Antibiotiques : les raisons derrière l’échec des efforts pour en réduire la consommation<!-- --> | Atlantico.fr
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La consommation d'antibiotiques est repartie à la hausse.
La consommation d'antibiotiques est repartie à la hausse.
©Reuters

Pas automatique

Alors que les campagnes de diminution de la consommation d'antibiotiques avait diminué de près de 11%, cette tendance est repartie à la hausse depuis 2010. Une fluctuation qui trouve son explication dans l’essoufflement des campagnes de communication, beaucoup moins portées pour les plus récentes. Un enjeux pourtant majeur pour la santé publique.

Didier Tandé

Didier Tandé

Didier Tandé est praticien hospitalier au CHU de Brest. Docteur en pharmacie, il est spécialisé dans les questions d'antibiotiques.

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Atlantico : L'Agence nationale pour la sécurité du médicament a récemment publié un rapport sur l'évolution de la consommation d'antibiotiques par les Français. Si elle avait bien diminué de 10,7%,  une augmentation significative de 5,9% est apparue entre 2010 et aujourd'hui. Comment expliquer cette fluctuation ?

Didier Tandé : Le rapport sur la consommation des antibiotiques en France publié en  2014, décrit les évolutions des consommations de 2000 à 2013. Si la baisse est réelle sur ces13 années (-10,7%) on est tenté de voir le verre à moitié vide avec une augmentation de 5,9% depuis 2010. La France se situe toujours parmi les pays européens les plus consommateurs d’antibiotiques. C’est en ville que l’on consomme le plus d’antibiotique (90% de la totalité) et la principale cause de prescription reste les affections des voies respiratoires (70%). On peut supposer qu’une bonne partie de ces prescriptions est réalisée pour des infections virales qui ne justifient évidemment pas une prescription d’antibiotique.

A l’hôpital les tendances sont les mêmes, après une baisse significative de la consommation dans les premières années il y a de nouveau une augmentation des prescriptions. Il semble que les effets de la première campagne contre la surconsommation d’antibiotique s’estompent. Le gain a été important dans les premières années car nous partions de loin ! La deuxième campagne avec un slogan bien moins percutant que le fameux ‘’les antibiotiques c’est pas automatique’’, semble moins efficace tant vis-à-vis des médecins que vis-à-vis des patients. Les molécules les plus prescrites telles les céphalosporines de 3ème génération ou les carbapénèmes sont responsables de la sélection de bactéries de plus en plus résistantes à l’hôpital bien sur mais aussi en ville.

En quoi les différentes campagnes menées par les autorités publiques ont-elles été déficientes, que ce soit à l'adresse du grand public ou des préscripteurs ?

Autant la 1ère campagne avait eu de l’impact autant la deuxième est passée inaperçue. Des incitations sont adressées aux hôpitaux pour une meilleure maitrise des consommations mais sans les moyens pour une réussite de ces plans, il est fort à parier que l’objectif des  -25% de baisse du plan 2011-2016 ne sera pas atteint.

Quelles sont concrètement les lacunes qui ont influencé cette augmentation de la consommation d'antibiotiques ?

De multiples facteurs me semblent pouvoir être incriminés dans cette augmentation de la consommation des antibiotiques. La formation médicale n’est pas au niveau en ce qui concerne la gestion des infections bactériennes. Tous les médecins peuvent prescrire des antibiotiques sans pour autant posséder les connaissances microbiologiques et les connaissances cliniques en infectiologie nécessaires à une bonne utilisation de ces molécules. La méconnaissance, entre autres, des mécanismes de résistances des bactéries, de l’épidémiologie des résistances, des propriétés des molécules antibiotiques conduit au mésusage des antibiotiques. Il existe bien sur des protocoles et des référentiels mais si leurs compréhensions et leurs appropriations par les médecins prescripteurs ne sont pas correctes, ils perdent de leur efficacité.

Par quelle mesure alors pourrait-on y remédier ?

Plus que des référentiels et des textes il me semble nécessaire d’installer des ‘’référents antibiotiques’’ à la disposition de leur confrères. Installer le dialogue entre les gens est une chose difficile ! Il faut aussi tenir compte du fait que les bactéries évoluent ; ce qui était vrai hier ne l’est plus aujourd’hui. Outre la formation initiale il est donc indispensable de promouvoir une formation continue ciblant l’usage des antibiotiques vraiment efficace. Il n’y a probablement pas non plus assez d’analyse critique et de retour vers les prescripteurs des causes d’échec de ces plans. Il faut donc des outils pour analyser ces mauvaises prescriptions à l’échelle individuelle afin de responsabiliser les prescripteurs. Faute de quoi la situation continuera à dériver car le globalement bon ou le globalement mauvais ne permettront pas de progresser.

Il faut aussi donner les moyens de la décision aux prescripteurs. Il faut mettre à leur disposition des moyens diagnostiques efficaces et rapides qui permettre de trancher en faveur d’une  infection bactérienne. Le test de diagnostic rapide des angines à streptocoque du groupe A est un bon exemple de ce qui doit nous rendre service. Hélas nombre de médecins pour une raison ou une autre préfèrent encore prescrire une antibiothérapie plutôt que de réaliser ce test. D’autres tests prennent place dans les laboratoires afin de donner des identifications bactériennes rapides (spectrométrie de masse, biologie moléculaire,…) ainsi que les sensibilités vis-à-vis des antibiotiques. C’est ce qui permet l’adaptation des traitements la plus rapide possible afin de favoriser les molécules aux spectres les plus étroits. Eduquer le grand public est également indispensable. C’est certes difficile mais cela semble avoir fonctionner lors de la première campagne puisque les pressions exercées par les patients sur les médecins pour obtenir des antibiotiques étaient moindre. Il faut surement regarder ce qui marche en terme d’éducation chez nos voisins.    

Pour toutes ces actions il faut investir des moyens au départ pour obtenir des résultats dans le temps. Moins d’antibiotiques c’est moins de résistances et c’est ensuite des économies car les infections par des bactéries résistantes engendrent des coûts bien plus importants. Il est en effet démontrer que la morbidité, la mortalité, les durées de séjour dans les hôpitaux et les coûts des traitements sont plus importants pour une bactérie résistante ou multi-résistante que pour une bactérie sensible. 

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