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Alors, inflation ou pas ? Les bourses décrochent et le débat chez les économistes devient de plus en plus fumeux
©©DANIEL ROLAND / AFP

Atlantico Business

Le débat sur l’inflation est presque aussi fumeux et anxiogène que le débat sur les risques de la Covid. Les économistes sont partagés et les politiques essaient de raconter à leurs électeurs ce qu’ils veulent entendre. En attendant, la bourse décroche. Quelle pagaille !

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Les bourses décrochent pour cause de reprise pandémique et apportent à tous ceux qui prédisent un risque d’inflation une raison de plus de croire à un dérèglement de l’économie mondiale. En attendant, le débat sur la politique monétaire et sa responsabilité dans la poussée inflationniste divisent les experts qui, pour beaucoup, se perdent dans des prophéties assez fumeuses et incertaines. Le débat n’est pas franco-français, il occupe la totalité des grands pays occidentaux.  

Les banques centrales, qui ont rendu publics la semaine dernière des ajustements à la marge de leurs politiques monétaires, n’ont pas donné d’éléments convaincants sur les risques d’inflation dans le monde et surtout dans les pays occidentaux

La banque centrale américaine a dit qu’elle réduirait les mesures de relance et qu’elle relèvera les taux d’intérêt en 2022 afin de ne pas alimenter les courants inflationnistes qui menacent la reprise économique américaine. C’est typiquement du jargon de banque centrale qui ne se traduit pas dans les faits. 

La banque centrale d’Angleterre a été plus agressive puisqu’elle a relevé les taux. Il faut dire que le système anglais est assiégé, non seulement par le virus, mais aussi par les effets pervers du Brexit qui commencent à couter cher.
La banque centrale européenne a été très « européenne ». Christine Lagarde a appris à faire du « en même temps ». En même temps, avec une oreille en France et l’autre en Allemagne. Elle a prévenu que la BCE allait mettre fin (très progressivement) à son programme d’achats de créances qui répondait à la pandémie, mais parallèlement, elle va doubler son programme d’achats classiques au deuxième trimestre de l’année. Elle ne fera aucune augmentation de taux en 2022. Du coup, les Allemands ne vont pas grogner et les latins ne manqueront pas de liquidités.  

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Tout cela signifie que les banques centrales font ce qu’elles peuvent pour aider les systèmes à tenir leur prévision de croissance, et n’ont aucune certitude sur l’évolution des prix et sur les risques d’inflation qui, pourtant, stressent les chefs d’entreprise et obsèdent les économistes et les hommes politiques dans toutes les grandes démocraties.  

Le débat sur l‘inflation ressemble un peu dans sa forme, au débat sur la pandémie. Faute d’indicateurs pertinents avec des signaux contradictoires, les experts mélangent ou confondent un peu leurs prévisions et leur convictions. 

Sur le dossier de la hausse des prix, le politiquement correct est d’expliquer que le risque majeur est un risque de hausse généralisée des prix qui va entrainer des baisses de pouvoir d’achat et par conséquent, une crise socio-politique gravissime. Ce sont grosso modo les mêmes économistes que ceux qui, au début de l’année dernière, expliquaient que cette pandémie, et surtout les politiques gouvernementales mises en place, provoqueraient une crise économique et sociale sans précédent, avec des vagues de faillites d’entreprises et un tsunami de chômage.  

Plus d’un an après, on s’aperçoit que rien ne s’est passé comme nous l’avaient annoncé les marchands de malheur.  La reprise a balayé toutes les prévisions défaitistes, et la croissance est pour le moment durable. La mutation des entreprises a été très rapide, marquant là une résilience des acteurs privés de l‘économie de marché qu’on ne soupçonnait pas...

Ceci étant, maintenant que la Covid n’a pas réussi à détruire les processus de croissance et d’échange internationaux, les économistes et les analystes de marché se sont emparés du dossier de l’inflation. 

Du coup, le débat fait rage entre ceux qui craignent une poussée durable de l’inflation et ceux, plus prudents, qui considèrent que les risques sont mesures et gérables. Les banques centrales sont au cœur de ce débat, a priori embarrassées parce que les signaux inflationnistes existent, mais ils ne sont pas suffisants pour justifier la fin des politiques monétaires. 

Les analystes qui annoncent l’inflation font feu de tout bois : ils analysent en long et en large l’augmentation des prix des énergies et des matières premières et considèrent que les afflux de liquidités vont provoquer une contamination généralisée des mécanismes inflationnistes. Ils annoncent, pour l’année prochaine, une situation qui sera intenable. Donc pour eux, il faut urgemment modifier les politiques monétaires et remonter les taux d’intérêt. Donc, installer des cures d’austérité pour éviter de se fracasser contre le mur de la dette Covid qu’il faudra bien un jour rembourser. 

Les économistes qui ne croient pas en l’imminence d’incendies inflationnistes considèrent, eux, que les hausses de prix sur l’énergie et les matières premières sont très conjoncturelles et liées à la reprise très forte de la demande mondiale. Et sur ce point très factuel, ils ne peuvent pas avoir tort. La hausse des prix de l’énergie et de matières premières va se calmer avec le ralentissement des effets de rattrapage. Par ailleurs, ces économistes de la raison ne croient pas que ces hausses de prix sectorielles puissent mettre le feu à l’ensemble des systèmes de marché. Il n’y a pas de lien entre les prix et les salaires. Cette situation ne peut même pas entrainer une hausse rapide des taux d’intérêt. Pour des raisons structurelles liées à la démographie mondiale, à la productivité digitale, à l’innovation permanente, à la capacité d’épargne, etc. Enfin, si la croissance économique en volume ne se tasse pas, la question de la dette Covid sera gérable. 

Ce débat n’est pas seulement technique, il est aussi devenu idéologique entre ceux qui ne croient pas en la capacité du marché à se réguler et ceux qui y croient.  Les anglo-saxons sont globalement plus inquiets (et notamment les américains et les anglais ) que les européens qui restent unis autour de la banque centrale européenne. Pour l‘instant. 

En fait, ce débat est un produit dérivé de la crise Covid. Tout se passe comme si la menace inflation était corrélée négativement à la menace pandémique. Quand la pandémie recule, le reprise de l’économie s’accélère et les risques d’inflation également.  Mais quand une nouvelle vague de Covid, avec un nouveau variant arrive, la confiance se fissure à nouveau. La bourse décroche et met entre parenthèses la préoccupation inflation qui devient moins prégnante. 

Le débat ne gagne pas en clarté mais le marché, lui, gagne en capacité de résistance et d’adaptation. 

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