Angela Merkel prend la présidence de l’Union européenne avec toutes les cartes en main pour sortir l'Europe de l'asphyxie ou de l‘isolement<!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel
Angela Merkel
©HAYOUNG JEON / POOL / AFP

Atlantico Business

L’Allemagne prend la tête de l’Union européenne en ce 1er juillet. Et si Angela Merkel a toutes les chances de réanimer l’Europe, c’est parce que l’Allemagne s’est convaincue qu’elle en avait besoin. La Chancelière n’a jamais eu autant d’opportunités pour marquer l’Histoire.

Aude Kersulec

Aude Kersulec

Aude Kersulec est diplômée de l' ESSEC, spécialiste de la banque et des questions monétaires. Elle est chroniqueuse économique sur BFMTV Business.

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Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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L’année dernière, à la même époque, Angela Merkel était politiquement condamnée, le peuple allemand ne la voulait plus. Elle avait perdu la majorité au sein de son propre parti et se consolait à peine avec le peu de temps que le calendrier électoral lui laissait, avec la Chancellerie, pour organiser sa succession qui ne paraissait pas gagnée pour ses amis.

Aujourd’hui, la première dame d’outre Rhin n’a jamais été aussi populaire et légitime pour sortir l’Allemagne de la crise et repositionner son pays au sein d’une Europe qui a sans doute un rôle nouveau à jouer dans la concurrence mondiale. Et pour ce faire, elle doit renforcer l’Union européenne parce qu’elle a enfin réussi à faire comprendre à ses concitoyens que l’Allemagne ne s’en sortira pas toute seule et encore moins sans la solidarité des pays membres de l’Union.  Le point nouveau est dans le changement de son rôle au sein de l’Union. Et les pays membres de l’Union européenne ont tout à gagner de ce changement. 

Angela Merkel s’installe donc à Bruxelles pour six mois comme présidente de l’Union européenne, avec la ferme intention d’assumer le pouvoir. Il n’y a qu’en France que les antieuropéens ont fait croire que l’Union européenne était aux mains des eurocrates, ces fonctionnaires qui, soi-disant, décident de tout contre l’avis des peuples. A Berlin, on sait que le pouvoir à Bruxelles appartient au conseil des ministres et au conseil des chefs d’Etat et de gouvernement qui délèguent leur pouvoir à une administration et en conservent le pouvoir de la contrôler. C’est donc Angela Merkel la patronne et elle a en main toutes les cartes pour assumer ce pouvoir et relever les défis qui s’imposent, pas seulement à l’Allemagne, mais aussi à l'ensemble des pays membres.  

1ere carte, une conviction acquise et renforcée par la crise du coronavirus. Dans le contexte de la mondialisation, elle a pris conscience que la bataille contre ce type de crise pandémique ne pouvait se gagner qu’à l’échelon européen, il fallait donc trouver des nouvelles solidarités. Que l’Allemagne ait été préparée, c’est bien mais elle avait tout à craindre de l’impréparation de ses voisins et partenaires.

2e carte, la popularité nouvelle. Alors qu’il y a encore un an, Angela Merkel avait perdu toute légitimité, aujourd’hui elle a retrouvé sa puissance et son autorité interne au point de faire accepter au peuple allemand des projets et des politiques qui paraissaient complètement tabous. Quand Angela Merkel, contre l’avis des faucons de son parti, fait passer l’idée qu’il faut désormais s’asseoir sur les critères de Maastricht, dépasser les normes pour survivre, quand elle convainc les gens de son cabinet de préparer avec la France des emprunts garantis par l’Union européenne mais dont les moyens seront destinés à soutenir les pays membres les plus fragiles, quand enfin, elle reconnait que la politique d’immigration doit évoluer vers plus de restrictions, notamment à l’encontre des populations musulmanes, c’est aussi très nouveau.

3e carte en main. Le soutien de deux de ses amies qu‘elle a fait nommer aux postes stratégiques de l’Union européenne. Christine Lagarde à la présidence de la Banque centrale européenne et Ursula Von der Leyen, à la présidence de la Commission européenne. D’un côté, elle peut veiller au tiroir-caisse et de l’autre à la gouvernance quotidienne. Ces trois femmes sont au diapason.

