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Annonces après annonces, que reste-t-il des 50 milliards d’économies ?
©Reuters

Bilan de parcours

Le 16 avril, 2014, Manuel Valls annonçait contre toutes attentes un vaste plan d'économies de 50 milliards, avec pour horizon 2017. Les annonces d'économies tombent progressivement, mais les mesures coûteuses aussi. On fait les comptes.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Boeuf

Jean-Luc Bœuf est administrateur général. Auteur de nombreux ouvrages, son dernier livre : les très riches heures des territoires (2019), aux éditions Population et avenir. Il est actuellement directeur général des services du conseil départemental de la Drôme (26)

 

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  • Le gel du point d'indice des fonctionnaires (1 milliards d'économies) s'annonce comme un coup d'épée dans l'eau alors que le maintien de la revalorisation de la catégorie C devrait coûter 700 millions d'euros.
  • Les 11 milliards promis par les restructurations territoriales restent extrêmement floues alors que Moody's estime que le projet ne permettra pas d'économies concrètes.
  • Le gel du régime général de retraites censé rapporter 1.3 Milliards d'euros devrait être en vérité deux fois moins efficace qu'escompté.
  • A l'arrivée, le gouvernement est encore très loin des 50 milliards d'économies annoncés, les annonces de Marisol Touraine sur les économies de santé se faisant encore attendre. 

Atlantico : Après avoir assuré qu'il ferait un geste à l'égard des plus modestes, Manuel Valls a récemment annoncé 4 milliards d'euros d'économies supplémentaires. Où en est-on concrètement ? Quelles sont les mesures qui ont été appliquées, ou sont en passe de l'être ?

Eric Verhaeghe : On se souvient tous que le 16 avril Manuel Valls annonçait un plan d’économies de 50 milliards, jusque-là jamais évoqué par le candidat Hollande, mais destiné à faire rentrer la France dans le clou des 3% maximum de déficit public en 2017. 2 mois plus tard, il est peut –être utile de reprendre l’état des promesses qui ont été alignées.

La première mesure annoncée par Manuel Valls consistait à continuer le gel du point d’indice de la fonction publique. Cette mesure, qui concerne autant l’Etat que les collectivités locales, est une sorte de tarte à la crème appliquée à des degrés divers par tous les gouvernements. Il est difficile d’en mesurer la portée. En gros, une hausse de 0,6% de la valeur du point coûte 1 milliard aux finances publiques. Il est probable qu’une revalorisation du point se situerait autour de ce coût. On peut donc estimer que Valls économise un milliard en 2015 grâce à cette disposition.  Mais…  le 28 avril, Manuel Valls écrivait aux députés socialistes qu’il maintenait la revalorisation indiciaire prévue pour la catégorie C, chiffrée à 440 euros nets pour 1,6 millions de fonctionnaires (essentiellement dans la fonction publique territoriale). Soit, 700 millions d’euros de dépenses nouvelles. Officiellement, ces sommes étaient programmées. Il n’en reste pas moins que la mesure globale de gel du point est à peu près factice.

La deuxième mesure portait sur la poursuite de la baisse des effectifs de la fonction publique, hors ministères prioritaires. Là encore, le sujet est imprécis et, par nature, très flou. La baisse des effectifs avait commencé sous Nicolas Sarkozy, il a fallu attendre 2011 pour qu’elle produise la première réduction de la masse salariale de l’Etat depuis 1945 ! Encore s’agissait-il d’une diminution symbolique, inférieure à 500 millions d’euros. Dans le cas du gouvernement Valls, le paradoxe tient au fait que les effectifs baissent mécaniquement… par l’intervention (pas complètement) inattendue des ministères prioritaires. On se souvient que le cerf-volant Peillon avait annoncé 15.000 recrutements supplémentaires par an pendant 4 ans pour les concours enseignants. Chacun savait alors que la France ne produit pas assez de diplômés chaque année pour remplir ce besoin. Sans surprise, les concours ne font pas le plein : dans la masse globale, les effectifs de fonctionnaires diminuent donc plus vite que le gouvernement ne le pensait.

