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L'assemblée générale des Nations-Unies à New York, le 23 février 2023
L'assemblée générale des Nations-Unies à New York, le 23 février 2023
©TIMOTHY A. CLARY / AFP

Fracture

Lors de l’Assemblée générale de l’ONU, les membres permanents du Conseil de sécurité se sont illustrés par leur absence. Seul le président américain Joe Biden était bien présent

Michel Duclos

Michel Duclos

Michel Duclos est diplomate et conseiller spécial en géopolitique pour l'Institut Montaigne. Il est notamment l'auteur de la note Syrie : en finir avec une guerre sans fin et de La Longue Nuit Syrienne (Éditions de l’Observatoire, 2019).

De 1984 à 1987, il occupe le poste de Directeur-adjoint du Centre d’Analyse et de Prévision du Ministère des Affaires étrangères, de 2000 à 2002, il est ambassadeur au COPS à Bruxelles, de 2002 à 2006 il est représentant permanent-adjoint de la France auprès des Nations Unies, de 2006 à 2009, il est Ambassadeur en Syrie, puis en Suisse de 2012 à 2014.

Michel Duclos est diplômé de l'Ecole Nationale d'Administration (ENA).

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Bernard Miyet

Bernard Miyet

Bernard Miyet a dirigé les Opérations de maintien de la paix de l’ONU pendant trois ans, entre 1997 et 2000. Il est aujourd’hui président de l’Association française des Nations Unies.

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Atlantico : Les grandes puissances n’y sont pas, rivalité entre Chine et Etats-Unis, montée en puissance des BRICS, guerre en Ukraine… les points de discorde ne manquent pas. Peut-on parler d’une fracture au sein de l’ONU ?

Michel Duclos : Ni la Russie, ni la Chine, n’ont l’habitude d’être représenté. La seule différence par rapports aux années précédentes, c’est qu’il n’y a ni le Président de la République ni le premier ministre britannique. Ça donne l’impression que les grandes puissances se détournent des nations unies. Mais c’est inexact ! Cette année, Rishi Shunak et Emmanuel Macron avaient exceptionnellement des raisons de ne pas y être.

Bernard Miyet : Il est évident aujourd’hui que la montée en puissance de la Chine et la volonté d’un certain nombre de grands pays émergents de faire entendre leur voix changent la donne. On revient à des situations nouvelles de blocage du fait de l’émergence des BRICS Et ceci va naturellement durer.

Est-ce que l’institution fonctionne bien ? L’ONU doit-elle évoluer ?

Michel Duclos : J’ai longtemps pensé que la paralysie du conseil de sécurité ne signifiait pas l’obsolescence de l’ensemble de l’institution. D’autant plus que cette paralysie du conseil de sécurité a été la norme dans l’histoire. Pendant toute la période de la guerre-froide, c’était la même situation qu’aujourd’hui. Donc la période pendant laquelle le conseil de sécurité a joué un rôle important, ça n’a pas duré plus d’une dizaine d’années. 

Pendant longtemps, l’assemblée générale a joué un rôle moins visible, moins déterminant que le conseil de sécurité. Mais un rôle important, notamment dans le processus de décolonisation. L’assemblée générale c’était principalement l’assemblée des pays qui accédaient à l’indépendance. C’était un des attributs de l’indépendance et c’est pour ça que c’était si important de s’exprimer à l’assemblée générale. 

Aujourd’hui, ces schémas, ces soubassements du système international sont en train d’être dépassés et sont remplacés par quelque chose de nouveau. D’un côté le G7 (le club des pays occidentaux riches), le G20 et les BRICS élargies (les puissances émergentes). Donc là, il y a un paysage nouveau et on ne sait pas très bien si ça va jouer comme un élément de revitalisation des nations unies ou au contraire comme un coup qui accélère l’obsolescence de l’institution. 

A quoi sert encore l’ONU ? 

Bernard Miyet : Les nations-unies, c’est d’abord une galaxie. On a souvent trop tendance à se concentrer uniquement sur le conseil de sécurité et se dire à chaque fois qu’il y a un blocage : c’en est fini de l’ONU !

Hier au conseil de sécurité, si Poutine n’était pas là car il n’a pas le droit de sortir de son pays ; Xi Jinping n’était pas là non plus. Je rappelle d’ailleurs que les présidents russes et chinois n’étaient pas présents au sommet des BRICS en Inde. Ce qui est un élément. Emmanuel Macron et Rishi Sunak sont absents mais ne boudent en aucun cas les nations unies. 

Vous avez le Président Lula pour le Brésil, Ramaphosa d’Afrique du Sud, Erdogan pour la Turquie, les indiens… Il y a toujours une demande très forte de tous ces pays d’un retour à une forme de multilatéralisme à revisiter. C’est-à-dire que ce ne soit pas un multilatéralisme contrôlé, parfois instrumentalisé, uniquement par des pays occidentaux et en particulier par les Etats-Unis. 

Michel Duclos : Posons-nous une autre question. S’il n’y avait pas l’ONU ? Il n’y aurait aucun forum universel. Il n’y aurait aucun endroit où les nations peuvent dialoguer et se disputer. Rien que ça, c’est capital ! Sans compter le rôle des agences qui n’a pas diminué. Par exemple, C’est toujours l’AIEA qui donne le « La » sur la prolifération nucléaire. Tout ce côté-là reste utile et pertinent 

Le dernier G20 n’a rien donné, l’ONU est en panne… Comment faire face aux défis politiques ou environnementaux qui concernent la planète toute entière ? 

Bernard Miyet : Vous avez à partir d’aujourd’hui un sommet sur les conditions climatiques à l’assemblée générale présidé par le secrétaire général. C’est là que ça se passe ! C’est là que les discussions se font et que les pressions s’exercent. Mais il est évident que si quelques grands pays, aussi bien du sud que du nord, bloquent les choses ; ça peut avancer difficilement. Les intérêts nationaux sont puissants. Les blocages sont là

Vous avez aussi au sein du système des nations-unies, beaucoup d’attente sur les problèmes des objectifs du développement durable. Sur les grands sujets internationaux, il n’y a que l’ONU. C’est la seule organisation légitime et représentative de l’ensemble des pays du monde. Vous n’en avez aucune autre. Elle est bloquée, mais elle reste incontournable et irremplaçable. Tous ceux qui imaginent ou rêvent de pouvoir reconstruire quelque chose à partir d’une table rase se font des illusions. Cela voudrait dire des négociations qui n’aboutiraient jamais et qui ne seraient pas en mesure de remplacer ce qui est demandé aujourd’hui. Lorsque vous posez la question à l’ensemble des pays du sud, tous revendiquent que l’ONU retrouve son rôle mais surtout que les grandes puissances acceptent de jouer le jeu. Il faut donc faire en sorte qu’elle puisse évoluer dans le bon sens

Michel Duclos : Il y a un affrontement plus grand qu’auparavant mis en lumière par l’axe Moscou-Pekin, opposé à Washington et aux alliés de l’Amérique. Dans cette nouvelle configuration, il est capital d’identifier les terrains d’entente possibles et nécessaires. S’il n’y a pas un minimum d’unité sur l’écologie, la planète va au désastre. C’est vrai pour d’autres domaines comme l’espace ou encore la biodiversité.

Emmanuel Macron a eu une très bonne initiative avec le forum de Paris pour la paix qui va se tenir au mois de novembre. C’est une enceinte pour rassembler les États autour des biens communs de l’humanité.

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