4e carte en main, le dynamisme de l’appareil industriel allemand qui a compris qu’il lui fallait changer de stratégie et peut être de modèle économique.  La force de l’Allemagne s’est construite sur les succès à l’exportation. L’industrie allemande a résisté à la tentation des délocalisations. Avec des produits très innovants à haute valeur ajoutée et une productivité très compétitive grâce à l'euro, l’Allemagne s’est imposée dans le monde comme le numéro un des exportations à grande valeur, notamment dans tous les pays émergents. Que la Chine soit devenue l’usine du monde pour fabriquer des chaussettes et des tee-shirts, les Allemands s’en moquaient tant que l’Allemagne restait le premier fournisseur de machine-outils ou de robots. 

Le problème est que cette répartition des taches a évolué.  Les pays émergents, grâce aux transferts de technologie, sont devenus des concurrents sur les créneaux sophistiqués. A partir de ce moment-là, le patronat allemand a compris qu’il aurait besoin des marchés européens. Mais pour avoir accès aux marchés européens, il fallait protéger les économies européennes et cesser de les fragiliser par des conditions de compétitivité inaccessibles.

Populaire dans les campagnes allemandes, écoutée par les élites, Angela Merkel a pu imaginer un changement de modèle économique.

Et toutes ces cartes en main doivent maintenant lui permettre de relever les défis qui se présentent à l’Europe. 

Le premier défi est celui de la relance budgétaire, dans laquelle les Etats ont encore leur mot à dire. Ce sera le premier gros dossier d’Angela Merkel : faire passer l’accord de plan de relance au moment du sommet européen, organisé le 17 et 18 juillet. Les 750 milliards d’euros seront empruntés au nom de l’Union européenne, une dette européenne mutualisée, mais dont les modalités de remboursement sont encore à définir.

Car, pour valider le plan de relance de la Commission européenne, il va falloir trouver un compromis entre les pays dit frugaux (dont l’Allemagne ne fait pas partie), mais où l’on trouve l’Autriche, les Pays-Bas, la Suède, le Danemark et de l’autre coté, tous les pays du Sud qui ont le plus besoin d’argent.  Faire accepter le principe de « subventions », des dons budgétaires aux Etats les plus en difficultés, dont la dette sera remboursée par l’ensemble européen. Un des points de négociation serait alors la participation au budget pluriannuel, qui va aussi se décider ses prochains jours, les quatre pays frugaux pourraient se voir attribuer une contribution de leur participation au budget diminuée, aux dépens des autres et notamment de la France.

Pour résoudre la crise économique, Angela Merkel devra éviter la crise politique majeure et une nouvelle distanciation entre les pays frugaux et les autres.

Le deuxième grand défi sera celui de trouver un accord avec le Royaume-Uni pour que le Brexit soit effectif d’ici la fin de l’année, sur les futurs échanges commerciaux et la circulation de personnes. Les discussions n’ont pour l’instant connu aucune avancée. On sait que la Chancelière est en faveur du maintien d’une coopération forte avec le Royaume-Uni, mais il faudra faire accepter à Boris Johnson de respecter les normes européennes, ce qui n’est pas négligeable. Mais le Premier ministre sait que, plus que jamais, l’Union européenne compte sur ces échanges commerciaux pour contrer l’horizon économique européen plutôt sombre. Un élément qu’il pourrait donc utiliser pour forcer la main des Européens.

Le troisième gros défi , c’est de répondre à la préoccupation environnementale des Européens. Une demande à laquelle l’Europe a déjà tenté de répondre via le Green Deal, un ensemble d’investissements avec pour objectif la neutralité carbone de l’Europe en 2050 et des contraintes plus fortes sur les réductions de gaz à effet de serre.

Les négociations que va mener Angela Merkel vont être capitales sur la direction que va se donner l’économie européenne : une économie plus verte et leader en ce domaine ou des applications à reculons d’une écologie sans idées et punitive. Elle devra sur ce point se réinventer, car ce qu’elle a fait jusqu’à présent en Allemagne, avec la réouverture des centrales à charbon, ne plaide pas en sa faveur. Mais là encore , elle a presque l’assurance que « les Verts allemands », qui ont empoisonné son début de mandat, ont évolué dans leurs positions. Il faudra fermer les centrales au charbon parce qu’ils reconnaissent que c’est une aberration. Et si on ferme les centrales au charbon, il faudra bien acheter de l’électricité en France (donc nucléaire) ou alors construire sa propre énergie nucléaire. Ou alors être fer de lance d’une nouvelle énergie…

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