American Sniper : ces héros guerriers que les Américains ont encore et pas nous <!-- --> | Atlantico.fr
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Le dernier long-métrage de Clint Eastwood a créé la polémique en retraçant l'histoire du sniper Chris Kyle
Le dernier long-métrage de Clint Eastwood a créé la polémique en retraçant l'histoire du sniper Chris Kyle
©© Warner Bros

Superman

Porté à l'écran par Clint Eastwood, le sniper Chris Kyle est considéré aux Etats-Unis comme un héros national. La persistance de héros guerriers aux Etats-Unis tient à une vision très différente de l'héroïsme de celle de la France. La multiplication de héros dans tous les domaines témoigne de la volonté d'exprimer peut-être un sentiment de supériorité et la volonté de s'affirmer, alors que la France se montre très timide en la matière.

Frédéric Robert

Frédéric Robert

Frédéric Robert est Maître de Conférences en civilisation américaine à la Faculté des Langues de l’Université Jean Moulin (Lyon III).

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Comment expliquer que les Etats-Unis comptent autant de héros guerriers aujourd'hui, à la différence de la France ?

Frédéric Robert : L'Amérique a toujours vénéré les guerriers, les militaires et a toujours attaché énormément d'importance à son armée et à la défense de ses intérêts, aussi bien sur le territoire américain qu'en dehors de ses frontières. Le pays a d'ailleurs élu de nombreux militaires à la Maison Blanche : George Washington (1789-1797), Andrew Jackson (1829-1837), William Henry Harrison (1841), Zachary Taylor (1849-1850), Franklin Pierce (1853-1857), Ulysses Grant (1869-1877), Rutherford Birchard Hayes (1877-1881), James Abram Garfield (1881), Benjamin Harrison (1889-1893), Dwight Eisenhower (1953-1961). Ce culte du militaire est naturellement étroitement lié à la notion de patriotisme qui rejaillit sur le pays tout entier. Les Américains aiment admirer, vénérer, ces héros qui ont apporté leur pierre à l'édifice national. Ce patriotisme est également lié au respect de l'armée américaine et de ses hommes, les "Boys", qui défendent les intérêts américains et les valeurs américaines.

Le rapport au drapeau que ses hommes défendent est viscéral : le drapeau se montre, s'expose avec fierté, contrairement à la France où les raccourcis ou les amalgames sont souvent faciles et très rapides. Le monument d'Iwo Jima, à Washington, qui fait la part belle au drapeau américain, entouré de plusieurs soldats érigés au rang de héros nationaux, est d'ailleurs assez symptomatique, même si, depuis peu, il a été prouvé que cette scène avait été fabriquée de toutes pièces afin de renforcer le sentiment patriotique. Le patriotisme véhiculé par de tels héros serait connoté négativement dans notre pays. Les héros guerriers dont vous parlez sont peu nombreux en France : on pense naturellement au Général de Gaulle ou au Général Marcel Bigeard. L'histoire militaire française appartient au passé alors qu'en Amérique l'histoire militaire passée revient souvent pour illustrer le présent et donner une leçon aux jeunes générations.

Peut-on considérer que cette différence entre Etats-Unis et France réside dans le fait que la France n'est plus un pays guerrier ? Si oui, à quelle époque et comment justifier ce basculement ?

Frédéric Robert : Oui, exactement. A mon sens, ce basculement a eu lieu au moment de la guerre d'Algérie. La France ressent un regain d'appartenance militaire lors d'événements commémoratifs, à intervalles plus ou moins réguliers, ou lors du défilé du 14 juillet. Comme je le disais plus haut, le rapport passé et actuel des Français vis à vis de leur armée est sans coutume mesure par rapport à ce que ressent la grande majorité des Américains face à l' US Army.

Peut-on expliquer un tel phénomène par le fait que les deux pays n'ont pas la même conception de l'héroïsme?

Frédéric Robert : Sans nul doute. Les Américains ont des héros dans de nombreux domaines : dans le domaine sportif, à Hollywood ou dans l'"entertainment" au sens large, dans les médias, dans la vie politique parfois ; certains ont ce statut pendant un temps plus ou moins long, certains le perdent au moindre faux pas (Lance Armstrong par exemple), d'autres le gardent depuis des décennies et ont véritablement peu de risque de le perdre (Abraham Lincoln ou MLK, par exemple). Cela peut éventuellement s'expliquer par un sentiment de supériorité, par une volonté farouche de s'affirmer et de se faire admirer ou par une nécessité de combler un vide en donnant un semblant d'épaisseur à leur fibre patriotique. La France est relativement timide en la matière, peut-être par pudeur, peut-être en raison d'un frein conscient ou inconscient qu'elle actionne pour contrôler l'expression de ses sentiments patriotiques. A titre d'exemple, Robert O'Neill, Navy Seal qui a tué Ben Laden, joue dans la même cour que l'American Sniper. O' Neill est, pour beaucoup, un héros national qui a sauvé les Etats-Unis et le monde occidental d'un terroriste sanguinaire.

Quel type de héros la France recherche-t-elle à l'heure actuelle?

Frédéric Robert : Chaque année sort un classement des personnalités préférées des Français. La question est de savoir si ces personnes peuvent endosser la panoplie de héros... J'en doute fort. L'Amérique a eu son Superman, je crois que nous le cherchons toujours sans véritablement savoir les contours qu'il faut lui donner. La France ne verse pas dans l'exceptionnalisme, ni dans le superlatif. S'il faut trouver des héros à la française, on pourrait citer les héros de la résistance qui ont défendu les valeurs françaises souvent au péril de leur vie. Paradoxe de taille : la France considère souvent les Etats-Unis comme un modèle, à tort ou à raison dans certains cas, peut-être y trouvera-t-elle des traits héroïques chez certains qu'elle s'efforcera ensuite à dénicher parmi les siens ?...

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