, dans leur grande majorité dirigés par des républicains. Puis la cour suprême a non seulement accepté de se saisir de l’affaire mais elle a décidé, fait rarissime, d’y consacrer trois jours d’arguments oraux fin mars 2012, quand la norme est deux fois une demi heure. Trois points sont en jeu qui ont chacun fait l’objet d’une session d’audience, le point de savoir s’il s’agit d’une penalty (sanction financière imposée à ceux qui ne souscriraient pas l'assurance obligatoire) ou d’ un impôt (tax), la question de l’extension du Medicaid et l’obligation de s’assurer (le mandate) qui pèse sur chaque citoyen.

Ce dernier volet, le plus médiatisé, est sur le plan de la logique purement comptable le seul moyen d’assurer la viabilité du système. Car s’il est possible de ne contracter une assurance maladie que lorsque l’on est malade, seuls les malades s’assureront avec pour résultat inévitable une augmentation des primes et une implosion du système. C'est d'ailleurs ce qui s'est passé dans ce cas de figure au Kentucky en 1994. A contrario le Massachusetts, lorsque le « candidat » Romney était gouverneur et c’est l’une des ironies de l’affaire, a adopté une réforme de la santé prévoyant une assurance obligatoire et les primes auraient baissé de 40 %. Pourtant le système est contesté par les républicains et les adversaires de toute intervention du pouvoir fédéral qui prétendent, ce qui est factuellement inexact, que le système mis en place est une « socialisation » de la couverture maladie. Ils ont financé pour 200 millions de dollars de publicités à la télévision, ce qui explique que parmi ceux qui bénéficient effectivement de la loi, bon nombre souhaitent que la cour invalide le texte.

Enjeux juridiques et politiques

Quoiqu’il en soit, ce sont des arguments juridiques qu’entend la juridiction suprême ; et les opposants à la loi fondent leur recours sur la clause du commerce (qui fait partie des pouvoirs énumérés du congrès (à l’article I, section 8). Mais le terme commerce est hautement ambigu et a été interprété de façon étroite jusqu’ à 1937 puis largement ensuite.

Si le texte est invalidé, c’est l’œuvre emblématique du mandat Obama qui tombe mais c’est aussi pour lui l’opportunité de mettre en lumière le choix de société entre Démocrates et Républicains et de ré-énergiser les troupes démocrates déçues. Si la loi est validée, les républicains crient au scandale mais ils sont assurés de collecter des millions de dollars qui vont venir alimenter les SuperPacs (ainsi 10 millions de dollars versés le 14 juin par le millionnaire Adelson) si puissants et si irresponsables et obtenir, à défaut de la Maison Blanche, une belle majorité au Congrès.

Un réel enjeu pour la Cour et son président, le Chief justice Roberts

Le dernier enjeu est interne à la Cour suprême et est lié au rôle du Chief Justice Roberts et à son image bien malmenée. Confirmé par le Sénat en tant que juge modéré s’engageant à respecter les précédents et se refusant à légiférer « from the bench », il a fait l’objet de très vives critiques de la part du Président Obama, de la gauche et des médias en raison du rôle direct qu’il aurait joué dans la décision Citizens de 2010 qui a justement ouvert la porte aux super Pacs. C’est devenu une polémique quasi grand public via deux articles dans la puissante et respectable New York Review of Books. Dans ce contexte, Roberts va sans doute chercher à ce que la Cour ne prenne pas sa décision (d’invalidation ou de validation) à la hautement politique majorité de 5 contre 4.

On peut donc imaginer que, malgré les questions critiques et sarcastiques posées lors des audiences de mars par certains juges (dont lui-même et le caustique juge Scalia), la loi sera validée et peut être même par 6 voix (dont celle de Roberts) contre 3, en grand partie pour faire taire les accusations de politisation de la cour. Celles-ci nuisent à la crédibilité d’une institution généralement révérée. Cet élément devrait peser sur la décision finale mais l’annonce de la décision, quelle qu’elle soit, risque de mécontenter l’opinion publique et sonnera le début d’un nouveau « round » entre les démocrates et les républicains.

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