Les troisième et quatrième mesures consistaient à supprimer la clause générale de compétence des régions et des départements pour accompagner la réforme de la carte administrative, notamment la fusion des régions. Dans une interview aux Echos, Michel Sapin évoquait la baisse des dotations aux collectivités à hauteur de 3,7 milliards en concluant : « si cela se transformait en hausse des impôts locaux ou en endettement supplémentaire des collectivités, nous n’aurions rien gagné collectivement ». Voilà une parole de bon sens. Le gouvernement annonce donc des réformes de structure qui devraient produire une économie de 11 milliards d’euros. Le problème est que personne ne peut jurer que la cause produira l’effet.

La cinquième mesure portait sur une revalorisation du RSA : mesure confirmée qui apporte donc des dépenses, et pas d’économies.

La sixième mesure était peu innovante : elle bloquait les retraites du régime général pendant un an. La mesure était supposée rapporter 1,3 milliard. La même mesure appliquée aux retraites complémentaires rapporte 550 millions d’euros. Mais… le 28 avril, Manuel Valls annonçait que cette mesure ne concernerait pas les retraites inférieures à 1.200 euros par mois, soit près de la moitié des retraités.

Au total, ces quelques mesures sont évidemment très loin de produire 50 milliards d’économies. On attend maintenant les annonces de Marisol Touraine sur la santé, pour juger du réalisme de la promesse gouvernementale.

A partir de ce chiffrage des annonces effectuées, à combien peut-on estimer à ce jour les économies en cours dans ce plan qui doit s’achever en 2017 ?

Jean-Luc Bœuf : La question des 50 milliards d'euros d'ici 2017 fait un peu penser aux règles du théâtre, avec la fameuse unité de temps, unité de lieu et unité d'action.

- pour ce qui est de l'unité de temps, gardons à l'esprit que la date de 2017 offre plusieurs perspectives toutes utilisables par le gouvernement pour faire croire qu'il respectera la règle auto-fixée alors qu'il n'en sera rien ! D'abord, quel point de départ prend-il ? 2014 en loi de finances initiale (LFI) ou 2013 en loi de règlement ? Ensuite, s'agit-il de répartir les économies sur trois exercices (2014-2015-2016) ou quatre (2014-2015-2016-2017) ? Car diviser l'effort par trois ou quatre change bien sûr la donne. Enfin, la loi de finances 2017 sera préparée avant les élections présidentielles. Il sera alors possible au gouvernement de présenter, en projet, un "spectaculaire" redressement en jouant sur quelques dixièmes de point de croissance en plus, sur quelques dixièmes de charges de la dette en moins, un baril de pétrole à un prix optimiste etc.

- pour ce qui est de l'unité d'action, n'oublions pas que le fait de ne pas augmenter le point d'indice des agents de la fonction publique n'est pas une économie ! C'est - au mieux - une moindre dépense. De même, le non remplacement d'agents publics n'est pas une économie dans l'immédiat puisque les "sortants" partent en retraite et constituent un coût pour plus de 20 ans en moyenne

- pour ce qui est de l'unité de lieu, les 50 milliards annoncés, et répétés à satiété, concernent l'ensemble du secteur public, c'est-à-dire l'Etat, les collectivités locales et le secteur public de la santé. C'est peut-être là où les pouvoirs publics son le plus crédibles vis-à-vis des collectivités locales, en annonçant 11 milliards de baisse des dotations, sur plusieurs années, il s'agit là d'une véritable mesure.

En définitive, remettons les 50 milliards d'euros dans le contexte de l'Etat et du PIB de la France : sur 4 ans, cela représente environ 4% du budget de l'Etat et un peu plus d'un point de PIB. Et même pour ça, le gouvernement n'arrive pas à présenter des chiffres clairs...

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