Après le diesel, les parkings : l’Etat prend le risque de créer une nouvelle taxe sur le stationnement en Ile-de-France <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Après le diesel, les parkings : l’Etat prend le risque de créer une nouvelle taxe sur le stationnement en Ile-de-France
©RICHARD BOUHET / AFP

Attention danger

C’est la surprise de fin d’année de la part du gouvernement : les députés ont voté une taxation des parkings commerciaux en Ile-de-France. Elle sera instaurée dans le cadre du projet de loi de finances 2019 et devrait atteindre les 7 euros par an et par mètre carré d’ici 2022.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

Voir la bio »

Atlantico : Mais à quoi vont servir les fonds obtenus grâce à cette taxe ?

Michel Ruimy : Déjà, en 2011, les surfaces de stationnement liées à des locaux commerciaux concernés par la taxation avaient été ajoutées à l’assiette de la Taxe sur les bureaux. Cette nouvelle extension aux parkings commerciaux qui pullulent à Paris et autour de la capitale devrait rapporter entre 20 et 30 millions d’euros de recettes supplémentaires.

Voilà un « cadeau » de fin d’année dont les professionnels du stationnement en Île-de-France, comme Vinci, Indigo, Effia, Q-Park…se seraient bien passés. 

L’objectif de ce prélèvement est de générer des ressources supplémentaires pour abonder le financement des innovations en cours en matière de transports en commun en Île-de-France - construction des lignes de métro du Grand Paris Express -, chantier dont les coûts ont largement dérapé. Pour rappel, l’apport de la taxe sur les bureaux au financement du Grand Paris est estimé à 320 millions d’euros par an.
Ce texte, voté en première lecture, passé tout d’abord inaperçu, provoque, sans surprise, la colère des professionnels car cette taxe n’est pas anecdotique. 

Depuis l’annonce du gouvernement, les professionnels du secteur font grise mine. A terme, une hausse des taxes devrait entraîner une hausse des coûts pour les automobilistes et le contribuable. 

Le gouvernement se dirige-t-il vers une dérive de la taxation ? 

Il faut rappeler que déjà, un garage ou un parking sont éligibles à la taxe d’habitation. Cet impôt local sert à financer les services rendus par la commune aux habitants comme, par exemple, les transports en commun ou les équipements sportifs. Un deuxième type d’impôts locaux les concernant est la taxe foncière. 

Précisons que le texte qui vient d’être voté prévoit également d’augmenter de 10% le tarif de la Taxe sur les bureaux actuellement en vigueur en Île-de-France, excepté en première circonscription ! Dès lors, cela semble être, en apparence, une dérive de la taxation et cela risque, à terme, d’être économiquement insupportable.

Mais il faut bien dire, à sa décharge, que le Gouvernement doit trouver les 10 milliards qu’il vient de « lâcher » pour satisfaire les revendications des « gilets jaunes ». Il a alourdi son endettement à moyen terme de 5 milliards, il faut donc trouver 5 milliards. En fait, il « déshabille Pierre pour habiller Paul » car il faut bien comprendre que l’Etat n’a plus de marges de manœuvre financières et budgétaires. En l’absence de croissance vigoureuse, notre endettement public, qui frise les 100% de notre Produit intérieur brut (PIB), a progressé de 35 points de PIB au cours des dix dernières années, passant de, en gros 64% du PIB en 2007 à un peu plus 99% en 2017. Quant à notre déficit budgétaire, il est proche de 3% du PIB. 

Notre situation est digne de celle d’un acrobate. Nous vivons au-dessus de nos moyens ! Nos dépenses excèdent nos recettes. Plus que les 3% du PIB, il faut dire que l’Etat dépense environ 20 à 25% de plus que ses recettes. Donc, tant qu’il ne se réformera pas en profondeur, nous verrons apparaître des « mesurettes » pour satisfaire certaines revendications au risque d’exaspérer encore plus la population des contribuables. 

Le mouvement des gilets jaunes est né suite aux annonces de l’Elysée sur la taxe sur le carburant, ses partisans réclament entre autres, une baisse massive des taxes.

Cela ne risque-t-il pas d’aggraver la situation ?

Le conflit social s’est calmé, mais il n’est pas résolu, donc pas terminé. Même si la mobilisation des « gilets jaunes », qui s’opposent aux mesures fiscales annoncées par le gouvernement, s’essouffle, il n’est pas certain que ce nouveau prélèvement détende l’atmosphère, même si cela ne concerne, pour l’instant, que l’Île de France. La région parisienne pourrait jouer, en effet, le rôle du « premier de cordée » en la matière.

Déjà, ce sont vraisemblablement les automobilistes qui risquent d’en subir les conséquences via une augmentation des tarifs horaires et d’abonnements dans les parkings commerciaux visés par la taxation. Selon la Fédération nationale des métiers du stationnement et le Conseil national des professions de l'automobile, cette décision se traduirait par des hausses significatives de tarifs : 5 à 20% à Paris et jusqu’à 30% dans les autres communes d'Île-de-France. Pour les usagers réguliers des parkings, le surcoût pourrait se monter à environ 150 euros par an.

Par ailleurs, pour certains petits opérateurs, ce sera peut-être la goutte d’eau qui fera déborder le vase et les conduira au dépôt de bilan. Et les professionnels du secteur ne seront pas les seuls touchés. Les communes qui gèrent leurs parkings en régie ou en délégation de service public voire encore les hôpitaux qui font payer le stationnement aux visiteurs sont eux aussi concernés. Dans tous les cas, l’automobiliste ou le contribuable risquent d’être mis encore à contribution pour compenser cette nouvelle taxe.

Aujourd’hui, nous percevons toute la créativité de nos dirigeants et de leurs conseillers technocrates, leur habilité de magicien à sortir de leurs manches de nouvelles réglementations fiscales, à élever les taux et élargir les assiettes, associée à la dextérité du jongleur en faisant tourbillonner les décotes, les seuils, les planchers, les plafonds, les abattements, les exonérations.

Soyons ambitieux, révisons les grammaires sociales et fiscales pour les rendre plus efficaces et plus justes. Il ne faut pas se dire à quand la stabilité fiscale tant de fois promise ? mais plutôt à quand la refonte globale et simplificatrice de nos systèmes fiscaux vieillissants ? Faisons vite, car l’hypoxie fiscale est pour bientôt ! Demain, c’est aujourd’hui et le mouvement des « gilets jaunes » en est un signe.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !