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Asie centrale : l'Ouzbékistan, un allié de choix pour la France
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Retour à Samarcande

Alors que le spectre de la guerre civile plane sur l'Afghanistan voisin, l'Ouzbékistan, qui a bénéficié d'un très ambitieux train de réformes sociales, institutionnelles et économiques, s'impose comme un pôle de stabilité dans la région centre asiatique – et un allié de poids pour Paris.

Jean Lévy

Jean Lévy

Ancien élève de l’ENA et diplomate, Jean Lévy a été conseiller diplomatique adjoint de François Mitterrand. Ancien Ambassadeur de France, il rejoint le secteur privé de 2005 à 2013, avant d’être rappelé par Laurent Fabius pour prendre les fonctions d’Ambassadeur pour le Sport au Quai d’Orsay.

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Ce lundi 30 août, le président de la République s'est entretenu avec son homologue ouzbek, Shavkat Mirziyoyev. L'actualité tragique en Afghanistan, pays frontalier de l'Ouzbékistan, récemment reconquis par les Talibans et endeuillé par le sanglant attentat de jeudi dernier, a retenu l'attention des deux chefs d'État. Priorité de la très active diplomatie ouzbèke, le dossier afghan est d'un intérêt stratégique pour Tachkent, au croisement d'enjeux sécuritaires et économiques. L'importance d'établir une interaction et d'intensifier les échanges sur la sécurité et la stabilité régionales a notamment été soulignée par les deux présidents.

Modernisation et démocratisation

Symboliquement cet appel téléphonique a eu lieu la veille de la fête nationale ouzbèke, qui célèbre l'indépendance du pays, obtenue le 1er septembre 1991. La France de l’époque, en la personne de François Mitterrand, peut d'ailleurs s’enorgueillir d'avoir été la première puissance occidentale à organiser, dès 1994, un voyage d’État en Asie centrale et notamment en Ouzbékistan. Un déplacement auquel j'ai eu la chance de participer et qui a permis aux Français présents de prendre la pleine mesure du formidable potentiel de ce pays aussi original qu'injustement méconnu, situé aux confins des mondes russe et musulman, aux portes d'une Chine qui faisait encore partie du « tiers-monde » – et très francophile.

Les espoirs que nous avions alors dans ce pays n'ont pas été déçus. Avec une croissance prévisionnelle de 5% en 2021, l'Ouzbékistan fait, trente ans après ce premier voyage officiel, partie du club très fermé de ces pays dont l'économie n'a que peu souffert de la crise liée au coronavirus. Et pour cause : au-delà des milliards de soums (la monnaie locale) injectés dans l'économie pour absorber le choc de la crise sanitaire, l'Ouzbékistan s'est lancé, sous l'impulsion de son président, dans une série de réformes inédites, mettant en œuvre plus de chantiers en une poignée de mois qu'au cours des vingt-cinq premières années d'indépendance. Démocratisation du fonctionnement de l'État, lutte contre la corruption, renforcement du Parlement, amélioration des services publics et développement des partis politiques et ONG : voici les « 5 axes en 5 ans » qui doivent transformer en profondeur l'État et la société ouzbèke.

Ces efforts de modernisation démocratique sont doublés d'une audacieuse politique de privatisation de l'économie. Encore très dépendant des exportations de matières premières (gaz, coton, or, uranium...), l'Ouzbékistan, dont plus de la moitié du PIB repose sur des entreprises publiques, s'ouvre ainsi progressivement aux capitaux étrangers. Les investisseurs internationaux savent pouvoir compter sur la tradition agricole et industrielle du pays, dont les autorités ont réorganisé, diversifié et modernisé l'appareil productif, en misant sur les secteurs de la pétrochimie, de l'électricité, de la métallurgie ou des produits pharmaceutiques. Non sans succès : entre 2016 et 2019, la croissance cumulée de l'industrie ouzbèke a atteint 124,3%, et la part des produits industriels dans les exportations du pays est passée de 9,3% à 12,7%. Un « Nouvel Ouzbékistan », comme le proclament les autorités locales, censé incarner la modernisation de l’économie et la démocratisation du pays.

D’ailleurs actuellement avec la participation de grandes entreprises françaises, des projets prioritaires sont mis en œuvre dans le complexe minier, dans les domaines de l'énergie, de l'industrie, des transports et communications, de la modernisation des services publics, du développement des clusters touristiques…

Un allié de poids pour la France

Ces efforts ne poursuivent qu'un objectif : refaire de l'Ouzbékistan un acteur incontournable du XXIe siècle, le replacer au centre d'un échiquier international plus ouvert et incertain que jamais. Et redonner à cette nation, à tort perçue dans nos contrées comme en marge du monde, le prestige qui était le sien aux IX-XIIes siècles et XIV-XVes siècles, quand elle s'imposait, avec ses riches marchands et fins lettrés, comme un carrefour inévitable sur l'historique route de la soie, à la jonction des sphères d'influence perse, indienne et chinoise. De cette grandeur passée subsistent encore d'émouvants témoignages, tels que les splendeurs de la légendaire Samarcande, désormais inscrites au patrimoine mondial de l'UNESCO. 

Demeure une question: l'Ouzbékistan d'aujourd'hui a-t-il les moyens de son ambition historique ? Ce qui est sûr, c’est que la nation de Tamerlan le conquérant apparaît comme un pôle stratégique au sein d'un monde en recomposition. En plein renouveau, le pays est aujourd'hui l'un des rares à avoir su allier, en Asie centrale, démocratisation, stabilité politique et modernisation économique. Alors que l'Afghanistan s'enfonce à nouveau dans le chaos et la spirale mortifère de la guerre civile, l'Ouzbékistan représente, à n'en pas douter, plus que jamais, un allié que la France se doit de traiter avec les plus grands égards. C’est d’ailleurs dans cet esprit qu’un accord a été conclu pour organiser des événements culturels communs de haut niveau, dont une exposition sur le patrimoine culturel et historique ouzbek au Musée du Louvre au cours de l'année prochaine.

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