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Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard : Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin.
Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard : Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin.
©SERGEI SUPINSKY / AFP

Bonnes feuilles

Michel Goya et Jean Lopez publient « L’ours et le renard : Histoire immédiate de la guerre en Ukraine » aux éditions Perrin. Cet ouvrage est indispensable non seulement aux amateurs d'histoire militaire mais à tout citoyen désireux de comprendre l'énorme embrasement qui se produit à l'est et dont chacun craint que des flammèches viennent jusqu'à nous. Extrait 2/2.

Michel Goya

Michel Goya

Officier des troupes de marine et docteur en histoire contemporaine, Michel Goya, en parallèle de sa carrière opérationnelle, a enseigné l’innovation militaire à Sciences-Po et à l’École pratique des hautes études. Très visible dans les cercles militaires et désormais dans les médias, il est notamment l’auteur de Sous le feu. La mort comme hypothèse de travail, Les Vainqueurs et, chez Perrin, S’adapter pour vaincre (tempus, 2023). Michel Goya a publié avec Jean Lopez « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine aux éditions Perrin (2023).

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Jean Lopez

Jean Lopez

Jean Lopez, directeur de la rédaction de Guerres et Histoire, s’est signalé par une série d’ouvrages revisitant le front germano-soviétique dont, avec Lasha Otkhmezuri, une biographie de Joukov unanimement saluée. Il a en outre codirigé, avec Olivier Wieviorka, le second volume des Mythes de la Seconde Guerre mondiale.

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Jean Lopez –  Si je vous suis bien, et au-delà de ce qui se passe dans le Donbass, notamment autour de Bakhmut et d’Avdiivka – au nord de Donetsk – où les Russes gardent encore l’initiative, l’avenir appartiendrait aux Ukrainiens : ils sont meilleurs techniquement et tactiquement, leur moral est supérieur et l’arrivée de chars de bataille modernes, couplée à la mise sur pied de nouvelles unités, devrait leur permettre de reprendre l’initiative comme ils l’ont déjà fait en septembre 2022. Bien entendu, chacun d’entre nous se demande ce que pourrait être le prochain objectif. Si les buts de guerre de Kiev sont bien la récupération des frontières héritées de l’URSS en 1991, la logique stratégique ne serait-elle pas d’interrompre d’abord la continuité territoriale acquise par les Russes avec la Crimée ? Pour le dire directement : les Ukrainiens ne vont-ils pas tenter de reprendre le secteur Melitopol-Berdiansk-Marioupol, c’est-à-dire le rivage de la mer d’Azov ? Cette portion du front s’étire sur près de 300 kilomètres. Sait-on comment les Russes y ont organisé leur défense ?

Michel Goya –  Tant que l’objectif stratégique des Ukrainiens reste la libération de tous les territoires occupés par les Russes, ils n’ont guère d’autre solution que de lancer de grandes opérations offensives qui soient à la fois des opérations de conquête et autant que possible d’anéantissement des forces ennemies. Il ne leur est pas possible, au moins pour l’instant, de lancer ces opérations dans la province de Kherson à cause de l’obstacle du Dniepr, ni dans celle de Donetsk où, de part et d’autre, de puissantes positions fortifiées ont été établies. Restent les provinces de Louhansk et Zaporijjia. On peut donc imaginer que les Ukrainiens cherchent à percer le front au nord jusqu’à la prise de Starobilsk qui leur assurerait tout le nord de la province de Louhansk. Mais, vous avez raison, une percée en direction de Melitopol serait beaucoup plus productive. Si les Ukrainiens parvenaient à la mer d’Azov, le front russe serait coupé en deux, avec une partie ouest, vers le Dniepr, qui ne pourrait plus être ravitaillée que difficilement par la Crimée, sans même évoquer le choc incroyable que provoquerait une libération de Marioupol. Le problème est que tout le monde raisonne ainsi, et en premier lieu les Russes, naturellement. Cette offensive dans la province de Zaporijjia est ainsi sans doute une des plus attendues de l’histoire, ce qui ne favorise pas son succès, faute d’effet de surprise.

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JL – Faut-il ranger dans la même catégorie d’objectif – permettre à l’Ukraine de reconstituer une capacité offensive – la décision de la Slovaquie et de la Pologne, à la mi-mars 2023, de livrer des Mig-29 à Kiev ?

MG – La Pologne avait proposé très tôt dans la guerre de fournir ces avions à l’Ukraine, une offre qui avait alors suscité de profondes réticences parmi les Alliés. Pourtant, leur mise à disposition ne réduisait pas beaucoup les capacités des pays qui en possèdent, à condition quand même de les remplacer rapidement ; et l’assimilation par les forces aériennes ukrainiennes était facilitée par le fait qu’il s’agit d’un appareil qu’elles utilisent déjà, mais comme les modèles polonais sont modernisés aux normes OTAN, un peu de formation était tout de même nécessaire. À une époque où l’on pouvait encore envisager que les opérations seraient courtes, ce n’était pas anodin. Quelle serait en effet l’utilité d’envoyer des équipements précieux qui n’auraient pas le temps d’être engagés ? Surtout, troisième critère dans la fourniture de l’aide, il n’était alors question de ne fournir que de l’armement léger qualifié de « défensif » : envoyer des avions présentait un « coefficient d’escalade » avec la Russie trop important. On essayait d’imaginer la réaction des Russes, obsédés par l’idée d’une agression de l’OTAN, repérant par radar des groupes d’avions franchissant la frontière depuis une base polonaise… Bref, on s’y est longtemps opposé.

Et puis cette idée d’envoyer des avions de combat est revenue sur le tapis en début d’année 2023, juste après la question des chars de bataille. On pouvait en effet considérer que l’époque avait changé, que les Russes étaient sur le reculoir, qu’on avait déjà envoyé des équipements très lourds et très puissants sans que Moscou réagisse autrement que verbale‑ ment. Pour autant, si celui de l’escalade prenait moins d’importance, les autres critères demeuraient. Il est de fait plus compliqué d’envoyer des avions de combat que des engins blindés : c’est une ressource plus rare et dont on a davantage de mal à se séparer ; et pour qu’elle ait la moindre influence sur le sort de la bataille, il faut compter quelques dizaines d’avions au moins, et que ce nombre soit « absorbable » par les Ukrainiens. Des appareils nécessitant une grosse infrastructure et de longues pistes, par exemple, ne sont pas indiqués. Il faut au contraire des engins utilisables sur des pistes courtes, voire sur des routes pour mener une « guérilla aérienne ». Il faut surtout des pilotes. Considérant la durée de formation totale d’un pilote, on ne peut s’appuyer, au moins à court terme, que sur les effectifs existant (à moins d’introduire discrètement des « volontaires ») qui ne se comptent qu’en dizaines d’hommes.

Extrait du livre de Michel Goya et Jean Lopez, « L’ours et le renard Histoire immédiate de la guerre en Ukraine », publié aux éditions Perrin

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